La construction de la mémoire du maquis du Vercors commémoration et l historiographie - article ; n°1 ; vol.49, pg 82-97
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Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1996 - Volume 49 - Numéro 1 - Pages 82-97
Constructing the memory of the Vercors resistance. Commemoration and historiography, Gilles Vergnon.
At the time of Liberation, the Vercors memorial consensus exalted the unity of the combatants, their heroism and their sacrifices for national liberation. The Cold War soon broke this irenic sentiment, and the drama of the Vercors plateau was instrumentalized by the French Communist Party in its fight against its Gaullist rival. After 1958, ecumenism got the upper hand again, despite some episodes, and the Vercors became a high place of Resistance memory.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 212
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gilles Vergnon
La construction de la mémoire du maquis du Vercors
commémoration et l'historiographie
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°49, janvier-mars 1996. pp. 82-97.
Abstract
Constructing the memory of the Vercors resistance. Commemoration and historiography, Gilles Vergnon.
At the time of Liberation, the Vercors memorial consensus exalted the unity of the combatants, their heroism and their sacrifices
for national liberation. The Cold War soon broke this irenic sentiment, and the drama of the Vercors plateau was instrumentalized
by the French Communist Party in its fight against its Gaullist rival. After 1958, ecumenism got the upper hand again, despite
some episodes, and the Vercors became a high place of Resistance memory.
Citer ce document / Cite this document :
Vergnon Gilles. La construction de la mémoire du maquis du Vercors commémoration et l'historiographie. In: Vingtième Siècle.
Revue d'histoire. N°49, janvier-mars 1996. pp. 82-97.
doi : 10.3406/xxs.1996.3485
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1996_num_49_1_3485CONSTRUCTION DE LA MEMOIRE LA
DU MAQUIS DU VERCORS
COMMÉMORATION ET HISTORIOGRAPHIE
Gilles Vergnon
Haut lieu de la mémoire nationale, fait l'objet d'autant de publications exal
le Vercors est fréquemment présenté tant pour la plupart ce qu'un historien br
comme un sacrifice utile mais coûteux, itannique a appelé «la plus fameuse des
offert par le maquis à la libération du sagas de la Résistance française, ou
pays. Cette image douloureuse ne doit même de la dans toute
pas pour autant occulter l'enjeu polit l'Europe»3.
ique que ce drame a constitué durant Paul Dreyfus, journaliste et historien du
la Guerre froide notamment. La maquis, revenant voici quelques années
mémoire du plateau, Gilles Vergnon le sur les raisons de sa symbolisation, l'expli
souligne, a longtemps été conflictuelle. quait par ce qu'il appelait «les quatre
secrets du maquis du Vercors » : « Une belle
Le Vercors est, encore aujourd'hui, idée, un formidable projet, un ardent
« un nom qui impressionne ». Plus que espoir, une cruelle déception»4. L'écart
le mont Mouchet ou le plateau des entre le grandiose plan Montagnards, le
Glières, il est un lieu de mémoire de la projet le plus ambitieux jamais attribué à
Résistance intérieure, son «Bir-Hakeim»1, un maquis, et l'échec final, a sans doute
mais aussi, comme Oradour, un lieu de contribué à l'héroïsation des combattants
témoignage de la barbarie nazie, à tel du plateau, mais les mêmes raisons ont point qu'à la Libération le village de Vas- fait longtemps du Vercors le lieu d'une
sieux est fréquemment dénommé le «s «mémoire partagée» et conflictuelle, entre
econd Oradour»2. Aucun autre maquis n'a gaullistes et communistes pendant la
Guerre froide: le thème de la «trahison» 1. L'expression est employée par Eugène Chavant, le chef civil
du maquis, dans une conférence le 6 février 1945 à Romans. du maquis, alimenté par les termes du
2. Le secrétaire général de la préfecture de la Drôme, R. Marty, fameux télégramme de Chavant, a donné est ainsi appelé à témoigner sur les atrocités nazies au procès de
lieu à une abondante littérature dont se Nuremberg. Dans sa lettre au délégué français au Tribunal, il se
propose d'insister sur le cas de Vassieux, -second Oradour-, en détache, en 1956, le roman d'Alain Pré- présentant un ■ procès-verbal clair et concis résumant avec brièveté
l'horreur des faits et quelques photographies saisissantes -
(12 décembre 1945, Archives départementales de la Drôme ADD,
255 W 89). Il n'y aura finalement pas de déposition de Marty,
mais ses documents seront présentés par l'accusation française
comme exemples de -la politique allemande d'extermination-, 3. Michael Pearson, Tears of glory. The betrayal of Vercors.
au même titre qu'Oradour, Tulle ou Ascq (documents F-419 Londres, Macmillan, 1978, p. 1.
et F-430, ■ Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal 4. Paul Dreyfus, -Les quatre secrets du maquis du Vercors-.
militaire international -, tome 6, p. 418 et suiv.). L'Histoire, 112, juin 1988, p. 8-16.
