La Sûreté russe, les maîtres d école tatars et le mouvement djadid au Turkestan - article ; n°1 ; vol.37, pg 211-221
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Description

Cahiers du monde russe : Russie, Empire russe, Union soviétique, États indépendants - Année 1996 - Volume 37 - Numéro 1 - Pages 211-221
Sherali Turdiev, Russian Security Police, Tatar schoolmasters, and the jadid movement in Turkestan.
For several years Tashkent searchers had free access to Okhrana and KGB Turkestan Archives, which contributed to the change induced in the memory of Muslim reformism in Uzbekistan as well as in the way the Russian political police is perceived through its successive phases, from colonization until the Stalin purges. The new source material thus provided made it a duty to rectify the image of some of the modernist literate and intellectual figures in Turkestan and the Protectorates. Depicted by Marxist critics as Europeanized bourgeois not so long ago, they appear, unveiled, as Muslim scholars descended from ulemas' families endowed with landed properties. Such new sources enable us to better estimate the influence exerted on local reformism — through schools, newspapers, literature, theater or the Opera...— by the main centers of modern Muslim culture, i.e. Tatar towns in Central Russia in the second half of the nineteenth century. But it goes without saying that documents of that sort provide information on the way security forces in the Empire and, generally, Russians in Turkestan gauged the social and cultural development of the Muslim community in the region. It is noteworthy that great continuity of views and methods passed from the tsarist administration to the Soviet-Russian apparatus which was set up throughout the southern part of Central Asia from 1922-1923 onwards.
Sherali Turdiev, La Sûreté russe, les maîtres d'école tatars et le mouvement djadid au Turkestan.
L'accès aux archives turkestanaises de l'Okhrana et du KGB autorisé pendant quelques années aux chercheurs de Tachkent a contribué à modifier en Ouzbékistan la mémoire du réformisme musulman ainsi que la perception du rôle de la police politique russe dans ses avatars successifs, depuis la colonisation aux purges staliniennes. D'une part ces nouveaux documents apportent des correctifs substantiels au profil des lettrés et intellectuels modernistes du Turkestan et des Protectorats, naguère portraiturés par la critique marxiste en bourgeois européanisés mais que l'on découvre en savants musulmans issus de familles d'oulémas disposant de solides assises foncières. Ces « nouvelles » sources nous permettent également de mieux mesurer l'influence qu'exercèrent les grands foyers de culture musulmane moderne, que furent pendant la seconde moitié du xixe siècle les villes tatares de Russie centrale, sur le réformisme turkestanais, par le truchement de l'école, de la presse, de la littérature, du théâtre ou de l'opéra... Cependant il va sans dire que ces documents d'un type bien particulier nous renseignent surtout sur le regard posé par les organes de sécurité de l'empire et plas généralement les Russes du Turkestan sur l'évolution sociale et culturelle de la communauté musulmane de cette région. On constate d'ailleurs sur ce sujet de grandes continuités entre les points de vue et les méthodes de l'administration tsariste et ceux de l'appareil russo-soviétique mis en place dans toute l'Asie Centrale méridionale à partir des années 1922-1923.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Sherali Turdiev
Stéphane A. Dudoignon
La Sûreté russe, les maîtres d'école tatars et le mouvement
djadid au Turkestan
In: Cahiers du monde russe : Russie, Empire russe, Union soviétique, États indépendants. Vol. 37 N°1-2. pp. 211-
221.
Citer ce document / Cite this document :
Turdiev Sherali, Dudoignon Stéphane A. La Sûreté russe, les maîtres d'école tatars et le mouvement djadid au Turkestan. In:
Cahiers du monde russe : Russie, Empire russe, Union soviétique, États indépendants. Vol. 37 N°1-2. pp. 211-221.
doi : 10.3406/cmr.1996.2457
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_1252-6576_1996_num_37_1_2457Abstract
Sherali Turdiev, Russian Security Police, Tatar schoolmasters, and the jadid movement in Turkestan.
For several years Tashkent searchers had free access to Okhrana and KGB Turkestan Archives, which
contributed to the change induced in the memory of Muslim reformism in Uzbekistan as well as in the
way the Russian political police is perceived through its successive phases, from colonization until the
Stalin purges. The new source material thus provided made it a duty to rectify the image of some of the
modernist literate and intellectual figures in Turkestan and the Protectorates. Depicted by Marxist critics
as Europeanized bourgeois not so long ago, they appear, unveiled, as Muslim scholars descended from
ulemas' families endowed with landed properties. Such "new" sources enable us to better estimate the
influence exerted on local reformism — through schools, newspapers, literature, theater or the
Opera...— by the main centers of modern Muslim culture, i.e. Tatar towns in Central Russia in the
second half of the nineteenth century. But it goes without saying that documents of that sort provide
information on the way security forces in the Empire and, generally, Russians in Turkestan gauged the
social and cultural development of the Muslim community in the region. It is noteworthy that great
continuity of views and methods passed from the tsarist administration to the Soviet-Russian apparatus
which was set up throughout the southern part of Central Asia from 1922-1923 onwards.
Résumé
Sherali Turdiev, La Sûreté russe, les maîtres d'école tatars et le mouvement djadid au Turkestan.
