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Publié par | REVUE_DE_L-EST |
Publié le | 01 janvier 1974 |
Nombre de lectures | 15 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 1 Mo |
Extrait
Gertrude E. Schroeder
Le réexamen du problème des « indicateurs de succès» dans
l'industrie soviétique
In: Revue de l'Est. Volume 5, 1974, N°4. pp. 75-95.
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Schroeder Gertrude E. Le réexamen du problème des « indicateurs de succès» dans l'industrie soviétique. In: Revue de l'Est.
Volume 5, 1974, N°4. pp. 75-95.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0035-1415_1974_num_5_4_1224Résumé
Cet article porte sur la difficulté chronique à imaginer des indicateurs de succès satisfaisants pour les
entreprises industrielles soviétiques, qui les conduiront à produire l'assortiment de biens souhaité par
les planificateurs et / ou les consommateurs en utilisant un minimum de ressources. Avant les réformes
économiques de 1965, l'activité des entreprises était estimée et rémunérée en fonction de la réalisation
des plans de production brute et d'assortiment des principaux produits évalués en quantités physiques.
Ce système permettait au gouvernement d'obtenir ce qu'il désirait par dessus tout : des taux de
croissance élevés de la production industrielle. Mais les indicateurs de succès n'ont pas que des
conséquences positives ; ils entraînent aussi une production de biens dont personne ne veut, des
produits de qualité médiocre, l'utilisation de matériaux coûteux, un gaspillage de main-d'œuvre et de
capital et une résistance aux techniques nouvelles.
Depuis les réformes économiques de 1965, les ventes (ou profits) et la rentabilité (rendement du
capital) constituent les nouveaux critères de succès et la base des primes à la direction. La réalisation
du plan d'assortiment des principaux produits en quantités physiques est toujours exigée. Les primes
sont désormais payées à partir de fonds spéciaux alimentés par un prélèvement sur les profits. Mais
ces modifications n'ont pas amené une amélioration significative de l'efficience économique et ont
provoqué à leur tour de nouvelles aberrations. Le gouvernement réagit en accroissant le nombre
d'indicateurs et en renforçant son contrôle sur la répartition des fonds de stimulation. De ce fait, le
système de stimulation est devenu extrêmement compliqué. Si l'on juge d'après la presse soviétique,
les mêmes problèmes persistent : faible qualité des produits et gaspillage des ressources.
Aujourd'hui, de violents débats se poursuivent dans la presse soviétique: ils concernent pratiquement
les mêmes questions que celles qui ont été discutées depuis vingt ans. L'objectif est de trouver une
série de règles et d'indicateurs de succès qui pousseront les entreprises à se comporter dans le
système bureaucratique et administratif comme des entreprises fonctionnant dans un système de
marché, mais sans abandonner la planification centrale de la production. La série complexe
d'indicateurs de succès spécialisés aujourd'hui en vigueur a contribué à renforcer la centralisation et la
«bureaucratisation de la vie économique» qui, pour Oskar Lange, représentait « le véritable danger du
socialisme ».
Abstract
The Problem of Success Indicators in Soviet Industry Revisited.
This article surveys the chronic problem of devising satisfactory performance indicators for Soviet
industrial enterprises that will lead them to produce the product mix that planners and /or consumers
want with a minimum expenditure of ressources. Before the 1965 economic reforms, enterprises were
evaluated and rewarded mainly for fulfilling plans for gross value of output and output of key products
measured in physical units. Under this system the government got what it wanted most — high rates of
growth of industrial output. But the success indicators also resulted in production of goods that nobody
wanted, poor product quality, use of expensive materials, waste of labor and capital, and resistance to
new technology.
The 1965 economic reforms established sales (or profits) and profitability (return on capital) as new
success criteria and the basis for managerial bonuses. Fulfillment of the plan for output of key products
in physical units was still also required. Bonuses were now paid from special funds formed out of
retained profits. These changes did not produce significant improvement in economic efficiency and
created some new aberrations of their own. The government's response was to increase the number of
success indicators and tighten controls overs expenditure of incentive funds. As a result, the present
incentive system has become extremely complicated. Judging from the Soviet press, the problems with
poor quality of goods and waste of ressources still persist.
At present, vigorous debates are being conducted in the Soviet press over essentially the same matters
that have been argued about two decades. The aim is to devise a set of rules and success indicators
that will lead firms in a bureau- administered economy to behave like firms in a market economy, but
without giving up central planning of production. The present complex system of multiple, specialized
indicators has contributed to increased centralization and has greatly furthered the « bureauratization of
economic life », which Oskar Lange regarded as the « real danger of Socialism ».Le réexamen du problème des «indicateurs
de succès» dans l'industrie soviétique
Gertrude E. SCHROEDER*
En 1958, Alec Nove publiait un article devenu classique sur les
indicateurs de succès des entreprises industrielles soviétiques1. Le profes
seur Nove y décrivait la nature et les conséquences des critères d'activité
utilisés dans les entreprises industrielles au cours des trois premières
décennies de la planification soviétique centralisée. Après quinze autres
années de et le lancement de la « troisième grande réforme
économique de l'histoire »2, il convient sans doute de r
éexaminer une question liée de manière aussi essentielle aux efforts
actuellement menés en U.R.S.S. pour accroître l'efficience au niveau
de l'entreprise. Ce réexamen est à l'ordre du jour, en particulier parce
que les réformes comprennent une révision importante du système des
indicateurs de succès et des stimulants monétaires qui leur sont liés.
Dans cet article, on se préoccupera plus spécialement 1) de revoir briève
ment la nature et les implications des indicateurs de succès antérieurs
à la réforme, 2) de décrire la nature et les effets de la série d'indicateurs
adoptée lors des premières réformes de 1965 et modifiée au cours des
années 1971-1973 et 3) d'examiner les implications de cette expérience
sur la capacité éventuelle d'une économie de type bureaucratique (une
« buroconomie »)3 à atteindre la micro-efficience par le biais d'indi
cateurs de succès, aussi nombreux et ingénieux qu'ils puissent être.
* Université de Virginie, Etats-Unis.
(1) Alec Nove, «The Problem of Success Indicators in Soviet Industry», Economica,
N.A. XXV, n° 97, février 1958, pp. 1-13.
(2) A. Birman dans Novyj Mir, 1965, 12, p. 194.
(3) Le terme de «buroconomy» et un modèle préliminaire du fonctionnement de
ce type d'économie ont été relevés dans un rapport de Rush V. Greenslade, « A Bureauc
ratie Model of the Soviet Economy», présenté en 1972 devant la réunion annuelle de
la Southern Conference, AAASS. Pour une autre source d'inspiration, voir W.A. Niska-
nen Jr., Bureaucracy and Representative Government, New York, Aldine, 1971.
75 G.E. Schroeder
I. Les indicateurs de succès avant la réforme
Traditionnellement, les résultats des entreprises industrielles sovié
tiques étaient essentiellement évalués sur la base de leur capacité à
réaliser les plans de production. Bien que les méthodes aient pu varier
d'un ministère à l'autre à différentes époques, il est évident que le
principal indicateur de succès (pokazateV) a toujours été la production
planifiée totale, mesurée en roubles et/ou en quantités physiques. Bien
que les entreprises fussent censées prendre en considération d'autres
indicateurs du plan, ceux notamment concernant la réduction des coûts
et la productivité du travail, le système d'indicateurs de succès, antérieur
à la réforme, était relativement simple et les priorités clairement établies.
Enfin, les primes des responsables de l'entreprise étaient reliées