La vierge et le serpent. De la trivalence à l ambiguïté - article ; n°2 ; vol.109, pg 513-575
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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité - Année 1997 - Volume 109 - Numéro 2 - Pages 513-575
Jean-Marie Pailler, La vierge et le serpent. De la trivalence à l'ambiguïté, p. 513-575. Le culte romain de Vesta et le culte de Junon SMR à Lanuvium ont toujours entretenu une étroite relation. Les déesses et prêtresses de ces deux sanctuaires s'inscrivent dans le cadre plus large des honneurs rendus à une puissance féminine «trivalente». La comparaison avec Athéna Polias, mais aussi avec des traditions parallèles du monde indo-européen (Inde, Iran, Scandinavie, Irlande...) révèle des analogies qui invitent à recourir aux méthodes d'analyse de Dumézil, en prolongeant ses intuitions. Le récit de la victoire du pape Sylvestre sur le draco du forum dans un «antre» rattaché au sanctuaire de Vesta, confirme l'existence d'un très ancien complexe associant dans l'ordre du sacré serpent protecteur et virginité féminine. Cet épisode illustre à la fois la persistance d'une tradition pri- (v. au verso) mitive et sa liquidation-réinterprétation dans le cadre de la religion nouvelle.
63 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 65
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Jean-Marie Pailler
La vierge et le serpent. De la trivalence à l'ambiguïté
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 109, N°2. 1997. pp. 513-575.
Résumé
Jean-Marie Pailler, La vierge et le serpent. De la trivalence à l'ambiguïté, p. 513-575.
Le culte romain de Vesta et le culte de Junon SMR à Lanuvium ont toujours entretenu une étroite relation. Les déesses et
prêtresses de ces deux sanctuaires s'inscrivent dans le cadre plus large des honneurs rendus à une puissance féminine
«trivalente». La comparaison avec Athéna Polias, mais aussi avec des traditions parallèles du monde indo-européen (Inde, Iran,
Scandinavie, Irlande...) révèle des analogies qui invitent à recourir aux méthodes d'analyse de Dumézil, en prolongeant ses
intuitions. Le récit de la victoire du pape Sylvestre sur le draco du forum dans un «antre» rattaché au sanctuaire de Vesta,
confirme l'existence d'un très ancien complexe associant dans l'ordre du sacré serpent protecteur et virginité féminine. Cet
épisode illustre à la fois la persistance d'une tradition pri- mitive et sa liquidation-réinterprétation dans le cadre de la religion
nouvelle.
Citer ce document / Cite this document :
Pailler Jean-Marie. La vierge et le serpent. De la trivalence à l'ambiguïté. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité
T. 109, N°2. 1997. pp. 513-575.
doi : 10.3406/mefr.1997.1998
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1997_num_109_2_1998.
JEAN-MARIE PAILLER
LA VIERGE ET LE SERPENT
DE LA TRIVALENCE À L'AMBIGUÏTÉ
On sait suffisamment aujourd'hui, en particulier depuis l'enquête mi
nutieuse conduite par F. Guizzi sur le terrain juridique1, que le statut et le
genre de vie des Vierges Vestales de la Rome antique étaient loin de corres
pondre à l'image que nous nous faisons communément de «cloîtrées».
Quelles qu'aient été les contraintes bien réelles et fort pesantes de leur
état2, ces jeunes filles et femmes de très bonne famille continuaient, par-
delà la rupture de la continuité gentilice imposée lors de leur captio3, à me
ner un train de vie conforme aux traditions aristocratiques4. Elles pouv
aient, et ne s'en privaient pas, posséder5 des maisons, des terres, des che
vaux, des esclaves6. Mieux : leur statut exceptionnel, qui leur donnait droit
à se déplacer en char dans Rome et à jouir de places privilégiées au spect
acle, les laissait depuis très longtemps libres d'hériter comme de tester. De
ce point de vue, tout se passe comme si elles avaient frayé les voies de
l'émancipation7 à leurs sœurs et obligées8 les matrones romaines. Envisagé
1 F. Guizzi, // sacerdozio delle Vestali, Naples,, 1968, ' :
2 Id., ibid., notamment p. 144-158. ■ ,-..-·..
.·;..- 3 Ibid., p. 125-140 ■'., ,
4 L'attitude d'Auguste est révélatrice à cet égard : cf. Suétone, Aug., 31; Dion
Cassius, 55, 22.
5 Cf. Guizzi, op. cit., p. 191, qui récapitule leurs sources et signes de richesse. Un
seul exemple : Crassus est accusé d'avoir une liaison avec la Vestale Licinia. «Ce qui
donna lieu à cette accusation, c'est que la Vestale ayant, dans les faubourgs de
Rome, une très belle maison que Crassus voulait avoir à bon marché, il la voyait
souvent et lui faisait la cour...» (Plutarque, Crassus, I, 4-5).
6 Cf. J.-M. Pailler, Lettre de Pallas, 1, 1994, note 8.
7 Cf. F. Guizzi, // sacerdozio, cit. η. 1, p. 158-200. R. Bauman, Women and poli-
tics in ancient Rome, Londres et New York, 1992, donne beaucoup d'indications dans
ce sens, d'une manière qui paraît cependant par trop systématique et modernisante;
cf. p. 52-63, pour le IIe siècle av. J.-C. : «Vestals in revolt» et «Vestals in an enligh
tened age»...
8 J.-M. Pailler, Marginales et exemplaires. Remarques sur quelques aspects du rôle
MEFRA - 109 - 1997 - 2, p. 513-575. 34 514 JEAN-MARIE PAILLER
sous cet angle, le passage du Liber coloniarum qui attribue «aux Vestales»
la possession de terres sur Yager de la cité latine de Lanuvium9 semble au
premier abord assez banal10.
Il le serait, au prix d'une explication très simple faisant appel à la déten
tion fréquente par les riches Romains de propriétés sur le territoire d'autres
cités, si cette propriété-là n'apparaissait comme un bien collectif11, reconnu
aux prêtresses en tant que prêtresses, une sorte d'ager Westalis. Ces terres
n'appartiennent pas à des particuliers. Elles sont soit celles d'un sanctuaire
local12 relié au sanctuaire romain de Vesta, soit - ce qui revient à peu près au
même - une dépendance de Y Atrium Vestae, la Maison des Vestales proche
du temple rond de la déesse sur le forum romain13. Pour comprendre de quoi
il s'agit, il nous faut remonter à l'acte fondateur par lequel Rome a concédé,
après sa victoire sur la Ligue Latine en 338, un statut privilégié - même s'il
est conditionnel - à la Iuno Seispes, ou Sospita, de Lanuvium : «on accorda
le droit de cité aux Lanuviens et on leur rendit leurs sacra avec la clause, tou
tefois, que le sanctuaire et le bois sacré de Junon Sospita fussent communs
aux citoyens lanuviens et au peuple romain» (Tite-Live, VIII, 14, 2)14. C'est
religieux des femmes dans la Rome républicaine, dans Clio. Histoire, femmes et société,
2, 1995, p. 41-60 (p. 54-58).
9 Lanuuium, muro ductum, colonia deducta a diuo Iulio. Ager limitibus Augus-
teis pro parte est adsignatus militibus ueteranis, et pro parte uirginum Vestalium lege
Augustiana fuit {Liber coloniarum, I, p. 235, 4-8). Le cas de Lanuvium est à peu près
unique («details of ownership are very rare - we learn, for example, that part of La
nuvium belonged to the Vestal Virgins», O. A. W. Dilke, The Roman surveyors. An in
troduction to the Agrimensores, Newton Abbot, 1971, p. 186). En l'espèce, il paraît
difficile d'attribuer à Auguste d'autre décision que celle d'officialiser une situation
préexistante. Cf. le seul autre exemple de «réservation de territoire sacré» - au profit
de Cybèle - que mentionne le Liber, à Venafrum : «summa montium iure templi
Ideae ab Augusto sunt concessa» (I, p. 239, 1. 10).
10 II n'a été jusqu'ici remarqué, à notre connaissance, que par I. Santinelli, RFIC,
30, 1902, p. 268, n. 4.
11 Ce bien collectif ne saurait naturellement se confondre avec celui d'un collège
ordinaire : les Vestales ne forment ni une confrérie ni une sodalité... Rien n'interdi
sait toutefois que de telles possessions fussent la source de revenus : Virginum
quoque Vestalium et sacerdotum quidam agri uectigalibus redditi sunt locatim (Hygin,
de cond. agr., 117). À la fin de l'Antiquité, Symmaque nous apprend (Ep., I, 68) que
les Vestales possédaient un saltus Vaganensis.
12 «Collegia sacerdotum itemque uirgines habent agros et territoria quaedam edam
determinata et quaedam aliquibus sacris dedicata, in eis edam lucos, in quibusdam
edam aedes templaque» (Siculus Flaccus, 162).
13 Cf. la rapide synthèse de F. Coarelli, Guida archeologica di Roma, Rome, 1974,
p. 90-92.
14 «Lanuuinis ciuitas data sacraque sua reddita, cum eo ut aedes lucusque Sospi- VIERGE ET LE SERPENT 515 LA
dans ce contexte, nous semble-t-il, qu'il faut situer et tenter d'expliquer l'
étrange droit de propriété reconnu aux Vestales romaines.
Et tout d'abord, situer ce droit parmi les autres manifestations de la
communicatio sacrorum1$ dont G. Dumézil, élargissant en deux pages lumi
neuses16 le commentaire du passage de Tite-Live, a dressé une liste signifi
cative. Nous reprenons celle-ci en la complétant, sans nullement prétendre
à l'exhaustivité :
- le municipe de Lanuvium (municipium honestissimum, selon Cicé-
ron, Pro Murena, 40, 86) est resté Iunonia sedes, «résidence de Junon»; il
était dirigé - le fait est exceptionnel - par un conseil officiellement dénom
mé senatus;
- les prodiges constatés au temple de la déesse étaient rapportés, étu
diés et éventuellement «procurés» à Rome : ce fut particulièrement le cas à
plusieurs reprises, dans des circonstances tragiquement révélatrices, pen
dant la seconde guerre punique, et c'est le signe d'une implicite commun
auté de territoire;
- à leur entrée en charge, donc au début de chaque année, les consuls
romains se rendent à Lanuvium pour y offrir un sacrifice 

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