L'accès aux archives turkestanaises de l'Okhrana et du KGB autorisé pendant quelques années aux
chercheurs de Tachkent a contribué à modifier en Ouzbékistan la mémoire du réformisme musulman
ainsi que la perception du rôle de la police politique russe dans ses avatars successifs, depuis la
colonisation aux purges staliniennes. D'une part ces nouveaux documents apportent des correctifs
substantiels au profil des lettrés et intellectuels modernistes du Turkestan et des Protectorats, naguère
portraiturés par la critique marxiste en bourgeois européanisés mais que l'on découvre en savants
musulmans issus de familles d'oulémas disposant de solides assises foncières. Ces « nouvelles »
sources nous permettent également de mieux mesurer l'influence qu'exercèrent les grands foyers de
culture musulmane moderne, que furent pendant la seconde moitié du xixe siècle les villes tatares de
Russie centrale, sur le réformisme turkestanais, par le truchement de l'école, de la presse, de la
littérature, du théâtre ou de l'opéra... Cependant il va sans dire que ces documents d'un type bien
particulier nous renseignent surtout sur le regard posé par les organes de sécurité de l'empire et plas
généralement les Russes du Turkestan sur l'évolution sociale et culturelle de la communauté
musulmane de cette région. On constate d'ailleurs sur ce sujet de grandes continuités entre les points
de vue et les méthodes de l'administration tsariste et ceux de l'appareil russo-soviétique mis en place
dans toute l'Asie Centrale méridionale à partir des années 1922-1923.SHERALI TURDIEV
LA SÛRETÉ RUSSE, LES MAITRES D'ÉCOLE TATARS
ET LE MOUVEMENT DJADID AU TURKESTAN
L'étude du rôle de la Russie tsariste puis soviétique dans la répression du réfo
rmisme musulman en Asie Centrale méridionale n'a pu bénéficier, jusqu'à présent,
d'une utilisation systématique du très important fonds d'archives du Comité natio
nal de la Sûreté (ex-KGB) d'Ouzbékistan. Pourtant l'exploitation de ces documents
a, dès le prime abord, le mérite de suggérer d'intéressantes lignes de continuité entre
la politique et les méthodes appliquées, au Turkestan, par l'Okhrana des tsars, puis
la police politique du régime soviétique. En même temps, l'analyse des dossiers rela
tifs aux purges des années 30 met au jour une technique de pouvoir spécifique, des
tinée à arracher une loyauté sans faille à certaines parties de l'intelligentsia
ouzbéque, en les associant étroitement à la liquidation physique de segments concurr
ents de la même classe.
Il va sans dire, cependant, que l'historiographie russo-soviétique de Г Asie Cent
rale moderne présente le rôle de ces « organes » du point de vue des idéologies
d'État qui ont successivement servi à assurer la pérennité du vaste empire. Entre les
années 30 à 60, on vit même certaines plumes autorisées, à Tachkent et Douchanbeh,
dénoncer à la vindicte des tribunaux staliniens, puis au jugement d'une histoire
désormais univoque, les protagonistes du mouvement djadid turkestanais comme
autant de complices du régime tsariste dans la répression du seul « mouvement de
libération nationale » qui valut dans la région, celui des paysans guidés par le prolét
ariat russe1. L'un de ces auteurs n'hésitait pas à écrire, à la veille de la stagnation
brejniévienne, que le djadidisme, en tant qu'idéologie nationale de la bourgeoisie
indigène de l'Asie Centrale coloniale, s'était détaché des masses populaires, pour
devenir l'allié ou l'instrument du régime tsariste et de la bourgeoisie russe2. Il y eut
bien, pendant les années de plomb, d'autres historiens, principalement tatars et
ouzbeks, plus rarement tadjiks3 et russes, pour tenter de restituer avec plus de scru
pule le rôle de la Russie dans la répression des mouvements réformistes musulmans
apparus, dans la région volgienne puis en Asie Centrale méridionale, pendant la
seconde moitié du XIXe siècle. Cependant la diabolisation du djadidisme, selon des
critères élaborés au cours des années 20 et 30, resta dominante dans les organes offi
ciels de l'historiographie soviétique jusqu'à la fin des années 1980, quand les
Cahiers du Monde russe, XXXVII (1-2), janvier-juin 1996, pp. 211-222. 212 SHERALI TURDIEV
premiers interstices de liberté introduits par la perestrojka permirent, en Asie Cent
rale, la réouverture du débat public sur l'histoire du réformisme musulman dans
l'Empire russe.
L'une des premières, et des plus significatives, manifestations de ce renouveau
fut la table ronde organisée, le 12 octobre 1988, par l'Institut de langue et de littéra
ture de l'Académie des sciences d'Ouzbékistan, en présence de savants venus de
toute l'Union Soviétique. Le compte rendu détaillé de la réunion reconnut un carac
tère « progressiste » et réformiste au djadidisme4, dans la répression duquel le rôle
de la Russie tsariste puis du régime communiste ne tarda pas non plus à être dénoncé
avec une vigueur croissante dans les colonnes de la presse ouzbéque5. Ce n'est
qu'après cette date, qui coïncide significativement avec les années de délitement
accéléré des structures de l'URSS et la veille de l'indépendance nationale de
l'Ouzbékistan, que commença véritablement l'étude systématique de la politique et
des méthodes de répression des principaux théoriciens et animateurs du mouvement
djadid turkestanais6. Les chercheurs, cependant, ne purent bénéficier de l'accès aux
archives de la section ouzbéque du KGB que plus tardivement, et pendant une
période assez brève, car ces collections sont depuis un an rattachées à la présidence
de la République d'Ouzbékistan, et de nouveau fermées à la consultation. C'est pour
quoi nous avons pensé, à la lumière de cette expérience et dans l'ignorance de ce que
nous réserve l'avenir, qu'il n'était peut-être pas inutile de soumettre au lecteur les
tout premiers résultats, nécessairement inaboutis, d'une recherche &

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