La notion de race en anthropologie physique : évolution et conservatisme - article ; n°1 ; vol.33, pg 121-141
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Description

Mots - Année 1992 - Volume 33 - Numéro 1 - Pages 121-141
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 73
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Albert Ducros
La notion de race en anthropologie physique : évolution et
conservatisme
In: Mots, décembre 1992, N°33. pp. 121-141.
Citer ce document / Cite this document :
Ducros Albert. La notion de race en anthropologie physique : évolution et conservatisme. In: Mots, décembre 1992, N°33. pp.
121-141.
doi : 10.3406/mots.1992.1745
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1992_num_33_1_1745Albert DUCROS
CNRS — Université Paris 7
La notion de race
en anthropologie physique :
évolution et conservatisme
« But when the bull and cow are milk-
white
They never do beget a coal-black calf »
W. Shakespeare (Titus Andronicus)
« There is an almost insensible and
indefinable transition from the pure white
skin of the German lady /.../ to the
Ethiopian of the very deepest black... »
J.F. Blumenbach (De generis humani
varietate nativa, traduction T. Bendysche)
Pour l'observateur profane, il doit en être des différences parmi
les hommes comme de celles qu'il constate entre animaux — par
exemple, domestiques — de la même espèce. D'évidence, existent
des caractéristiques physiques stables, qui passent de génération
en génération, et qui présentent des variations suffisantes entre
groupes pour qu'on puisse aussi distinguer des « races » au sein
de l'espèce humaine. Mais c'est de l'homme de science qu'on
attend définition, teneur, description, voire explication, précises et
techniques de la race.
C'est l'évolution du discours des anthropologistes à propos de
la notion de race chez l'homme, principalement dans les dernières
décennies, qui sera rappelée ici, sans pouvoir être exhaustif dans
les exemples, mais en choisissant quelques-uns d'entre eux signi-
121 ficatifs des moments qui ont marqué ces années, notamment en
France. On ne rappellera ni les nombreux travaux d'historiens,
sociologues ou biologistes consacrés aux rapports liant racisme et
classifications raciales, sujet qui a suscité plusieurs réunions inter
nationales (voir, par exemple, Unesco0, 1951-1961 ; 1982) ni les
réfutations en matière de prétendues « différences raciales » de
quotient intellectuel.
De la race à l'aube du 20e siècle
Les avatars du mot race, depuis son introduction en français
au début du 16e siècle, sont bien connus. C'est avec la constitution
puis l'institutionnalisation, au cours de la deuxième moitié du 19e
siècle, d'une nouvelle discipline, l'anthropologie physique, que
s'affirme une de ses acceptions comme division de l'espèce
considérée d'un point de vue zoologique et sans référence à des
critères linguistiques ou socio-culturels (Kremer-Marietti, 1984). Se
développent alors des études cherchant à préciser le plus scient
ifiquement possible le contenu des races avec l'ambition d'en
retracer l'origine et l'histoire.
Ce fut le moment d'un large débat sur la réalité même des
races, leur fixité ou labilité, les facteurs qui les engendrent,
l'adaptation au milieu et l'action des causes extérieures sur leur
aspect, les liens entre caractères physiques et moraux, l'existence
des races fossiles, les effets des « mélanges », etc., débat auquel
s'ajouta la controverse entre monogénistes et polygénistes sur
l'origine unique ou multiple du genre humain (Blanckaert, 1988 ;
Cohen, 1991).
Au regard des degrés divers de progrès techniques et de
« civilisation » atteints par les peuples de la terre, certains — au
sein du monde savant comme dans d'autres milieux de la société
— ont cru à une hiérarchie transitoire ou immuable des races.
Cependant, on se tromperait à croire à la généralité d'opinions
racistes, selon les termes d'aujourd'hui, et destinés à justifier
scientifiquement, là, l'esclavage, ou ailleurs les conquêtes colo
niales. Plusieurs anthropologistes soutenaient que toutes les races
étaient « perfectibles », encore que ce terme pût impliquer que
° Les références entre parenthèses sont développées dans la Bibliographie, en
fin d'article.
