Le renouveau islamique en URSS - article ; n°1 ; vol.59, pg 133-143
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Description

Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1991 - Volume 59 - Numéro 1 - Pages 133-143
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 34
Langue Français
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Extrait

Olivier Roy
Le renouveau islamique en URSS
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°59-60, 1991. pp. 133-143.
Citer ce document / Cite this document :
Roy Olivier. Le renouveau islamique en URSS. In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°59-60, 1991. pp. 133-
143.
doi : 10.3406/remmm.1991.1497
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1991_num_59_1_1497Olivier ROY
LE RENOUVEAU ISLAMIQUE EN URSS
En Asie centrale, au Daghestan et chez les Tatars de la Volga, on assiste depuis
1989 à la réapparition sur la scène publique d'un islam populaire, encadré par
des mollahs parallèles. L'importance de cet activisme islamique dépend des régions.
En règle générale, on peut dire que plus l'identité nationale est faible, plus l'islam
est fondamentaliste. Par exemple en Azerbaïdjan, Kazakhstan et Ouzbékistan, ce
sont les mouvements nationalistes qui tiennent le haut du pavé : pour eux l'islam
n'est qu'une des composantes de l'identité nationale. Mais dans les zones à faible
identité nationale, où la population est soit multi-ethnique (Caucase du nord, val
lée de Ferghana en Ouzbékistan), soit minoritaire par rapport à la population «chré
tienne» (Tatars de la Volga, Abkhazes de Géorgie), ou bien là où la définition de
ce qu'est l'identité nationale pose problème (Tadjikistan)1, alors le mouvement
fondamentaliste est fort. Les prêches que nous avons pu entendre dans les mos
quées, très incisifs, portent sur le retour à la pratique religieuse, à l'alphabet arabe
mais aussi aux «bonnes mœurs », critiquant l'influence délétère des mœurs russes,
en particulier en ce qui concerne les femmes. Les mollahs demandent que l'ense
ignement religieux soit assuré dans les écoles et que l'Etat assure la production
de nourriture «hallâl»; ils demandent la reconnaissance officielle des fêtes
musulmanes2 et le passage du dimanche au vendredi comme jour hebdomadaire
férié. Les mollahs luttent aussi contre les traditions jugées non islamiques : dépenses
somptuaires pour les fêtes marquant les rites de passage, mixité entre hommes
et femmes, consommation d'alcool. Ils s'efforcent parfois de pallier l'absence de
l'Etat et de resocialiser, autour des mosquées, une population déstructurée par
la crise de l'économie et des institutions soviétiques. En fait, sous couvert d'un
retour de l'islam, il s'agit bien d'une demande d'islamisation de la société. Lors
RE.M.MM. 59-60, 1991/1-2 134 / O. Roy
URGUT, UZBEKISTAN
Vente d'ouvrages islamiques sur le marché (Photo O. Roy, 1991)
des émeutes de Douchambé de février 1990, les seules à ne pas avoir eu de dimens
ion ethnique, les manifestants ont agressé les femmes russes aussi bien que tâd-
jiks qui n'étaient pas assez couvertes.
Le triomphe de l'islam parallèle et fondamentaliste
Quels sont les acteurs de l'islam soviétique? On trouve d'une part un «clergé
officiel », épuré, rénové et qui tente de préserver sa légitimité en traitant direct
ement avec les puissances islamiques, comme l'Arabie Saoudite et l'Iran, et un clergé
parallèle, qui apparaît aujourd'hui au grand jour. L'histoire de ces deux clergés
a été faite par Alexandre Bennigsen et Chantai Lemercier-Quelquejay (1968 et 1986).
Le clergé officiel, créé par Staline en 1941, repose sur quatre «muftiyya», ou
directions spirituelles, établis sur quatre zones géographiques et qui avaient le monop
ole de la gestion des quelques mosquées et madrasa encore ouvertes. Après l'émer
gence au grand jour de l'islam parallèle (autour de 1989), ce clergé éprouve quel
ques difficultés à se trouver une nouvelle légitimité. A Tachkent, le Mufti Baba-
khanov a été évincé en 1989 sous pression de la base, au profit de Mamayoussou-
pof (qui sur ses cartes de visite en arabe se désigne comme «Mohammad Yous-