82 LA MEMOIRE DU VERCORS
Cette étude utilise trois vecteurs prinvost, Le peuple impopulaire1. La polémi
que a rebondi en 1972, avec la sortie du cipaux dans la construction de la mémoire
récit de Gilbert Joseph, Combattant du du maquis : les rites commémoratifs, tout
Vercors, où l'auteur se livre à de vives d'abord, qui prennent, dès l'été 1945, un
rythme annuel et relèvent, comme l'a critiques du commandement local, accusé
d'impéritie et de pratique de rites milita montré Gérard Namer, de la «volonté
ristes, obsolètes et déplacés, dans un politique de mémoire», avec ses fonctions
maquis de volontaires. Pour toutes ces rai propres (rassemblement du groupe, mes
sons, le souvenir du Vercors n'est jamais sage vers le futur, mais aussi, inévitable
ment, occultation de ce qui contrevient à évoqué sans malaise, et le général Alain
Le Ray parle à juste titre du «nuage noir»2 la fonction de rassemblement et confisca
tion par l'officiant d'une part de la qui voile le souvenir des combattants et
empêche que fonctionne complètement le mémoire des combattants)5, l'historiogra
rite d'identification collective qui est à la phie du maquis et les différentes inte
base des commémorations. Enfin, la place rventions dont il a été l'argument ou le
du maquis dans la mémoire collective pro prétexte, enfin le temps long de la
cède également de la topographie des mémoire des habitants du plateau et de
lieux. Dans son allocution pour les leurs collectivités locales, le plus souvent
cérémonies du 30e anniversaire, Jacques muets, comme on le verra, sur les enjeux
Soufflet, alors ministre de la Défense, d'histoire qui déchirent les politiques et
s'interrogeait sur «la prédestination secrète, les historiens.
inscrite dans la géographie de ces val
lées»3. Les guides destinés aux milliers de O HÉROÏSATION PRÉCOCE
touristes qui visitent chaque année le pla ET CONSENSUS FRAGILE (1945-1946)
teau insistent tous sur l'aspect «citadelle
Entre 1945 et 1946, le Vercors, objet naturelle», «forteresse» prédestinée par la
d'histoire et - déjà - de souvenir, n'est géomorphologie à l'accueil des maquis4.
pas encore objet de controverse. Il préUne telle vision, qui plaque l'historique
sente, pour reprendre l'expression de sur le «naturel», est largement rétrospect
Jean-Pierre Azéma et François Bédarida, ive, et en discordance avec les descrip
la même «façade noble et menacée» que tions du plateau avant guerre, qui insis
l'ensemble de la Résistance française6: taient plutôt sur l'aspect «riant» et
noble par son souvenir héroïque et ses «pittoresque» des lieux, sans recours à la
vertus édificatrices, menacée par la fragilmétaphore militaire et obsidionale.
ité d'un consensus qui ne tient que par
l'abstention d'un des protagonistes. 1. Alain Prévost, Le peuple impopulaire, Paris, Le Seuil, 1956.
On trouve dans le dernier télégramme de Chavant, envoyé le Les premières cérémonies officielles
22 juillet 1944 à Alger, la phrase fameuse: «Moral de la popul débutent au printemps 1945 et installent ation excellent, mais se retournera rapidement contre vous si
vous ne prenez pas dispositions immédiates et nous serons les deux axes du discours commémoratif
d'accord avec eux pour dire que ceux qui sont à Londres et pour les années à venir: le Vercors, vicà Alger n'ont rien compris à la situation dans laquelle nous
nous trouvons et sont considérés comme des criminels et des time de la barbarie allemande, le Vercors
lâches. Nous disons bien: criminels et lâches-. utile par son sacrifice à la libération du 2. Interview, Patrice Gélinet, -L'histoire en direct-, France-
Culture, 24 juillet 1994. Alain Le Ray ne reprend pas à son pays. Dès le 5 mai, sous la conduite du
compte cette expression et préfère pour sa pan parler de ■ ba
taille du Vercors-.
3. Le Pionnier du Vercors. 8-9, février 1975.
4. Le récent Guide du Vercors de Maguy Dupont (Lyon, La 5. Gérard Namer, La commémoration en France de 1945 à
Manufacture. 1987), tout comme

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