La naissance d un feuilleton français - article ; n°2 ; vol.11, pg 99-116
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Description

Réseaux - Année 1993 - Volume 11 - Numéro 2 - Pages 99-116
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 44
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Sabine Chalvon-Demersay
Dominique Pasquier
La naissance d'un feuilleton français
In: Réseaux, 1993, volume 11 n°2. pp. 99-116.
Citer ce document / Cite this document :
Chalvon-Demersay Sabine, Pasquier Dominique. La naissance d'un feuilleton français. In: Réseaux, 1993, volume 11 n°2. pp.
99-116.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1993_hos_11_2_3619LA NAISSANCE
D'UN FEUILLETON FRANÇAIS
Sabine CHALVON-DEMERSAY
avec la collaboration de
Dominique PASQUIER
CNET-1990
. 99 ciées à une observation des phases ini
tiales, à une étude des documents pré
paratoires, à un suivi des castings, du
tournage et du montage, à une analyse
des premiers épisodes. Nous avons suivi
l'opération depuis le début et connu
l'enthousiasme grisant des origines,
assisté à la percée des doutes, au durcis
sement des antagonismes, à la montée
de la déception. Ce texte a été écrit en
juin 1989, c'est-à-dire au moment où
commençait la première diffusion. Une
version abrégée a été publiée alors dans
MédiasPouvoirs (1).
Les préliminaires
Tout a commencé par une déclaraAu début de l'année 1 988, les memb
tion d'intention: il s'agissait de faire un res de la direction de TF1 déci
produit français, un produit de qualité, dèrent de se lancer dans la réalisation
un qui marche. Susceptible de d'un grand feuilleton populaire. Il se
battre les séries américaines dans les rait diffusé chaque jour, chaque épi
courbes d'audience et le coeur des Françsode durerait 26 minutes et serait pro
ais. duit dans des conditions de fabrication
industrielle, ce qui n'avait encore j
Un produit français amais été fait en France. Ce serait un
produit ambitieux et documenté, une
Présente dans tous les propos, la révaste fresque sociale enrichie de faits
férence aux feuilletons américains est divers et traversée par les grands pro
lestée de sous-entendus ambigus, puisblèmes de la société. Un produit qui
qu'on ne sait jamais très bien si ces s'apparenterait à un soap, rebaptisé pour
derniers constituent un modèle de sucl'occasion «télé-roman», tant par souci
cès ou un repoussoir de médiocrité. A y de défense de la langue française .que
regarder de plus près, on s'aperçoit que pour se débarrasser des connotations
les différentes catégories d'acteurs ne péjoratives attachées à un genre télévi
mettent ni le même contenu, ni les mêmes suel dévalué. Quelque chose qui serait à
espoirs, ni les mêmes présupposés dans la fois romanesque et réaliste, humain,
ce ralliement unanime à la bannière de actuel, français.
la production nationale. Tandis qu'il L'article qui suit se propose de ra
s'agit pour les gestionnaires d'arriver à conter l'histoire de ce projet, sa genèse,
«faire aussi bien que les Américains », d'acsa mise en oeuvre, son échec. Des inte
quérir un savoir-faire qui nous manqrviews ont été réalisées auprès des diffé
ue, dans l'espoir de conquérir de rents protagonistes (la productrice, les
nouveaux marchés tout en respectant auteurs, les réalisateurs, les scénaristes,
les quotas de production imposés, il les comédiens, les techniciens),
(1) MédiasPouvoirs, n* 16, 1989.
Ce travail s'inscrit dans vine étude sur la fiction télévisée qui prend place dans un programme de recherche
que nous menons ensemble sur la télévision de divertissement. Voir notamment Sabine Chalvon-
Demersay, Dominique Pasquier, octobre, novembre 1990 et octobre 89; Dominique Pasquier, 1989.
