La situation toujours négligée ? - article ; n°85 ; vol.15, pg 163-192
30 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La situation toujours négligée ? - article ; n°85 ; vol.15, pg 163-192

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
30 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Réseaux - Année 1997 - Volume 15 - Numéro 85 - Pages 163-192
Les recherches actuelles sur la coopération au travail se nourrissent des innovations conceptuelles et théoriques qui ont vu le jour dans le domaine de l'étude des activités sociales de la cognition. Cet article tente de prendre la mesure de telles innovations. Il s'arrête en particulier sur les problématiques de l'« action située », de la « cognition distribuée » et de l'opérabilité des objets, dont il souligne à la fois l'intérêt et les difficultés. Il montre que la redécouverte de l'environnement et du contexte ne signifie pas qu'on ait cessé de « négliger la situation ».
Current research on cooperation at work feeds on conceptual and theoretical innovations which have appeared in the study of cognitive social activities. This article attempts to gauge such innovations. It focuses in particular on the problematics of « situated action », « distributed cognition » and the operability of objects, of which it emphasizes both the interest and the difficulties. It shows that the rediscovery of the environment and context does not mean that the situation is no longer neglected.
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 254
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Louis Quéré
La situation toujours négligée ?
In: Réseaux, 1997, volume 15 n°85. pp. 163-192.
Résumé
Les recherches actuelles sur la coopération au travail se nourrissent des innovations conceptuelles et théoriques qui ont vu le
jour dans le domaine de l'étude des activités sociales de la cognition. Cet article tente de prendre la mesure de telles innovations.
Il s'arrête en particulier sur les problématiques de l'« action située », de la « cognition distribuée » et de l'opérabilité des objets,
dont il souligne à la fois l'intérêt et les difficultés. Il montre que la redécouverte de l'environnement et du contexte ne signifie pas
qu'on ait cessé de « négliger la situation ».
Abstract
Current research on cooperation at work feeds on conceptual and theoretical innovations which have appeared in the study of
cognitive social activities. This article attempts to gauge such innovations. It focuses in particular on the problematics of «
situated action », « distributed cognition » and the operability of objects, of which it emphasizes both the interest and the
difficulties. It shows that the rediscovery of the environment and context does not mean that the situation is no longer neglected.
Citer ce document / Cite this document :
Quéré Louis. La situation toujours négligée ?. In: Réseaux, 1997, volume 15 n°85. pp. 163-192.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1997_num_15_85_3139LA SITUATION TOUJOURS
NÉGUGÉE ?
Louis QUERE
© Réseaux n° 85 OMET - 1 997
163 — le caractère pluridisciplinaire de ces
recherches : souvent elles tentent de com
biner étroitement mise au point de pr
ogrammes informatiques et de machines
(informatiques) à coopérer, recherche en
sciences humaines et sociales et réforme
des organisations.
Je caractériserai brièvement ces
recherches en disant qu'elles incarnent une
sorte de révolution intellectuelle dans la
théorie de l'action, l'étude du travail,
l'analyse des objets et des artefacts et l'a
pproche de la cognition, une révolution dont
les concepts clés sont ceux d'« action
située », de « cognition distribuée »,
d'« affordance », d'« embodiment », etc.
Elles esquissent une alternative au modèle
dominant de l'action dans les sciences
sociales et les sciences cognitives, qui est
« D'une façon ou d'une autre, les un modèle réduisant l'action à la délibéra
êtres humains sont ainsi situés que tion et à la planification, et l'agent à un
tout ce qu'il leur faut pour se esprit désincarné et coupé de son environ
débrouiller avec les choses est nement, déterminant les mouvements d'un
réparti autour d'eux, là où ils en ont corps par l'analyse, la réflexion et le cal
besoin, et non pas entassé comme cul. Dans le modèle alternatif, l'acteur
dans une malle, ni même aligné sur n'est plus le siège exclusif de la capacité
des rayons soigneusement éti d'agir, du contrôle de l'activité ni de la
quetés (1). » cognition. Incarné, il partage ces attributs
« On ne peut refuser d'avoir une avec les objets, les artefacts, les outils et
situation, car cela équivaut à ne pas les non-humains en général. Situé et inséré
avoir d'expérience du tout, pas dans un environnement, il économise ses
même une expérience de désaccord. efforts cognitifs et se dispense de représent
(...) Une situation qualitative et ations, de délibérations et de plans.
qualificative est présente comme Dans les pages qui suivent, je voudrais
arrière-plan et contrôle de toutes les non seulement caractériser cette révolution
expériences (2). » intellectuelle, mais aussi faire ressortir ses
limites, ses confusions et ses incohérences.
