L orientalisme, des Lumières à la Révolution, selon Silvestre de Sacy - article ; n°1 ; vol.52, pg 49-62
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L'orientalisme, des Lumières à la Révolution, selon Silvestre de Sacy - article ; n°1 ; vol.52, pg 49-62

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Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1989 - Volume 52 - Numéro 1 - Pages 49-62
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 41
Langue Français
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Extrait

Christian Décobert
L'orientalisme, des Lumières à la Révolution, selon Silvestre de
Sacy
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°52-53, 1989. pp. 49-62.
Citer ce document / Cite this document :
Décobert Christian. L'orientalisme, des Lumières à la Révolution, selon Silvestre de Sacy. In: Revue du monde musulman et de
la Méditerranée, N°52-53, 1989. pp. 49-62.
doi : 10.3406/remmm.1989.2287
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1989_num_52_1_2287Christian DÉCOBERT
L'ORIENTALISME, DES LUMIÈRES A LA
RÉVOLUTION, SELON SILVESTRE DE SACY
Dans la perspective de «La révolution française et le monde arabo-musulman»,
c'est de l'impact que la Révolution eut sur les pays de l'Islam arabe qu'il est sur
tout question, impact qui a pu exister de deux manières différentes, selon que l'on
considère l'événement révolutionnaire lui-même et les vagues qu'il a provoquées,
ou que l'on envisage plus largement l'esprit ou les idées véhiculées, promues, au
moment révolutionnaire. Il s'agit de deux objets distincts d'enquête. Lorsque l'on
aborde le second, force est de constater que l'on touche en fait à ce qui a porté
la Révolution, à ce demi-siècle d'incubation, en particulier à ce tourbillon intel
lectuel que l'on appelle les Lumières. Que l'on dépeigne Quatre-vingt-neuf comme
une rupture ou comme une continuité, on s'accorde généralement sur le fait qu'il
y eut un moment pré-révolutionnaire qu'il est malaisé de dissocier, quelle que soit
l'analyse, de l'explosion sociale et politique.
En d'autres termes, que l'on reprenne l'interprétation tocquevillienne d'un pro
cès qui serait dans le prolongement de l'Ancien Régime (quant à la réalisation d'un
Etat administratif et d'une société égalitaire) ou que l'on adopte la position jauré-
sienne de la transformation sociale par l'émergence d'une nouvelle classe (qui con
quiert les instruments du pouvoir et les modifie), que l'on travaille comme F. Furet
ou comme A. Soboul, on acceptera que la recherche des causes — à ce change
ment dans la continuité ou à ce changement dans la rupture — doit se porter prio
ritairement vers ces quatre ou cinq décennies en amont. Pendant ces années, le
domaine réflexif et discursif fut secoué, que ce fut dans les mentalités dites «col
lectives» (Vovelle : 1982) ou dans la spéculation la plus scientifique (Cassirer :
1966, chap. I). De nouvelles manières de voir l'enfant, la cellule familiale, de repré-
RE.MM.M. 52/53, 1989-2/3 50 / C. Décobert
senter la mort, de vivre la fête apparurent, comme de nouveaux modes de penser
la nature, l'humanité, comme de nouvelles voies pour penser, voir, représenter...
qui servirent de fondations à ce qu'on peut entendre par esprit de la Révolution.
Un autre objet est celui de l'impact de la Révolution sur la compréhension,
l'analyse de l'Islam arabe. Entendons l'impact de l'esprit de la Révolution car,
nous le verrons, celui de l'événement-Révolution, certes important, est, en l'occur
rence, épiphénoménal. Dans cette perspective, si l'influence est réelle il convien
dra d'en chercher les fondations dans ce moment pré-révolutionnaire, dans ce demi-
siècle de multiples mouvances.
Nous savons largement comment les Lumières participèrent d'une découverte
de l'Orient musulman : découverte fascinée, distante d'un Orient politique et rel
igieux (Rodinson : 1980; Said; 1978; Hentsch : 1988; etc.). Mais il apparaît, à
ce propos, que l'on a, dans nombre d'études récentes, davantage parlé d'Orient
imaginé que d'Orient connu. Question de moment philosophique : la mise en év
idence que les conditions d'élaboration de la connaissance comptent dans la com
préhension de la construction de ce savoir, a favorisé l'affirmation d'une totale
