L identité nationale saisie par les logiques de racisation. Aspects, figures et problèmes du racisme différentialiste - article ; n°1 ; vol.12, pg 91-128
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L'identité nationale saisie par les logiques de racisation. Aspects, figures et problèmes du racisme différentialiste - article ; n°1 ; vol.12, pg 91-128

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Mots - Année 1986 - Volume 12 - Numéro 1 - Pages 91-128
L'IDENTITÉ NATIONALE SAISIE PAR LES LOGIQUES DE RACISATION Le terme-carrefour ďidentité, à la fois indispensable et obscur, donne lieu à plus d'un paradoxe dans ses usages idéologico-politiques. L'antinomie, centrale, de l'individuo-universalisme (absolutisation de l'individu) et du communautarisme (absolutisation d'un type exclusif d'appartenance collective) sous-tend les conflits prenant la forme de l'opposition entre nationalisme-racisme et humanitarisme-antiracisme. Trois opérations caractérisent depuis quinze ans les discours de langue française : la « racialisation » des lexiques de la culture, de la religion, des traditions et mentalités ; le déplacement rhétorique de l'argument inégalitaire à l'argument différentialiste (on nomme « mixophobie » ou hantise du mélange la forme désormais dominante du racisme intégré au nationalisme, dont la vulgate est propagée par le discours national-populiste (Le Pen) et la légitimation savante fournie par le différentialisme de la nouvelle droite) ; l'usage systématique de la stratégie de « rétorsion », définie comme opération de reprise-appropriation, détournement et retournement d'un argument adverse. Imbrication du nationalisme et du racisme : les argumentations racistes peuvent aussi bien légitimer que contester les doctrines nationalistes au nom des sciences anthropologiques. L'analyse de textes récents de Le Pen fait distinguer trois logiques de racisation : différentialiste, préférentialiste, inégalitariste.
NATIONAL IDENTITY FRAMED IN THE LOGICS OF RACISATION The cross-roads term « identity », both essential and abstruse, gives place to some paradoxes in the field of ideologico-political discourse. The antinomy between individuo-universalism (absolutization of individual) and communitarism (absolutization of an exclusive type of group belonging) mainly underlies most of the conflicts taking the form of the opposition nationalism-racismlhumanitarism-antiracism. Three operations characterize the last fifteen years of French racist speeches : the « racialization » of vocabularies of culture, religion, traditions and mentalities ; the rhetorical shifting from the inegalitarian argument to the differencialist argument - (Mixophobia is the term suggested for designating the presently dominant form of racism integrated in nationalism, the bible of which being propagated by the national-populist discourse (Le Pen) and legitimated by the differentialism of the New Right) - ; the systematic use of a strategy of « retortion », defined as an operation of re-using- appropriation, self-legitimation and dis-legitimation of the ennemy. When interweaving nationalism and racism, the racist arguments can both justify and contest nationalist doctrines in the name of bio-anthropological sciences. An analysis of J.M. Le Pen's recent texts cause to distinguish three logics of racisation : differentialist, preferentialist and inequalitist.
38 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 41
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Pierre-André Taguieff
L'identité nationale saisie par les logiques de racisation.
Aspects, figures et problèmes du racisme différentialiste
In: Mots, mars 1986, N°12. pp. 91-128.
Citer ce document / Cite this document :
Taguieff Pierre-André. L'identité nationale saisie par les logiques de racisation. Aspects, figures et problèmes du racisme
différentialiste. In: Mots, mars 1986, N°12. pp. 91-128.
doi : 10.3406/mots.1986.1225
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1986_num_12_1_1225Abstract
NATIONAL IDENTITY FRAMED IN THE LOGICS OF RACISATION The cross-roads term « identity »,
both essential and abstruse, gives place to some paradoxes in the field of ideologico-political discourse.
The antinomy between individuo-universalism (absolutization of individual) and communitarism
(absolutization of an exclusive type of group belonging) mainly underlies most of the conflicts taking the
form of the opposition nationalism-racismlhumanitarism-antiracism. Three operations characterize the
last fifteen years of French racist speeches : the « racialization » of vocabularies of culture, religion,
traditions and mentalities ; the rhetorical shifting from the inegalitarian argument to the differencialist
argument - (Mixophobia is the term suggested for designating the presently dominant form of racism
integrated in nationalism, the bible of which being propagated by the national-populist discourse (Le
Pen) and legitimated by the differentialism of the New Right) - ; the systematic use of a strategy of «
retortion », defined as an operation of re-using- appropriation, self-legitimation and dis-legitimation of
the ennemy. When interweaving nationalism and racism, the racist arguments can both justify and
contest nationalist doctrines in the name of bio-anthropological sciences. An analysis of J.M. Le Pen's
recent texts cause to distinguish three logics of racisation : differentialist, preferentialist and inequalitist.