101 s'agit plutôt pour les créateurs, dans la sée), puis le montage financier (le fina
plus pure lignée de la tradition fran ncement sera assuré par TF1, la SFP et le
çaise, de continuer à faire mieux... Ces compte de soutien, et, accessoirement,
divergences apparurent clairement lors quelques sponsors, tous partenaires
de la conférence de presse au cours de hexagonaux) et, enfin, les contenus: la
laquelle le feuilleton fut présenté aux démarche initiale a consisté à se procur
journalistes. L'un des auteurs expliquait er des cassettes venues des quatre coins
qu'il ne s'était pas du tout inspiré des du monde et à les visionner dans le but
modèles d'outre-Atlantique: «Pour la de dégager les recettes du genre et de
bonne et simple raison que je ne regarde mieux comprendre les spécificités na
tionales. Au fur et à mesure des vision- jamais ce genre de produits et que les feuille
tons américains m'ennuient», tandis que nages, les idées se précisent. On ne sui
le réalisateur soulignait le caractère vra pas les Américains: on veut des his
stéréotypé du jeu des acteurs, la pau toires plus complexes et des personna
ges moins univoques. Pas les Brésiliens: vreté des images, la pénurie des dialo
gues et l'indigence des sentiments dans leurs novellas épurées se caractérisent
par une évacuation du réel et du monde ces sortes de production, trouvant en
cela de larges échos dans une salle remplie social, contraire à l'inspiration même
de journalistes prêts à dénoncer, en usant du projet. Pas les Anglais: le réalisme
abondamment des métaphores aquati qui marque certains produits comme
ques habituelles dans ce genre de débat, East Enders les apparente davantage à la
les séries américaines, «feuilletons fleu tradition du documentaire ethnographi
ves, qui se déversent sur les ondes en flux que qu'à la veine de la fiction («Nous
insipides». Mais, à l'opposé, le président pensons que ce genre de produit ne marcher
de la chaîne rappelait qu'il s'agissait de ait pas en France, commente la
«prendre un vrai risque que de passer à 18 h productrice. Il nous faut quelque chose de
30 un feuilleton français contre des séries plus gai, de plus léger»). Le projet se pré
américaines dont on connaît la force et la cise progressivement par une succes
sion de refus. Et quand il a pris corps, il puissance, qui sont peut-être décriées mais
qui ont un vrai succès parce qu'elles sont est comme estampillé par le choix d'un
très bien faites ». ancrage géographique qui symbolise son
A ces équivoques initiales s'ajoute caractère national: au coeur de la France,
une hésitation sur la signification même à Paris; au coeur de Paris dans le quart
de la notion de «produit français». Parle- ier du Marais. Il s'agit pratiquement
t-on du lieu de production, de l'identité d'uneJocalisation emblématique.
des participants et des partenaires f
inanciers, d'un mode d'organisation, ou Un produit de qualité
encore d'un type de contenu, de style,
de ton? Apparemment, la réponse n'était Guère plus simple est la notion de
pas donnée d'emblée. Elle a été l'objet «produit de qualité». Présente d'em
de transactions et de négociations. Et ce blée dans les déclarations d'intentions,
n'est qu'au fur et à mesure de l'évolu cette ambition doit, elle aussi, revêtir
tion du projet qu'on a vu ce label se progressivement un contenu concret.
gonfler d'un contenu. Le caractère fran S'agit-il de qualité technique, de nor
çais se concrétise, en s'appuyant sur mes de production ou de type de conte
une succession de décisions, de partis- nu? Ces exigences haut de gamme sont-
pris et de refus concernant d'abord la elles compatibles avec le rythme de
fabrication matérielle (une coproduct production d'une émission quotidienne
ion franco-australienne fut envisagée et le budget qui lui est imparti? Par qui
un certain temps, avant d'être sera conféré ce label de qualité? Est-ce
102 des critiques, l'opinion des pro nés des uns et des autres. La cohérence l'avis
des valeurs et des savoir-faire mobilisés fessionnels, le jugement de la hiérarchie
ou la sanction du public? Là encore, un est devenue problématique.
certain flou domine dans les critères et
les appréciations divergent selon les Un produit qui marche
catégories d'acteurs concernées.
Quand bien même les choses se pré Dernier objectif et non des moindres:
ciseraient, on se heurte à une autre dif faire un produit qui marche. Mille et un
ficulté,

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