La lecture à portée de main
Description
Sujets
Informations
Publié par | zerline |
Publié le | 20 novembre 2013 |
Nombre de lectures | 335 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 1 Mo |
Extrait
1
Raymond Zerline
Le Chagrin
et la Fierté
Les Français
sous 1726 jours
d ’occupation
zerline.ray@laposte.net 2
Ah ! Seigneur !
Faites-moi Dieu
sept secondes
que je refasse
le Monde
Prétentieux !
3
Avant de lire ce livre
L’oubli est une affaire d’autruche. Ne pas voir, ne pas savoir, c’est, d’avance, enterrer tout souvenir.
Si toutes les mémoires disparaissaient, le monde recommencerait à zéro. Plantes, et bêtes, et nous. Et
recommenceraient les épreuves.
A défaut de s’accorder sur le savoir où aller, sachons au moins où ne plus aller en maîtrisant mieux
notre passé.
« Il n’y a plus d’histoire quand on ne cherche plus à comprendre mais seulement à juger ou à
stigmatiser », a écrit Pierre Laborie dans son excellent livre Le chagrin et le venin. Et il précise que par
« comprendre », il entend « chercher à donner de l’intelligibilité au désordre des choses ». Je me dois de
dire que le titre de ce livre est directement inspiré du sien et que mon ambition a été de chercher à
comprendre.
L’époque retracée, celle de la Seconde guerre mondiale, a été une charnière de l’histoire de l’humanité,
un de ces grands moments possédant vraiment, radicalement, son « avant » et son « après ». J’ai donc
essayé de la conter en mêlant par moment le passé et le présent, analysant les sentiments d’alors et ceux
d’aujourd’hui, élargissant parfois la réflexion née de l’événement à d’autres sujets qui peuvent en
découler.
Pour partie, ce livre est un témoignage, mais les évènements et les idées d’alors qu’il relate émanent
pour l’essentiel de ce que nous rapportaient, en ces années, les journaux légaux ou clandestins, les
émissions radiophoniques, les discours prononcés, dont je cite souvent des extraits pour que chacun
puisse lire et entendre ce que nous lisions et entendions, vivre, autant que faire se peut, ce que nous
vivions. Une autre source que mon vécu a alimenté mes recherches : les questions que me posent des
jeunes et des adultes rencontrés aujourd’hui lors de conférences ou aux petits bonheurs du hasard.
Une approche relativement personnelle, certes, particulière, mais qui devrait permettre -du moins je
l’espère- parce qu'elle se veut vivante, humaine, de mieux comprendre ce qui s’est passé à un moment de
notre histoire, de mieux se plonger dans ce qui était notre vie qui, en soi, outre la guerre, était totalement
différente de celle d’aujourd’hui.
Une approche pour remonter le temps jusqu’à tenter de se « mettre à notre place ».
Se mettre à notre place. Pour tirer expérience du passé, il ne suffit pas de connaître les faits, leur date,
leur pourquoi et leur comment. Il faut posséder également une vision du comportement des êtres qui ont
participé à ces faits, pénétrer en leur intérieur, saisir leur mentalité d’alors, leur culture d’alors, leurs
rapports réciproques, leurs lois et leurs coutumes.
Durant les années d’occupation qui s’étaient abattues sur la France, le « chagrin » a visité nombre
d’esprits et présidé à bien des attitudes et des actes. Qui oserait le nier ? Oui, mais la « fierté » aussi était
présente, bien plus répandue qu’il n’est dit. Une « fierté » pas toujours affichée qui pouvait éclater
subitement, spontanément sous des formes les plus diverses, en des lieux parfois inattendus. Et aussi une
« fierté » dûment organisée en Mouvements et Réseaux de résistance. « Chagrin et fierté », mêlés sur la
même terre de France.
Les comportements ont été divers. Comment comprendre l’attitude des collaborateurs, et cette autre
attitude, diamétralement opposée, qu’était celle des Résistants ou encore l’effacement de ceux que l’on
nomme les attentistes ? Et parmi ceux ainsi nommés, il nous faut décompter les totalement neutres, à ne
pas confondre avec celles et ceux qui attendaient pour se déterminer ou celles et ceux qui n’attendaient
que l’occasion d’agir ?
Qui pourrait se vanter, en une phrase, de définir le comportement des Français durant l’occupation ?
Personne. A moins de déformer l’histoire. Qui plus est, un comportement en constante évolution, qu’il est
nécessaire de dater avant de vouloir s’y référer.
Ne soyons pas naïfs, nous avons connu des opportunistes et des « volte-face » de dernière heure. Pour
autant, toute Française ou tout Français honnête réfléchissant aux solutions s’offrant à la France, ne
possédaient pas les mêmes éléments de réflexion en 1940 que ceux qui s’offriront à eux à partir de 1943.
En 1940, nous venions d’être battus et l’Angleterre était sensée l’être sous peu. La France, isolée, sans
force vitale aucune, semblait sans avenir. En 1943, Anglais et Américains, devenus maîtres de l’Afrique,
prenaient pied en Italie tandis que les Soviétiques, après leur victoire de Stalingrad, se permettaient de 4
contre-attaquer sur l’ensemble de leurs fronts. Les perspectives étaient donc tout autre pour une France
qui, non seulement n’était plus isolée, mais dont une armée en partie reconstituée, celle de la France
Libre, participait déjà directement à la guerre.
Quant aux Français qui, dès 1940, refusaient déjà la situation en cours au point de résister ou de
s’apprêter à résister, s’ils se lançaient dans l’aventure armés d’un espoir un peu fou, il en sera
évidemment tout autrement en 1943, armés cette fois d’une certitude à toute épreuve.
Au tout début, indépendamment des évènements extérieurs, l’accablement dû à la défaite auquel
èmes’ajoutait la rancœur envers la III République, présentée comme grande responsable de la déroute, ont
renforcé le besoin de valeurs rassurantes. L’idée d’un retour au passé traditionnel de la famille et de la
patrie accompagnée d’une revalorisation du métier et du travail bien fait par un esprit sain dans un corps
sain, que prônait le patriarche vainqueur de Verdun, pouvait être une idée attirante. Après la massification
« Fordienne » du travail et les incertitudes nées de la crise financière des années d’avant guerre, la
Révolution nationale de Pétain avait de quoi satisfaire les conservateurs, les nationalistes, ceux de la
droite éclairée, les chrétiens en recherche de l’homme parfait, une frange des humanistes, une autre frange
des idéologues de la nature, le grand et le petit monde paysan, les chômeurs des années trente. De quoi
faire beaucoup de monde.
Pas pour autant collaborateurs de cœur, ces Français de 1940, mais suffisamment maréchalistes pour ne
pas s’opposer aux décisions du chef de l’Etat. Ils évolueront. Un comportement en constante évolution
qui pourrait être daté en grandes étapes et être également fractionner par catégories.
Les catégories ne manquaient pas qui, chacune, avait ses propres bases de raisonnement. Jusqu’en
novembre 1942, les Français de la zone dite libre, sans contact direct avec les troupes nazies, n’avaient
qu’une vision abstraite de l’occupation. A contrario, les Français d’Alsace et de Moselle, eux, avaient une
connaissance brutale de la situation, annexés de fait et confrontés à une ferme volonté de les germaniser
et de les nazifier de gré ou de force. Les Parisiens affamés pouvaient nourrir une approche différente
concernant l’attitude des occupants, et donc vis-