L identité de la pensée et de la parole dans l Ancien Stoïcisme - article ; n°65 ; vol.16, pg 9-21
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L'identité de la pensée et de la parole dans l'Ancien Stoïcisme - article ; n°65 ; vol.16, pg 9-21

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Description

Langages - Année 1982 - Volume 16 - Numéro 65 - Pages 9-21
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 17
Langue Français

Extrait

Marc Baratin
L'identité de la pensée et de la parole dans l'Ancien Stoïcisme
In: Langages, 16e année, n°65, 1982. pp. 9-21.
Citer ce document / Cite this document :
Baratin Marc. L'identité de la pensée et de la parole dans l'Ancien Stoïcisme. In: Langages, 16e année, n°65, 1982. pp. 9-21.
doi : 10.3406/lgge.1982.1117
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1982_num_16_65_1117Marc Baratin
Université de Paris-Sorbonne
L'IDENTITÉ DE LA PENSEE
ET DE LA PAROLE
DANS L'ANCIEN STOÏCISME
Je ne pense que quand je parle.
Gambetta
Dès l'Antiquité, le système philosophique de l'Ancien Stoïcisme a été victime d'un
phénomène de rejet. Alors que Chrysippe, le « second fondateur » de l'Ecole ^ est
crédité de plusieurs centaines d'écrits, ce qui n'est pas invraisemblable si l'on veut
bien compter l'équivalent de nos modernes compte-rendus, notes d'information ou
réactions d'humeur, aucun ne nous est parvenu. L'essentiel de nos connaissances nous
vient de deux sources marginales : les ouvrages du philosophe sceptique Sextus Empi-
ricus, qui cite abondamment les Stoïciens pour les réfuter, et le résumé de la doctrine
stoïcienne présenté par le compilateur Diogène Laërce. La fidélité de ce résumé paraît
d'autant plus grande que son auteur s'abstient de toute intervention personnelle. Mais
précisément, la lecture de Diogène Laërce, en donnant une impression certainement
exacte de la démarche de l'Ancien Stoïcisme, permet de comprendre le rejet dont cette
philosophie a été l'objet. C'est presque une caricature des systèmes dogmatiques à pré
tention universalisante : la doctrine se développe par le seul moyen d'une succession
de définitions où tout est censé se tenir et où l'on doit a priori tout accepter si l'on
admet un seul élément. Le résultat de cette démarche fut l'inverse de ce que les Stoï
ciens devaient en escompter. L'influence de leur doctrine fut essentiellement partielle.
Leurs épigones officiels, ceux du Moyen Stoïcisme et du Stoïcisme Tardif, mais aussi
tous ceux qui à l'occasion se sont inspirés de l'Ancien Stoïcisme, ne se sont jamais
attachés à l'ensemble de la doctrine mais seulement à tel ou tel de ses aspects, en
négligeant le reste, et surtout en négligeant l'articulation de l'aspect envisagé avec le
reste de la doctrine. C'est notamment le cas de l'analyse linguistique de l'Ancien
1. Chrysippe (vers 280 — vers 205 av. J.-C.) fut, à la tête de l'Ecole stoïcienne, le successeur
de Zenon de Citium et de Cléanthe d'Assos. C'est le principal représentant de l'Ancien Stoï
cisme. Les deux autres phases du stoïcisme sont le Moyen Stoïcisme, dominé par Panétius de
Rhodes et Posidonius d'Apamée aux IIe et Ie s. av. J.-C, et le Stoïcisme Tardif, presque unique
ment préoccupé par des problèmes éthiques (Sénèque, Epictète, Marc-Aurèle). 2. La place qui lui est accordée dans l'ensemble de la doctrine est très Stoïcisme
importante, et l'influence qu'elle a eue dans l'Antiquité est considérable, mais cette
analyse a été presque immédiatement isolée de son contexte, perdant par là une partie
du sens qu'elle ne pouvait manquer d'avoir dans un système aussi clos.
L'Ancien Stoïcisme lui-même a une grande part de responsabilité dans cette fra
gmentation de son système. Cet ensemble de définitions se prête en tant que tel à des
découpages ponctuels parce qu'une présentation par définitions dissimule l'importance
relative de chacune par rapport aux autres. L'effet de cette fragmentation est que l'on
reconnaît volontiers que les Stoïciens se sont intéressés à l'analyse linguistique, mais,
considérée en elle-même, elle est jugée trop philosophique par les linguistes, et trop
