L ordinaire de la communication - article ; n°3 ; vol.1, pg 3-26
24 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'ordinaire de la communication - article ; n°3 ; vol.1, pg 3-26

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
24 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Réseaux - Année 1983 - Volume 1 - Numéro 3 - Pages 3-26
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 54
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Michel de Certeau
Luce Giard
Dalloz
Ministère de la Culture
L'ordinaire de la communication
In: Réseaux, 1983, volume 1 n°3. pp. 3-26.
Citer ce document / Cite this document :
de Certeau Michel, Giard Luce, Dalloz, Ministère de la Culture. L'ordinaire de la communication. In: Réseaux, 1983, volume 1
n°3. pp. 3-26.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1983_num_1_3_1092- - 3
L'ORDINAIRE
DE LA
COMMUNICATION
Extrait de "L'ordinaire de la communication"
de Michel de CERTEAU et Luce GIARD
О DALLOZ - Ministère de la Culture — S —
L'ORDINAIRE DE LA COMMUNICATION
RESEAUX
L'idée de communication appelle aussitôt celle de réseau, avec l'ambiguïté
attachée à ce mot. S'agit-il des réseaux matérialisés par une infrastructure
permettant la circulation des biens, des fournitures ou des personnes, ou des
réseaux dessinant l'implantation d'un appareil administratif, des agents d'une
profession, des fidèles d'une croyance ou d'une idéologie ? Dans le premier
cas, il semble facile d'étudier l'extension et les caractéristiques du réseau considér
é : on pourra en relever les noeuds d'interconnexion, en détailler les zones
défavorisées, etc.. Des réseaux administratifs, la cartographie peut être faite;
en les comparant les uns aux autres, on verra apparaître les principes qui ont
réglé leur établissement en France dès le XVIIIème siècle (et sans que la Révolut
ion marque une coupure aussi fondamentale qu'on se plaît à l'imaginer). Comme
l'a montré Yves Stourdzé pour le télégraphe et le téléphone, la fourniture de
nouvelles technologies a été le plus souvent calquée sur les réseaux antérieurs
du service public. La distribution des réseaux professionnels est plus complexe,
mais elle non plus n'est pas indépendante des réseaux matériels et administratifs
déjà évoqués : ce sera le cas pour les médecins, avec l'adjonction de quelques
variables supplémentaires, par exemple la localisation des villes d'eau ou celle
de certains types de climat supposés favorables au traitement d'affections spéci
fiques.
Plus mouvants, plus mal connus parce que privés de légitimité et des moyens
administratifs de se stabiliser, les réseaux informels sont pourtant déterminants
pour l'analyse du fait social : réseaux ethniques de travailleurs immigrés, réseaux
d'origine régionale des "pays" installés à la ville (les Auvergnats ou les Bretons
de Paris), réseaux de famille et du cousinage (plus ou moins actifs selon les
milieux et les générations), réseaux "féodaux" (anciens des Grandes Ecoles, memb
res des grands corps de l'Etat), etc.. S'y ajoutent enfin les réseaux auxquels
on s'agrège par passion ou conviction partagée : pratiquants amateurs d'astrono
mie, d'informatique ou de musique, amis de la nature, adeptes des médecines
parallèles, dévots des sectes, militants politiques, sportifs, etc.. Tout un embrouil
lamini de lignes superposées traverse le corps social qu'il semble à la fois irriguer
et ligoter. Entre les multiples possibilités de circulation des produits, des personnes,
des informations, des images et des sons (1), nous retiendrons ici pour une brève
analyse trois points stratégiques à notre sens : le local, l'ethnique et le familial,
enfin ce qui concerne le travail, parce que leurs trois domaines nous paraissent
relever d'un impensé (l'espace, le biologique, le rapport au métier) bien qu'ils
pèsent d'un poids certain en matière de culture et de communication. - - 6
Le local
Dans l'archéologie de la communication, le local a longtemps fait figure
d'ennemi : ainsi au XVIIIème siècle, le réseau routier organise l'espace depuis
Paris, l'extension des administrations comme du système scolaire et des représentat
ions qu'on en diffuse vise à briser la résistance du lieu (2). Le nouveau respect
porté aux cultures minoritaires et régionales (3) et la réforme administrative
entreprise pour régionaliser la gestion et les pouvoirs remettent cette question
à l'ordre du jour. Pour les uns, le lieu et le pouvoir local n'étaient plus qu'un
"objet rhétorique", support du discours administratif ou technologique, habillage
du pouvoir central ou fiction dissimulant la concurrence des appareils d'Etat
(4). Pour d'autres, il était le lieu d'un "pouvoir périphérique" nécessaire pour
équilibrer la dangereuse hypertrophie du pouvoir central et réparti selon une
mécanique complexe entre des réseaux de notables et d'autres réseaux de clients
(5). Pour d'autres enfin, le lieu devenait le port du salut, point de réancrage
dans une culture propre, injustement méprisée par l'Etat centralisateur.
