Le consensus patriotique, face cachée de la xénophobie - article ; n°1 ; vol.8, pg 17-41
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Mots - Année 1984 - Volume 8 - Numéro 1 - Pages 17-41
LE CONSENSUS PATRIOTIQUE, FACE CACHÉE DE LA XÉNOPHOBIE Ueberfremdung (surpopulation et emprise étrangère) est une notion qui circule en Suisse dans les années 1960-1970. On trouve ce terme dans une loi de 1931 et dans des rapports d'experts, mais aussi dans des textes de l'Union syndicale suisse (partenaire social de l'Etat helvétique depuis 1937 pour la «paix du travail»). Dans ces textes, elle fonctionne comme instrument de consensus et d'intégration du mouvement ouvrier. Mais elle est aussi plus ouvertement au centre de discours nationalistes xénophobes des années 1960-1970, dont P.F. présente deux cas typiques: un tract et une interview du fondateur de l'Action nationale, Fritz Meier, des textes de J. Schwarzenbach, initiateur des projets de référendum xénophobes.
PATRIOTIC CONSENSUS, HIDDEN FACE OF XENOPHOBIA P.F. explores the emergence and use of the notion of Ueberfremdung (excessive number of foreigners and undue foreign influence). It is found in a 1931 Act, in experts' reports and also in texts issued by the Union Syndicale Suisse (engaged since the 1937 «Paix du travail» in formal cooperation with the swiss Confederation). In those texts it appears as an instrument for national consensus and integration of working class movement. But it also overtly occupies a central position in the xenophobic nationalist speach of the 60s and 70s of which P.F. studies two typical examples : a pamphlet and an interview given by Fritz Meier the founder of the Action nationale, and texts by J. Schwarzenbach who was the initiator of various projects of xenophobic référendums.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Fiala
Le consensus patriotique, face cachée de la xénophobie
In: Mots, mars 1984, N°8. pp. 17-41.
Abstract
PATRIOTIC CONSENSUS, HIDDEN FACE OF XENOPHOBIA P.F. explores the emergence and use of the notion of
Ueberfremdung (excessive number of foreigners and undue foreign influence). It is found in a 1931 Act, in experts' reports and
also in texts issued by the Union Syndicale Suisse (engaged since the 1937 «Paix du travail» in formal cooperation with the swiss
Confederation). In those texts it appears as an instrument for national consensus and integration of working class movement. But
it also overtly occupies a central position in the xenophobic nationalist speach of the 60s and 70s of which P.F. studies two typical
examples : a pamphlet and an interview given by Fritz Meier the founder of the Action nationale, and texts by J. Schwarzenbach
who was the initiator of various projects of xenophobic référendums.
Résumé
LE CONSENSUS PATRIOTIQUE, FACE CACHÉE DE LA XÉNOPHOBIE Ueberfremdung (surpopulation et emprise étrangère)
est une notion qui circule en Suisse dans les années 1960-1970. On trouve ce terme dans une loi de 1931 et dans des rapports
d'experts, mais aussi dans des textes de l'Union syndicale suisse (partenaire social de l'Etat helvétique depuis 1937 pour la «paix
du travail»). Dans ces textes, elle fonctionne comme instrument de consensus et d'intégration du mouvement ouvrier. Mais elle
est aussi plus ouvertement au centre de discours nationalistes xénophobes des années 1960-1970, dont P.F. présente deux cas
typiques: un tract et une interview du fondateur de l'Action nationale, Fritz Meier, des textes de J. Schwarzenbach, initiateur des
projets de référendum xénophobes.
Citer ce document / Cite this document :
Fiala Pierre. Le consensus patriotique, face cachée de la xénophobie. In: Mots, mars 1984, N°8. pp. 17-41.
doi : 10.3406/mots.1984.1138
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1984_num_8_1_1138PIERRE FIALA
URL «LEXICOLOGIE ET TEXTES POLITIQUES»
INSTITUT NATIONAL DE LA LANGUE FRANÇAISE (CNRS), ENS DE SAINT-CLOUD Mots, 8, 1984
Le consensus patriotique,
face cachée de la xénophobie
Depuis cinquante ans, une formule hante le discours politique en Suisse: «la
surpopulation et l'emprise étrangères » (en allemand : Ueberfremdung) 1.
L'apparition dans les années soixante de mouvements nationalistes, l'Action nationale
(AN), le Mouvement national d'action républicain (MNA), qui ont soutenu, avec un large
écho populaire, qu'il y avait surpopulation étrangère en Suisse, et ont proposé en 1970, 1974,
1977, dans des «initiatives populaires» (consultations référendaires propres à la démocratie
semi-directe helvétique), de renvoyer massivement les travailleurs immigrés dans leur pays,
est le fait politique sans doute le plus marquant de l'histoire sociale récente de la Suisse.