Résumé
L'IDENTITÉ NATIONALE SAISIE PAR LES LOGIQUES DE RACISATION Le terme-carrefour ďidentité,
à la fois indispensable et obscur, donne lieu à plus d'un paradoxe dans ses usages idéologico-
politiques. L'antinomie, centrale, de l'individuo-universalisme (absolutisation de l'individu) et du
communautarisme (absolutisation d'un type exclusif d'appartenance collective) sous-tend les conflits
prenant la forme de l'opposition entre nationalisme-racisme et humanitarisme-antiracisme. Trois
opérations caractérisent depuis quinze ans les discours de langue française : la « racialisation » des
lexiques de la culture, de la religion, des traditions et mentalités ; le déplacement rhétorique de
l'argument inégalitaire à l'argument différentialiste (on nomme « mixophobie » ou hantise du mélange la
forme désormais dominante du racisme intégré au nationalisme, dont la vulgate est propagée par le
discours national-populiste (Le Pen) et la légitimation savante fournie par le différentialisme de la
nouvelle droite) ; l'usage systématique de la stratégie de « rétorsion », définie comme opération de
reprise-appropriation, détournement et retournement d'un argument adverse. Imbrication du
nationalisme et du racisme : les argumentations racistes peuvent aussi bien légitimer que contester les
doctrines nationalistes au nom des sciences anthropologiques. L'analyse de textes récents de Le Pen
fait distinguer trois logiques de racisation : différentialiste, préférentialiste, inégalitariste.PIERRE-ANDRÉ TAGUIEFF
URL « LEXICOMÉTRIE ET TEXTES POLITIQUES »
INALF - SAINT-CLOUD, CNRS Mots, 12, 1986, p. 91-128.
L'identité nationale
saisie par les logiques de racisation.
Aspects, figures et problèmes
du racisme différentialiste
de « C'est la traiter, déjà bien Dieu suffisant seul la d'indiquer connaît... » la maladie. Quant à Lermontov la façon
Nous nous sommes interrogé sur l'imbrication réciproque de deux phénomènes idéo
logiques aujourd'hui très apparents et, semble-t-il, complémentaires : l'invocation aussi
banale que complaisante de la « crise d'identité » (ou des identités), et le surinvestissement
des identités collectives dans les nationalismes, les racismes, les « intégrismes ». L'identité
individuelle étant un successeur de l'identité collective, l'ébranlement de celle-ci engendre
nécessairement une mise en crise de celle-là, avec son cortège de compensations, dépla
cements, identifications, masquages. Nous ne sommes certes pas les premiers à relever la
très large distribution du thème identitaire et la grande diversité des emplois du terme -
du discours scientifique aux discours savants, de la parole sociale « spontanée » au discours
politique élaboré. En 1974, Claude Lévi-Strauss introduisait un séminaire interdisciplinaire 92 PIERRE-ANDRÉ TAGUIEFF
sur « l'identité », désormais fameux, par ces remarques : « Le thème de l'identité se situe
non pas seulement à un carrefour, mais à plusieurs. Il intéresse pratiquement toutes les
disciplines, et il intéresse aussi toutes les sociétés qu'étudient les ethnologues ; il intéresse
enfin l'anthropologie de façon très spéciale, puisque c'est en imputant à celle-ci une
obsession de l'identique que d'aucuns font son procès »*. La position théorique fondamentale
que nos analyses supposent est que la notion d'identité, précisément du fait qu'elle semble
ne jamais pouvoir acquérir un statut d'idée claire, distincte et opératoire, est particulièrement
apte à intégrer les mythes politiques modernes. L'illusion d'une identité (individuelle et/ou
collective) une, homogène, unique (incomparable, originale, etc.), substantielle, l'illusion
identitaire ne cesse de renaître malgré les efforts inchoatifs du discours critique-démystifi-
cateur. Nous sommes en présence d'une illusion idéologique minimale dont nous pouvons
certes former une représentation, mais non pas tarir la source en la convoquant devant le
tribunal de la raison critique.
Lévi-Strauss insistait à juste titre sur le caractère non totalisable des éléments d'une
identité, qui est toujours une identité-problème : « En dépit de leur éloignement dans
l'espace et de leurs contenus culturels profondément hétérogènes, aucune des sociétés
constituant un échantillon fortuit ne semble tenir pour acquise une identité substantielle :
elles la morcellent en une multitude d'éléments dont, pour chaque culture bien qu'en
termes différents, la synthèse pose un problème » (ibid., p. 11). On peut dès lors « supposer
que l'identité ait, elle aussi, ses relations d'incertitude » (ibid.). Mais le regard éloigné et
le savoir distancié de l'ethnologue risquent ici de se confondre avec le point de vue de
Sirius. Car il faut bien, en même temps qu'on s'attache à voir et décrypter de haut, ne
pas négliger le fait que, dans les mythologies politiques, les identités collectives sont
surinvesties, unifiées, substantialisées, pétrifiées enfin en objets de convictions, en assises
de certitudes. Elles sont pour ainsi dire gelées, et, comme l'eût déploré Proudhon, érigées
en autant d'absolus et d'idoles. Nous nous proposons, dans l'étude qui suit, de contribuer
à la tâche redoutable de réduction des absolus qui occupent le champ idéologico-poli tique.
Tâche probablement infinie.
1. L'identité, Paris, Grasset, 1977, p. 91. 93
FLUCTUATIONS SUR L'IDENTITÉ ET LA DIFFÉRENCE
Un terme obscur et indispensable : l'identité
La plupart des difficultés théoriques liées à la notion claire/obscure d'identité proviennent
d'un paradoxe épistémique et logique énoncé par Quine :
« L'identité est une idée si simple et si fondamentale qu'il est difficile de l'expliquer autrement
qu'en recourant à de simples synonymes. Dire que x et y sont identiques, c'est dire qu'ils
sont la même chose. Toute chose est identique à elle-même et à rien d'autre. Mais malgré
cette simplicité, l'identité invite à la confusion. On demandera, par exemple : quel peut être
l'usage de la notion d'identité si identifier un objet à lui-même est trivial et si l'identifier à
quelque chose d'autre est faux ? » l.
De la « différence » et de « l'identit&#

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