122 fussent moins parfaites, d'autres que le métissage servirait certaines
le progrès de l'humanité. Ainsi, Types of mankind... (1854),
l'ouvrage de J. C. Nott et J. R. Gliddon, auteurs qui soutinrent
la proximité de l'homme noir et du singe et la politique esclavagiste
aux Etats-Unis, fut quasi unanimement récusé par la communauté
scientifique française pour ses présupposés idéologiques et poli
tiques, et ses arguments scientifiques invalidés (Blanckaert, sous
presse).
L'avènement de l'évolutionnisme, après la parution de L'origine
des espèces... de Darwin (1859), n'amena pas de clarté particulière
sur le sujet, mais favorisa peut-être la naissance du concept de
« races primitives », images ou reliques d'ancêtres disparus. Quant
à Darwin, dont on pourrait ou magnifier l'attitude sincèrement
anti-esclavagiste ou relever des notations ambiguës sur une hié
rarchie des races, il s'est surtout attaché à démontrer dans The
descent of man... (1871), l'origine unique de l'homme à partir
d'une forme simienne ancestrale et, partant, l'unité de l'espèce
humaine.
Une constante apparaît dans les discours sur la race, y compris
dans ceux des classificateurs eux-mêmes, c'est que l'humanité
présente une gamme continue de variations pour la plupart des
caractères physiques, à commencer par le plus spectaculaire, la
couleur de la peau, et les limites entre catégories restent en partie
conventionnelles ou, du moins, difficiles à établir.
Blumenbach déjà, qui vécut la transition du 18e au 19e siècle
et qu'on considère comme un des fondateurs de l'anthropologie
physique avec son De generis humani varietate nativa (1775), dans
lequel il propose une classification raciale en cinq catégories, avait
souligné ce fait : « Inumerable varieties of mankind run into one
another by insensible degrees... ». Auparavant, Buff on, qui définit
l'unicité de l'espèce humaine dans son histoire naturelle de
l'homme, avait déjà considéré que les « variétés » de l'humanité,
n'étant dues qu'au « concours de causes extérieures et accident
elles » pouvaient changer ou disparaître avec les variations mêmes
de ces causes.
Mais c'est précisément la difficulté à établir des critères raciaux
de distinction efficaces qui suscita, à la fin du siècle, les nombreuses
techniques anthroposcopiques et anthropométriques élaborées par
les anthropologistes pour cerner au plus près une réalité à laquelle
ils croyaient mais qu'il leur était difficile d'enfermer dans des
catégories tranchées. Pour l'historien, la dérive vers une multipli
cation des mesures s'explique par le souci de scientificité pour
résoudre un problème difficile. Alors qu'un William Edwards
123 reconnaissait des composantes raciales selon une méthode impres
sionniste (Blanckaert, 1988), un successeur, Paul Broca, sans
proposer de classification raciale, met au point diverses techniques
et appareils pour cerner les variations anatomiques de l'homme,
et ajoute l'apport statistique — la méthode des moyennes — pour
caractériser un groupe, compte tenu des variations individuelles.
Le 20e siècle s'ouvre sur deux événements scientifiques dont les
développements et leurs associations vont ultérieurement modifier
la notion de race en anthropologie. En 1900, les « lois de
Mendel » sur la transmission héréditaire des caractères phénoty-
piques sont redécouvertes, après 35 ans d'oubli des travaux
originaux du moine tchèque, et Karl Landsteiner découvre le
système sanguin ABO.
Anthropologie et génétique
Le premier de ces événements allait être suivi d'une « théorie
chromosomique de l'hérédité », et l'unité matérielle de transmission
d'un caractère sur le chromosome fut appelée gène. Une nouvelle
discipline, la génétique des populations, prit son essor grâce à
une cohorte de brillants théoriciens et expérimentateurs.
Dès le début du siè

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