1. Sans entrer dans le détail des questions que pose l'existence, dans une entité nationale, de cultures, de
langues et de dialectes divers, il faut rappeler que les mouvements anti-étrangers ont pris naissance dans la partie
alémanique de la Suisse, dans la région zurichoise ; ils sont initialement porteurs de catégories propres à la culture
de ces régions et se sont exprimés dans des formes linguistiques spécifiques. Ces mouvements ont ensuite
rencontré un écho dans d'autres parties de la Suisse. Leurs projets politiques, leurs slogans se sont donc exprimés
à travers divers codes linguistiques. L'existence de quatre «langues nationales», dont les deux plus importantes,
l'allemand et le français, servent de support à l'ensemble des lois et des textes administratifs fédéraux, impose à
tout mouvement politique ayant un projet national de s'exprimer dans plusieurs langues, et au minimum dans
deux d'entre elles. On verra qu'autour de la notion ď 'Ueberfremdung se regroupe un ensemble considérable de
discours politiques formant une entité idéologique, mais une entité qui s'exprime dans des formes culturelles et
linguistiques spécifiques. En d'autres termes, il n'est pas certain que les discours en allemand sur Ueberfremdung
soient exactement identiques aux discours français sur la surpopulation et Yemprise étrangère. De même, la notion
française de xénophobie n'est sans doute pas équivalente à l'expression alémanique Fremdenhass. 18 PIERRE FIALA
Certes, ces mouvements ne résument pas à eux seuls ce qu'on a nommé «le malaise
helvétique», «la crise des valeurs nationales», mais la question de YUeberfremdung a instauré
un débat à l'échelle nationale qui, plus que tout autre, a partagé la société suisse durant la
période d'expansion économique aussi bien que lors de la récession de la fin des années
soixante-dix.
En particulier, le mouvement ouvrier s'est trouvé profondément divisé par les
propositions des mouvements nationalistes. Lors des votes relatifs aux initiatives xénophobes,
de nombreux travailleurs n'ont pas suivi les consignes de leurs partis ou de leurs syndicats qui
s'opposaient à ces initiatives. Certains ont même quitté les rangs de leur organisation parce
qu'ils se sentaient «trahis» par leur direction; ils voyaient dans le renvoi des immigrés une
réponse acceptable et une solution satisfaisante à leurs problèmes immédiats (prix des
logements, écoles et hôpitaux surchargés, concurrence dans le travail, augmentation des
cadences, chômage, etc.).
Si toutes les initiatives xénophobes ont jusqu'ici été repoussées, parfois de justesse, à
coup de campagnes publicitaires et à grand renfort de déclarations officielles, les problèmes
que la xénophobie pose à la société suisse ne sont pas résolus. Plusieurs faits en témoignent :
le grave échec en 1981 d'une initiative à caractère humanitaire, appelée Etre solidaires, qui
proposait de reconnaître aux immigrés la place sociale et politique à laquelle leur travail et
leur résidence leur donnent droit; de même les difficultés rencontrées dans la mise en place
d'une nouvelle loi sur les étrangers, mise en chantier en 1974, votée avec de multiples
amendements par le Parlement en 1981, puis finalement repoussée par un vote populaire;
enfin, le lancement, en 1983, par l'Action nationale d'une nouvelle initiative xénophobe, la
sixième, visant cette fois l'ensemble des immigrés, les résidents (qui représentent 14,4% de la
population) mais aussi les travailleurs saisonniers et les frontaliers.
La xénophobie n'est donc pas un thème limité à une extrême-droite circonscrite et
minoritaire ; ce n'est pas une aberration momentanée d'un système où tout est bien réglé, une
verrue disgracieuse sur un corps bien portant, un mal passager un peu inconvenant mais
superficiel. Il faut au contraire y voir l'effet profond, durable et dangereux d'un libéralisme
presque intégral, contrôlé par des sociétés multinationales et les banques, protégé par des
mécanismes sociaux et institutionnels propres à la Suisse, visant notamment à réduire
l'autonomie du mouvement ouvrier dans le cadre du consensus politique dirigé par la
bourgeoisie, et s'appuyant sur un conformisme moralisateur et un patriotisme dépolitisant CONSENSUS ET XÉNOPHOBIE 19
souvent véhiculé par les médias. Certes, la plupart des partis traditionnels, des organisations
professionnelles, des institutions étatiques, scolaires, ecclésiastiques, des médias ont affiché et
défendu lors des scrutins successifs des positions hostiles aux xénophobes. Pourtant, leur
responsabilité dans le développement de la xénophobie est engagée, et l'on peut discerner
nettement, dans leurs discours comme dans leurs pratiques, des éléments caractéristiques du
discours xénophobe.
Nous nous proposons de décrire ici quelques éléments de la circulation de cette notion
d'Ueberfremdung, si centrale dans le discours politique helvétique2. Nous en soulignerons les
caractères les plus évidents, tels qu'ils apparaissent explicitement dans le discours nationaliste
d'extrême droite, après en avoir montré le fonctionnement plus implicite3, mais non moins
réel, dans des discours émanant des institutions qui structurent la société suisse.
LA LUTTE CONTRE LA SURPOPULATION ÉTRANGÈRE,
INSTRUMENT DE CONSENSUS
«L'extrême limite dans l'appel de la main-d'œuvre étrang

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