Mon intention n'est pas de passer En particulier, je voudrais mettre en évi
en revue ou de discuter la pano dence que, dans cette tentative de recon-
plie de recherches qu'on ras ceptualisation de l'action et de la cognit
semble aujourd'hui sous le nom de CSCW, ion, subsistent nombre de présupposés du
ni de dévoiler les principaux aspects de modèle dominant tant sur le plan de la pro
blématique - il s'agit en fait de décrire la l'idéologie qui les sous-tend. Elle est plu
tôt de faire apparaître les innovations façon dont l'esprit cartésien du modèle
conceptuelles et théoriques dont ces rationaliste voit une partie de ses tâches
recherches témoignent dans l'approche du cognitives et organisationnelles allégées
travail, de la coopération, de la technique par l'environnement et les objets - que sur
le plan conceptuel - la pensée continue le et de l'organisation. Soulignons d'emblée
(1) DREYFUS, 1984, p. 335.
(2) DEWEY, 1993, p. 130-131.
165 — plus souvent d'être conçue comme calcul Mais peut-être est-ce Garfinkel qui, vers
et la cognition comme traitement de l'i le milieu des années 1970, a le mieux
nformation, formation et manipulation de défini ce qui manquait aux approches clas
représentations, computation de symb siques du travail : à savoir une analyse du
oles, etc. Ainsi il me semble que le déve travail lui-même en tant qu'organisation,
loppement de cette perspective, qui s'est localement et interactivement produite, de
avérée féconde, reste entravé à la fois par séquences d'activité ordonnées. D'où le
des résidus de la philosophie mentale qui a souci de l'ethnométhodologie de saisir le
travail en tant que phénomène « organisasous-tendu l'essor des sciences cognitives
tionnel » : « Aussitôt que nous avons comet par une conception encore partiellement
tronquée du caractère incarné et situé de mencé nos recherches (sur le travail, à par
l'action humaine. En un sens, l'appel de tir de 1972), les détails des données
Goffman s'inquiétant, dès 1964, du carac empiriques nous ont montré qu'il existe un
tère négligé de la situation n'a pas encore ordre localement produit des choses du tra
été complètement entendu (3). vail ; que celles-ci constituent un immense
domaine de phénomènes organisationnels ;
que les études classiques du travail dépend
LA RÉINCARNATION DE L'ESPRIT ent, sans qu'elles puissent y remédier ou
faire autrement, de l'existence de ces phé
L'étude du travail nomènes, font usage du domaine tout en
l'ignorant. Il nous est aussi apparu que le
Partons de l'étude du travail, qui est un fait que ce domaine de phénomènes orga
nisationnels soit ignoré n'est pas une faute des domaines où le nouveau paradigme ins
des études classiques, mais est inhérent pire actuellement nombre de recherches.
aux pratiques qui les caractérisent. Cette Qu'est-ce qui est reproché aux études clas
ignorance est une condition permettant aux siques, qu'elles soient sociologiques, ergo
études classiques de continuer de façon nomiques ou psychologiques ? Essentiell
cohérente... (4). » Dans le vocabulaire de ement de ne pas s'intéresser aux modalités
Garfinkel, « organisationnel » n'est pas à concrètes d'effectuation du travail dans son
entendre au sens où la psychologie sociale, cadre réel - matériel, organisationnel, symb
la sociologie et l'ergonomie se sont intéolique, etc. - c'est-à-dire, au fond, de par
ressées à l'« organisation du travail », mais ler de tout sauf du travail en tant qu'acti
au sens où l'accomplissement d'un travail vité. C'est pourquoi il a été proposé de
(seul ou en collaboration avec d'autres) reconceptualiser le phénomène du travail et
de réorienter la recherche vers une observat passe par l'organisation concrète de cours
d'action situés, c'est-à-dire par la production plus fine des situations et des activités
ion locale d'un ordre observable, intellide travail. Sans doute un tel réformisme
gible et descriptible. En ethnométhodolo- n'est-il pas complètement nouveau. Il suffit
gie, l'expression « production locale d'évoquer les recherches d'E. Hughes et
d'ordre » a une très large extension, puisdes sociologues de l'École de Chicago, qui
ont analysé le travail en termes d'activités qu'il s'agit aussi bien de l'ordonnance

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents