Langues du pouvoir et pouvoirs de la parole dans les pays maghrébins - article ; n°1 ; vol.52, pg 74-92
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Mots - Année 1997 - Volume 52 - Numéro 1 - Pages 74-92
LENGUAS DEL PODER Y PODERES DE LA PALABRA EN LOS PAISES DEL MAGHREB Tanto los textos doctrinales como los discursos oficiales de los decidores maghrebinos atribuyen, dentro de la vida social y escolar, una legitimidad incontestable a la lengua del Corán, lengua escrita, normatizada y practicada solo por la élite letrada. Por lo tanto, la lengua de la « ex potencia colonial » no esta excluida ; hasta entra, en cada grado de la escolaridad, en competición con la lengua del Corán.
LANGUAGES OF POWER AND POWERS OF THE WORDS IN MAGHREB Doctrinal texts and official speeches in Maghreb governing attach a value of social legitimation to Koranic language, which is written, normalized and reserved to an elite. If the other languages in practice are officially ignored, the ex-colonial french still remains in rivality with the « modern arab » at school.
LANGUES DU POUVOIR ET POUVOIRS DE LA PAROLE DANS LES PAYS MAGHREBINS Les textes doctrinaux, comme les discours officiels des décideurs Maghrébins, accordent une légitimité incontestable, dans la vie sociale et scolaire, à la langue du Coran, langue écrite, normée et pratiquée par la seule élite lettrée. N'en est pas pour autant exclue la langue de l'« ex-puissance coloniale » laquelle est en forte concurrence avec elle, à tous les niveaux de la scolarité.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Lamria Chetouani
Langues du pouvoir et pouvoirs de la parole dans les pays
maghrébins
In: Mots, septembre 1997, N°52. pp. 74-92.
Resumen
LENGUAS DEL PODER Y PODERES DE LA PALABRA EN LOS PAISES DEL MAGHREB Tanto los textos doctrinales como los
discursos oficiales de los decidores maghrebinos atribuyen, dentro de la vida social y escolar, una legitimidad incontestable a la
lengua del Corán, lengua escrita, normatizada y practicada solo por la élite letrada. Por lo tanto, la lengua de la « ex potencia
colonial » no esta excluida ; hasta entra, en cada grado de la escolaridad, en competición con la lengua del Corán.
Abstract
LANGUAGES OF POWER AND POWERS OF THE WORDS IN MAGHREB Doctrinal texts and official speeches in Maghreb
governing attach a value of social legitimation to Koranic language, which is written, normalized and reserved to an elite. If the
other languages in practice are officially ignored, the ex-colonial french still remains in rivality with the « modern arab » at school.
Résumé
LANGUES DU POUVOIR ET POUVOIRS DE LA PAROLE DANS LES PAYS MAGHREBINS Les textes doctrinaux, comme les
discours officiels des décideurs Maghrébins, accordent une légitimité incontestable, dans la vie sociale et scolaire, à la langue du
Coran, langue écrite, normée et pratiquée par la seule élite lettrée. N'en est pas pour autant exclue la langue de l'« ex-puissance
coloniale » laquelle est en forte concurrence avec elle, à tous les niveaux de la scolarité.
Citer ce document / Cite this document :
Chetouani Lamria. Langues du pouvoir et pouvoirs de la parole dans les pays maghrébins. In: Mots, septembre 1997, N°52. pp.
74-92.
doi : 10.3406/mots.1997.2467
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1997_num_52_1_2467CHETOUANP Lamria
Langues du pouvoir
et pouvoirs de la parole
dans les pays maghrébins
« Une politique des langues est requise
par la lutte pour le pouvoir autant que par
' l'exercice du pouvoir » (J. W. Lapierre)
Aux lendemains de leur libération, certains pays nouvellement
indépendants sont tiraillés par de multiples dilemmes. Pris entre
deux feux, ils doivent agir rapidement : recouvrement de l'identité
nationale ou développement économique et social, retour aux sources
ou projection dans la modernité, table rase de l'acquis colonial ou
pérennisation de la culture originelle, etc. ? Devant la complexité
du problème et l'urgence des questions à trancher, des décisions
hâtives et parfois aléatoires, voire imprudentes, peuvent être prises,
notamment en matière d'apprentissage scolaire, d'épanouissement de
la personnalité des jeunes et surtout de développement économique
et culturel du pays.
Les pays maghrébins sont l'incarnation même de cette réalité.
C'est dans un contexte d'incertitude et peut-être d'irréversibilité (du
moins à court terme) que se sont engagées les décisions en matière
linguistique dont l'enjeu n'est pas sans incidence sur la vie sociale,
politique et économique. Comment gérer les contradictions ?
° IUFM de Bretagne ou Laboratoire de lexicométrie et textes politiques, ENS de
Fontenay/Saint-Cloud, Grille d'Honneur du Parc, 92211 Saint-Cloud.
1. J. W. Lapierre, Le pouvoir politique et les langues, Paris, PUF, 1988, p. 257.
74 Mots, 52, septembre 97, p. 74 à 92 Le dynamisme de l'appareil argumentatif mis en place dans la
parole des politiques peut seul convaincre les masses populaires qui
subissent ces décisions. Une analyse de la « langue du pouvoir » et
des points de vue décisionnels permettra d'éclairer les options pour
telle ou telle langue ainsi que les éléments discursifs et rhétoriques
exprimant le bien-fondé de ces choix. A partir de l'étude du
« pouvoir de la parole », on mettra ensuite en évidence le statut
réel de chacune des langues en présence dans la région et on
tentera de définir le rôle des deux langues académiques qui entrent
en concurrence. Au préalable, nous observerons le discours reflétant
la prise de la parole (et donc du pouvoir) en tant qu'acte d'autorité.
Pouvoir de la parole
La parole prend le pouvoir
Prendre publiquement la parole est la preuve qu'on détient une
légitimité et une autorité. C'est une affirmation de soi en tant
qu'homme politique mais aussi en tant que porte-parole d'un Etat.
L'explication de cette situation qui appelle, de la part des hommes
politiques, plusieurs considérations, engendre un discours d'officia
lisation du pouvoir. Cette fierté a besoin d'être rappelée aux citoyens
et au monde entier surtout, comme le souligne Г ex-ministre de
l'Education algérien, A. Taleb Ibrahimi \ lorsqu'il y a « changement
de souveraineté et transformation de la société » (p. 6). Il doit y
avoir «concordance entre la doctrine et la réalité, entre les idées,
les paroles et les actes » (p. 7).
Implicitement, le discours sur la politique linguistique tend à
intérioriser une certaine omnipotence et un transfert de légitimité.
Il représente au Maghreb une prise de conscience de soi-même, un
acte de liberté et d'appropriation de la parole confisquée, une
démarcation par rapport au colonisateur, un acte de commandement
au nom de la souveraineté, une aptitude à prendre des décisions
et, bien sûr, une compétence dans le débat sur la langue.
Explicitement, son objectif principal est de convaincre à tout
prix : en faisant référence à l'identité, au prestige de la langue, à
l'authenticité, au langage du cœur, etc. Les structures de persuasion,
1. A. Taleb Ibrahimi, De la décolonisation à la révolution culturelle, SNED,
Alger, 1981 (désormais Taleb).
75 avec leur pouvoir d'évocation et d'émotion, sont des instruments
éminemment idéologiques.
Ainsi, le renversement de la situation signifie qu'agir contre le
colonisateur, c'est se situer par rapport à lui et le prendre pour
modèle de référence. Agir contre la langue de celui-ci, c'est situer
sa langue propre par rapport à la sienne, d'où l'illusion que la
lutte pour la langue est une poursuite de la lutte armée de libération
nationale et que l'accession à la parole est une suite logique de
l'accession à l'indépendance. « Avant de prendre les armes, il faut
d'abord prendre la parole », estime un grand leader maghrébin, qui
ajoute que « le bouclier éducatif apparait plus redoutable que la
cuirasse martiale et l'arme du langage plus efficace que le langage
des armes » \ surtout dans les conjonctures historiques difficiles.
Pour H. Bourguiba, la langue a été « une arme pour lutter contre
le colonialisme français et le bouter hors du territoire tunisien »
(congrès de Monastir, 1971).
La parole renverse le statut des langues
Passant d'un observateur passif n'ayant aucun pouvoir sur sa
culture tant les rapports de forces étaient inégaux, à un acteur
engagé faisant basculer le rapport de forces, l'homme politique
maghrébin désire avant tout renverser le statut des langues. Il lui
est désormais loisible de constater les atteintes portées à sa langue
et de réagir en conséquence.
Les milieux officiels français estimaient que répandre l'instruction
avec la connaissance du est le moyen le plus efficace de
« s'attacher la population indigène /.../ et d'assurer à la France une
influence prépondérante » selon F. Buisson (1888). Le cardinal La-
vigerie, comme la plupart des colons, souhaitait que les efforts de
la France de diffuser sa langue (et sa religion) ne soient pas
épargnés2.
Or la Tunisie était très marquée par l'arabisation : Kairouan, Sfax,
Mahdia et Tunis étaient des centres littéraires renommés pour les
études arabes. Au Maroc, la Karaouiyine de Fès était considérée
comme la plus vieille université arabe du monde. Pendant l'âge
d'or de l'islam (du 9e au 14e siècle), de nombreux mathématiciens,
1. Cité par A. Moatassime, Arabisation et langue française au Maghreb, Paris,
PUF, 1992, p. 122.
2. Lettre au président de l'Alliance française, Duruy, mars 1884.
76 géographes du Maghreb comme du Machrek, de l'Anmédecins,
dalousie musulmane et de l'Europe chrétienne s'y sont formés. La
France trouve au Maghreb un état de civilisation infiniment plus
avancé que

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