relativisation de ce savoir lui-même — l'orientalisme islamisant de ce xvnie siècle,
parce que distant et fasciné, est devenu le type même de savoir disqualifié au nom
d'une inadéquation essentielle à son objet. Cependant la description, par exemp
le, qu'on faisait alors de l'Empire ottoman, comme un Etat bureaucratique et
fondé sur l'inégalité des hommes, n'était pas seulement une réflexion sur soi (sur
le pouvoir bureaucratique, sur le principe d'égalité), elle n'était pas seulement une
objectivation de l'altérité, elle était également le démontage de mécaniques, elle
en donnait une explication parfois très avertie (Valensi : 1987), elle constituait un
savoir qu'en tant que tel nous avons moins abordé. Et c'est comme apport de con
naissance — sachant les conditions internes (au milieu orientaliste) de construc
tion de pensée — que je voudrais aborder l'orientalisme islamisant du temps de
la Révolution et, en amont, des Lumières, laissant provisoirement de côté la ques
tion vite devenue circulaire de la relation entre connaissance et pouvoir, connais
sance de l'autre et domination par l'objectivation.
Tenons-nous en à deux acteurs. L'orientalisme de la période révolutionnaire,
c'est Volney, et c'est aussi Silvestre de Sacy. Volney, le rationaliste, le voyageur
érudit, l'intellectuel au sens de littérateur engagé. Mais aussi Silvestre de Sacy
le savant austère, le janséniste, l'enseignant. Je tenterai de montrer ici comment
ces deux orientalismes ont peu en commun et comment Les ruines (ou Méditations
sur les Révolutions des Empires, 1791) n'étaient pas tout à fait du même monde
que la Grammaire arabe (1810). Volney était, par excellence, l'homme des Lumièr
es, le républicain. Quant à Silvestre, l'ambiguïté de sa figure, et l'importance con
sidérable qu'il eut pour le développement des études islamologiques en France
engagent à un peu plus d'attention.
Antoine-Isaac Silvestre de Sacy n'aimait guère la Révolution. Après qu'elle fut
éteinte, il en parla comme de «convulsions d'un affreux bouleversement» (cf. Casa
nova in Salmon : 1905, XIV). Lorsque la Terreur embrasa les villes, il démissionna
de sa charge de Commissaire général des Monnaies, et il se retira prudemment L'orientalisme selon Silvestre de Sacy I 51
dans une maison de la campagne briarde. Il profita certes du Consulat et de l'Empire
(en 1806, il fut nommé professeur de persan au Collège de France; en 1808, il
devint député de la Seine; en 1814, Napoléon le faisait baron), mais, profondé
ment légitimiste, il accueillit avec enthousiasme la Restauration et «Louis le Désiré»
(ce sont ses propres termes) qui mettait fin à la «tyrannie». Ce prompt ralliement
au Roi lui valut d'ailleurs d'être nommé (dès février 1815) Recteur de l'Université
de Paris. Les honneurs ne faisaient que commencer.
Mais revenons à la période révolutionnaire. Lorsque la Convention fonda, le
30 mars 1795, l'Ecole spéciale des langues orientales vivantes, Silvestre y fut nommé
professeur d'arabe. Dès lors, et après qu'il eut travaillé les langues sémitiques et
le persan, les études arabes devinrent son occupation essentielle et l'objet d'une
intense activité. Mais il ne s'empressa guère de regagner son poste et ne s'y atta
cha que les troubles révolutionnaires complètement dissipés. Le statut de cette
Ecole nouvelle était «d'utilité publique pour la politique et le commerce», c'est-à-
dire clairement de former des interprètes et des diplomates. Une fois installé, Sil
vestre de Sacy y forgea un enseignement qui changea complètement la perspect
ive, qui se mêla de recherche et non pas seulement d'apprentissage de la langue,
et qui nous semble avoir été décisif pour la formation de l'orientalisme universit
aire français.
Cet enseignement, pour une connaissance scientifique du monde arabe, et les con
ditions de sa construction nous sont connus par, au moins, un texte, que Silvestre
de Sacy a écrit mais n'a pas signé. Un mémoire, signé par le Secrétaire perpétuel
de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Bon Joseph Dacier, fut remis à
l'Empereur en 1808 (Dacier : 1810). Ce mémoire, ainsi que quatre autres concer
nant d'autres domaines (physique, mathém

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