linguistique par les philosophes.
On peut à l'inverse essayer de reconstituer, au travers de ces classements, le sens
de la démarche qui y conduit, pour saisir par là dans sa nécessité la place de l'analyse
linguistique dans leur doctrine et l'importance qu'elle y revêt.
1. L'analyse du signifiant et du signifié : pas de contenu de pen
sée en dehors d'une forme linguistique.
L'Ancien Stoïcisme divise la philosophie en trois parties, la logique, la physique et
l'éthique, dont le développement doit s'effectuer dans cet ordre. La logique est elle-
même divisée en dialectique et rhétorique. La dialectique est donc ce par quoi com
mence le discours philosophique stoïcien. Elle est à son tour scindée en deux parties,
l'une portant sur le signifiant et l'autre sur le signifié 3.
Le signifiant de la doctrine stoïcienne est découpé selon trois réalisations possibles.
Le vocal (phônê) n'est a priori ni articulé ni porteur de signification, et com
prend donc aussi bien la voix animale que la voix humaine. Le signifiant prononcé
(lexis) est caractérisé par le fait qu'il est articulé, mais sans être a priori porteur de
signification. Enfin le signifiant énoncé (logos) est doublement caractérisé par le fait
qu'il est articulé et porteur de signification. Les Stoïciens appellent semainon (signi
fiant) la notion même de signifiant, envisagée indépendamment de ses réalisations. A
2. Elle est présentée par Diogène Laërce, Vie des Philosophes, VII, 55-83. Pour une traduct
ion, cf. Marc Baratin et Françoise Desbordes, L'analyse linguistique dans l'Antiquité classique,
(I. Les théories). Klincksieck, 1981, pp. 121-128.
3. Les deux termes sont parallèles aux termes français : to semainon (le signifiant) est le par
ticipe actif substantive du verbe sèmainein (signifier) et to sèmainomenon (le signifié) est le parti
cipe passif du même verbe.
10 la suite de cette présentation, Diogène Laërce donne la définition des éléments du pro
noncé, c'est-à-dire des sons élémentaires, puis celle des constituants de l'énoncé, nom,
verbe, conjonction, etc. Suivent les définitions des critères de correction de l'énoncé,
puis de certains types formels d'énoncés.
De son côté, l'analyse des signifiés est présentée comme corrélative à une étude des
contenus de pensée, car tout ce qui est signifié, ce sont des contenus de pensée. Toutef
ois, ces contenus de pensée ne sont eux-mêmes des signifiés que quand ils s'incorpo
rent dans un signifiant, c'est-à-dire dans le cadre de la langue : considérés indépe
ndamment de cette incorporation, ce sont des énonçables, constituant le contenu virtuel
des énoncés. Ainsi, selon le point de vue, les Stoïciens parlent de contenu de pensée
{pragma) 4, quand celui-ci est envisagé indépendamment de son incorporation dans
un signifiant, d'énonçable (lekton) en tant que ce contenu de pensée est le contenu vir
tuel de l'énoncé, de signifié enfin (sèmainomenon) quand le contenu de pensée se réa
lise dans un signifiant. Dans son exposé, Diogène Laërce isole tout d'abord l'énoncé
assertif, c'est-à-dire l'expression linguistique d'un contenu de pensée susceptible d'être
vrai ou faux. Cette analyse passe par une définition du prédicat, conçu comme noyau
de l'énoncé. Puis Diogène Laërce définit les énoncés non assertifs, c'est-à-dire les
modalités d'énoncés. La suite de l'analyse porte sur les diverses formes de l'assertion,
forme simple quand elle est affirmative, négative, etc., forme composée quand les
assertions sont coordonnées, disjointes, constituées en système conditionnel, etc.
Cette présentation aboutit au calcul des propositions, c'est-à-dire à l'analyse de la vali
dité des relations que les énoncés entretiennent entre eux.
La place initiale accordée à la dialectique dans le système stoïcien, et la division de
cette dialectique en étude du signifiant et étude du signifié, sont conformes à la pro
blématique qui traverse la philosophie grecque. Cette problématique tient à une inter
rogation sur la possibilité et la validité de la science, et, par là, sur l'énoncé scien

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