souf»), mollah officiel éduqué en Libye, parfait arabophone : mais ce dernier est
à son tour victime d'une contestation de la part de mollahs « wahhabis » (c'est-à-
dire fondamentalistes) venus du Ferghana. Parallèlement, les religieux officiels du
Tadjikistan (dirigés par le « Qazi kalan», Akbar Turanjânzade), et du Kazakhstan Le renouveau islamique en URSS / 135
(dirigés par Hassanbeg Radbeg), qui dépendaient du muftiyya de Tashkent, veu
lent devenir «autocéphales». Le Mufti de Tashkent est donc condamné à une grande
prudence pour manœuvrer entre le Parti local, Moscou (il est député au Soviet
Suprême), les nationalistes ouzbeks, les mollahs radicaux et les milieux fondamenta
listes arabes : l'enjeu est de savoir si les Arabes distribueront directement les
fonds aux mosquées locales ou passeront par le muftiyya. Mais il est peu probable
que le Grand Mufti de Tashkent réussisse à s'imposer comme clé de voûte du
renouveau islamique en Asie centrale. Le Mufti d'Europe et de Sibérie, Talghat
Tâjuddin (dont le siège est à Oufa dans la RSA de Bashkirie et donc inclus dans
la RSF de Russie), semble avoir une position plus solide, confortée par le soutien
actif qu'il reçoit de la Ligue Islamique Mondiale (la Rabita). Cependant le khâtib
de la mosquée de Moscou prétend devenir autonome par rapport au mufti d'Europe.
Le Mufti chi'ite de Bakou, le Cheykh ul-Islam Pashazade, n'est pas menacé par
une contestation fondamentaliste3.
C'est au Caucase du nord, ou le quatrième Mufti, celui de Marachkala, Dakaev,
aurait été destitué par la population, que la contestation du clergé officiel est la
plus forte : en juin 1991 des émeutes ont éclaté contre les tarifs trop élevés pour
le pèlerinage de la Mecque. Le muftiyya du Caucase du nord aurait éclaté en 1991
en cinq entités, correspondant aux divisions administratives et politiques (quatre
républiques autonomes et une région autonome, toutes inclues dans la république
de Russie). On ne distingue donc nulle tendance vers la création d'un grand muft
iyya d'URSS. Au contraire l'islam officiel s'adapte aux divisions politiques de
l'URSS d'aujourd'hui, faisant éclater le carcan des quatre muftiyya créés par Staline.
MAZAR-Î SHARIF, TADJIKISTAN
Mosquée «panjvaghti» (non-officielle).
Toutes les mosquées non officielles sont faites sur le même plan.
(Photo O. Roy, 1991) 136 / O. Roy
L'islam officiel, dont les cadres ont été renouvelés, n'est plus une courroie de
transmission des autorités et du KGB. Un compromis délicat s'instaure entre ces
pouvoirs : l'islam officiel obtient non plus le monopole de la pratique religieuse,
ce qui est impossible, mais d'être traité comme partenaire par les autorités; il s'efforce
d'obtenir le maximum de mesures d'islamisation sans intervenir sur le plan polit
ique; il veille à récupérer, et donc à contrôler, les mollahs parallèles, ainsi officiali
sés. Sur le long terme, le clergé officiel s'efforce de mettre en place un enseigne
ment religieux de qualité (par la création de madrasa moyennes et d'universités
islamiques) pour former les mollahs. L'Université islamique de Douchambé, con
trôlée par le Grand Qazi, doit ouvrir à l'automne 1991, autour d'une grande mos
quée de plusieurs milliers de mètres carrés, faite sur le modèle iranien, ainsi qu'une
madrasa «moyenne» à Khojent et à Douchambé (Yaqoub Tcharkhi). Le clergé
officiel parraine les grandes mosquées, dites au Tadjikistan masjid-i jâma', où le
clergé, pourvu d'un diplôme est salarié et nommé par le mufti (il y en a une cen
taine au Tadjikistan actuel). Par contre il n'oppose aucun obstacle à l'ouverture
des petites mosquées de quartiers et de villages, dites «panjvaghti» («des cinq
moments», c'est-à-dire faite pour la prière mais pas pour l'enseignement), dont
le nombre au Tadjikistan serait supérieur à 2 0004. Il faudra des années au clergé
officiel pour nommer des mollahs dans toutes les mosquées : il n'y a en 1990 que
142 étudiants en première année aux madrasa de Tashkent et Boukhara (dont 30
tâdjiks), qui fournissent les mollahs de toute l'Asie centrale. On envoie également
des étudiants à l'étranger : 15 Tâdjiks sont au Pakistan, e

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