Aucun de ces points de vue ne suffit à saisir la vérité du lieu, qui est bien
davantage qu'un énoncé rhétorique (comme le prouvent la force des notables
du cru, les privilèges d'origine pour l'obtention des mandats électifs), qu'un
contrepoids au pouvoir central ou que le dernier bastion d'un ghetto culturel :
comme l'a souligné Henri Giordan, les cultures minoritaires ne sont pas toutes
territoriales (6), à vouloir obstinément le rester ou le redevenir elles couraient
le risque de s'enterrer en s'enracinant dans un terroir trop limité ou clos sur
lui-même. Rendre sa pertinence au lieu, ce serait en fait chercher à penser
l'espace, malgré l'échec, à cet égard, de l'Aménagement du territoire et donc
parvenir à redéfinir le local, lieu de résidence et d'activité, particularisé comme
"petite patrie", qu'il s'agise du centre ville, des banlieues ou des zones mixtes
de "rurbanisation" (7). Aujourd'hui ce lieu, quel qu'il soit, s'éprouve moins comme
la dépendance trop négligée d'un centre national que comme le point d'aboutisse
ment, aux dimensions trop réduites pour influer sur le cours des choses, de déci
sions ou de mécomptes relatifs à une économie internationale. A cette prise
de conscience, qui relie le local à l'au-delà des frontières nationales, la circula
tion nouvelle d'informations et d'images fournies par les médias n'est pas étrangèr
e. Ainsi le local entre-t-il dans une nouvelle phase de la modernité ou l'importan
ce du langage (des gestes, des images et des mots) supplante celle de la tradition,
où chacun se reconnaît dans les héros d'un lointain feuilleton et d'efforcé de
mêler aux modes venues d'ailleurs les traits spécifiques de sa propre histoire.
Pour comprendre ce qu'il advient du local, on peut faire référence au modèle
proposé par 1 '"ethnography of communication". Il caractérise le groupe social
dans son lieu par sa ou ses manières de traiter son environnement, par ses straté
gies fondamentales de communication et par ses systèmes de décodage des choix
offerts en matière de (8). Créé dans le contexte de la société
américaine avec sa mosaïque d'héritages ethniques et culturels et son habitude
de la mobilité, ce modèle a le principal mérite de ne se fonder ni sur l'unicité
de lieu ni sur l'unicité de langue, ce qui fait qu'il convient assez bien à un temps
de transformations économiques et culturelles rapides et profondes. Dans ce
modèle, culture et communication sont mises en relation avec le maniement
de "codes" qui définissent autant de "dialectes" inventifs et changeants; l'essentiel
reside alors dans des manières de traduire qui concerneront aussi bien la langue
que l'occupation de l'espace ou les activités économiques. Le groupe ne se trouve
donc réduit ni à une grammaire ni à un lieu (deux formes de la même conception
idéologique). - - 7
Ce modèle pourrait apporter une aide précieuse au traitement du problème
des cultures minoritaires ou régionales. Dans sa perspective, le véritable "lieu"
ne serait plus seulement celui du territoire d'extension d'une langue et de son
héritage culturel, mais engloberait des ensembles pratiques et reconnaissables
de manières de traiter l'une et l'autre : ceci vaudrait pour les Bretons, même
non pratiquants de la langue bretonne, comme pour les immigrés, qu'ils apparti

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents