La transparence et la mémoire - article ; n°1 ; vol.21, pg 5-28
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Description

Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1989 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 5-28
Openness and memory. The Soviets look at their past, Nicolas Werth
An examination of literary works, films, TV programs, articles in newspapers and scientific journals in which the question of glasnost in history has been posed since 1986, shows clearly the cleavages between establishment historians and « revisionists » who want to pursue the truth even in the dark periods of Soviet history. With, in the end, a battle on the historical front which results in an acknowledgment of the failure of ideology.
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Nicolas Werth
La transparence et la mémoire
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°21, janvier-mars 1989. pp. 5-28.
Abstract
Openness and memory. The Soviets look at their past, Nicolas Werth
An examination of literary works, films, TV programs, articles in newspapers and scientific journals in which the question of
glasnost in history has been posed since 1986, shows clearly the cleavages between establishment historians and « revisionists
» who want to pursue the truth even in the dark periods of Soviet history. With, in the end, a battle on the historical front which
results in an acknowledgment of the failure of ideology.
Citer ce document / Cite this document :
Werth Nicolas. La transparence et la mémoire. In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°21, janvier-mars 1989. pp. 5-28.
doi : 10.3406/xxs.1989.2953
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1989_num_21_1_2953LA TRANSPARENCE
ET LA MÉMOIRE
Les Soviétiques à la recherche de leur passé
Nicolas Werth
Voici la « glasnost » sur le front de nombre de pratiques dont les plus courantes
l'histoire, dans ce pays où hier encore la sont l'ajustement permanent de l'analyse aux
science du passé, bardée de matérialisme besoins du moment, la disparition de per
« dialectique et historique », ne pouvait sonnages et de faits historiques qui contre
aller que « du bien au meilleur ». Un diraient le postulat selon lequel le
secrétaire général frôle la vérité, les poètes déroulement de l'histoire soviétique va dans
font de la chronologie, les soirées litté le sens du progrès, l'introduction de non-
raires chahutent les grands hommes. Et personnages et de non-faits historiques ar
les historiens, bousculés par la presse à tificiellement gonflés pour construire une
grand tirage et les émissions de télévi histoire officielle largement mythique. Ces
sion, se partagent entre les haut-le-cœur pratiques de manipulation s'étaient progres
de l'establishment et les questions fau sivement établies et codifiées à partir de la
ssement naïves des « révisionnistes ». Ni fin des années 1920, après une décennie
colas Werth a tout suivi sur place, dans durant laquelle le débat historique était resté
relativement ouvert. Le 20e Congrès de 1956 ce tumulte où la mémoire bouscule
l'idéologie. avait été suivi, en histoire comme en litt
érature, d'un « dégel » au cours duquel un
Trois ans après le lancement du terme certain nombre d'historiens avaient soulevé
de glasnost, il apparaît que cette des questions jusque-là taboues, mettant en
« transparence » s'est focalisée sur un cause notamment le bien-fondé des rythmes
champ privilégié : celui de l'histoire. Sans et des méthodes de la collectivisation des
doute est-ce compréhensible. De tous les campagnes. Ce dégel prit brusquement fin
domaines de la pensée, l'histoire était restée en 1965, avec la nomination, à la tête du
le plus opaque à la vérité, car le plus cardinal département Science et éducation du comité
dans un système idéologique où elle est sans central, de l'historien S. P. Trapeznikov, qui
cesse « retouchée » par le politique, afin de fit interdire la publication d'un ouvrage
légitimer le rôle du Parti, détenteur unique capital de V. Danilov sur la collectivisation.
de la vérité historique, et confirmer la justesse En 1972, plusieurs historiens éminents (V.V.
de la « ligne », transcription dans les faits Adamov, E. Burdzalov, M.I. Gefter) durent
du mouvement de l'histoire. démissionner, qui pour avoir donné une
« mauvaise » interprétation de l'état de la Comme on le sait, la manipulation de
l'histoire passe en URSS par un certain Russie en 1914 (jugé « trop avancé »), qui NICOLAS WERTH
pour avoir surestimé la « spontanéité » de la système et des maux correspondants (pl
révolution de 1917. anification inefficace, organisation écono
Les années brejnéviennes apparaissent au mique anachronique, incohérence du système
jourd'hui comme une période particulièr des prix, nivellement des salaires, dénigre
ement terne dans le domaine des études ment des activités économiques indivi
historiques en URSS. L'accès aux archives duelles), glorification de la NEP, ce
devint, au cours des vingt dernières années, « tournant courageux », réévaluation mesur
de plus en plus limité. Quant aux rééditions ée des succès et des erreurs —, l'histoire
avait commencé à se « repeupler ». successives du Manuel d'histoire du PCUS
Cette entreprise fut l'œuvre non d'his(1965, 1973, 1978), elles révélaient la dis
parition progressive des « acquis » des 20e toriens professionnels, mais d'écrivains et de
et 22e Congrès : les allusions aux « abus de publicistes. Comme l'écrivait C. Simonov
la période du culte de la personnalité » s'y dans un article au titre explicite, « Les leçons
faisaient de plus en plus rares, tandis qu'on de l'histoire et le devoir de l'écrivain»1,
vantait les « grandes avancées » du socialisme « l'accouchement avait été artificiellement re
au cours des premiers plans quinquennaux. tardé. Les écrivains assumèrent leur devoir,
Dans ce contexte, le discours de M. Gor tandis que les historiens officiels se détour
naient et se taisaient » : sans doute sentaient- batchev au plenum de janvier 1987, et son
intervention, quelques jours plus tard, de ils qu'ils avaient perdu « le droit moral à la
vant les responsables des médias, au cours parole » en ayant si longtemps cautionné la
de laquelle il prononça sa fameuse « petite falsification et encouragé le silence.
phrase » — « II ne doit pas y avoir de taches
O L'HISTOIRE REPEUPLÉE blanches dans notre histoire ou notre litt
PAR LA LITTÉRATURE érature » — , apparut comme un tournant et
fut interprété comme un encouragement, Ainsi, au terme d'une démarche de ca
après un an et demi d'immobilisme de la ractère plus moral que scientifique, débuta
nouvelle direction sur le front de l'histoire, une première étape de redécouverte de l'his
à soulever les questions dont la société avait toire que le critique V. Kliamkine caractérisa
déjà ouvertement commencé à débattre, par ainsi : « Un formidable mouvement jailli de
l'intermédiaire des médias, depuis plusieurs la société elle-même, adolescent
mois. de réécriture de ce qui avait été effacé » (par
Les thèses de M. Gorbatchev étaient c opposition à la seconde étape, définie comme
ependant des plus mesurées : « II y eut de celle de « la volonté adulte de comprendre »).
tout dans notre histoire, expliquait le secré Romans, nouvelles, pièces de théâtre, films,
taire général, des erreurs et des difficultés, articles de revues de grande diffusion font
mais notre pays continuait à aller de l'avant. ainsi revivre, depuis plus de deux ans déjà,
Prenons les années de l'industrialisation et touche par touche, tout un passé occulté.
de la collectivisation, par exemple : elles Ils ne prétendent généralement pas donner
illustrent le destin de notre peuple, avec une explication de ce qui s'est passé, mais
toutes ses contradictions, ses succès et ses simplement témoigner et dire tout haut ce
erreurs ». Ces paroles inauguraient, selon le que beaucoup disaient tout bas (la « tran
mot d'un historien, « l'ère d'un étrange éclec sparence », c'est d'abord cela : refaire ouver
tisme des plus et des moins », qui allait tement le chemin parcouru, intérieurement,
devenir le nouveau credo en matière d'éva par tous ceux qui « savaient déjà »). Le
luation du passé. Avant que le pouvoir critique I. Dedkov définit l'année 1986
n'explicite son nouveau cours historique — comme « l'année de la résurgence d'un passé
condamnation du stalinisme rendu respon
sable de nombreux blocages idéologiques du 1. Nauka i ]iz», 6, 1987. LA TRANSPARENCE ET LA MÉMOIRE
honteux que l'écrivain se doit de rappeler, écrits à la fin des années 1930, ont un sujet
afin qu'il ne renaisse jamais plus»1. La commun : le sort tragique des centaines de
dimension morale de l'entre

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