Les Atlas linguistiques de la France par régions - article ; n°1 ; vol.18, pg 65-90
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Description

Langue française - Année 1973 - Volume 18 - Numéro 1 - Pages 65-90
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 53
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean Seguy
Les Atlas linguistiques de la France par régions
In: Langue française. N°18, 1973. pp. 65-90.
Citer ce document / Cite this document :
Seguy Jean. Les Atlas linguistiques de la France par régions. In: Langue française. N°18, 1973. pp. 65-90.
doi : 10.3406/lfr.1973.5631
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1973_num_18_1_5631Jean Séguy, Université de Toulouse IL
LES ATLAS LINGUISTIQUES
DE LA FRANGE PAR RÉGIONS
I. Qu'est-ce qu'un dialecte?
Langue-Dialecte-Patois : ainsi est intitulé le chapitre que J. Fourquet
a écrit dans Le Langage (p. 571 suiv.), l'une des excellentes sommes
scientifiques — celle-ci publiée sous la direction d'A. Martinet — de
Г Encyclopédie de la Pléiade (Paris, Gallimard, 1968, 1525 p.). Tout sim
plement, citons ces pages vraies et lumineuses. « La langue : on va dans
un autre pays et on trouve que les hommes communiquent entre eux à
l'aide de mots et de phrases que le visiteur ne comprend pas; aux choses
correspondent d'autres noms... » Le dialecte, « c'est l'expérience de diver
sités à l'intérieur de ce qu'on considère comme une même langue, parce
que les dénominations de choses, sans être identiques, ont des ressem
blances évidentes, et que, de façon générale, les différences observées
ne sont pas telles qu'elles empêchent la compréhension. On remarque
que la servante venue de son village dit moue pour " moi ", ou il ot pour
'" il est ". En France, on dit qu'elle parle patois : ici se mêle, à l'idée d'un
groupe d'hommes qui ont leurs habitudes propres, en ce qui concerne la
parole, celle qu'ils sont nés lourdauds et qu'ils n'ont pas reçu d'éducation
— réaction naïve (bien connue) de la part d'un groupe placé devant un
comportement différent du sien... L'allemand Mundart suggère que cha
cun parle comme il a la bouche faite (wie ihm der Schnabel gewachsen ist),
et aurait tort de changer sa nature; il s'y mêle, sous l'influence du romant
isme, une nuance de respect pour ce qui est de nature originale, non
sophistiquée... La place des parlers dialectaux apparaît, contrairement
à une erreur tenace, comme le plan de base... : c'est du plan dialectal que
proviennent les éléments dont sont formées les langues communes telles
que l'anglais [jadis dialecte londonien], le français [jadis dialecte de l'Ile-
de-France]... », l'espagnol, jadis dialecte de la Vieille Castille. On ne saurait
mieux définir, ni chasser plus radicalement les connotations déplorables
des mots dialecte et patois (voir aussi, plus loin, l'article de L. Warnant).
Nous nous permettrons seulement de joindre quelques réflexions.
65
LANGUE FRANÇAISE П0 18 5 les dialectes existent, c'est qu'ils ont une ou plusieurs fonctions. Si
Il nous paraît que la fonction du dialecte est double : assurer la communic
ation entre communautés voisines et, contradictoirement, permettre
aux collectivités de se démarquer x. Peu importe que ces fonctions aient
créé l'organe ou que le morcellement dialectal soit dû à d'autres facteurs
(dispersion de la population, obstacles naturels, divisions historiques, etc.) :
c'est là un problème téléologique hors de notre champ de vision. La double
fonction explique la décadence actuelle du fait dialectal. Pour ce qui est de
la communication, la langue véhiculaire fait aussi bien l'affaire, et même
mieux. D'autre part, le démarquage est effacé par l'évolution de l'h
umanité contemporaine, qui va partout à l'uniforme. Ce que ne contredit
nullement la reviviscence des langues minoritaires tombées à l'état de
patois : elles se raniment un peu partout, mais les écrivains qui en usent
ou les jeunes qui y retournent fuient, dans la mesure du possible, les dia-
lectalismes. Il en va ainsi de l'occitan qui, après des siècles d'émiettement,
tend à retrouver, du moins au niveau littéraire, l'étonnante unité qu'il
présentait dans ses premiers monuments. Donc, si on considère le dialecte
comme un fait digne d'étude, question qui sera envisagée plus loin, c'est
le moment ou jamais de prendre une empreinte aussi fidèle et aussi
complète que possible des parlers. Rien n'est plus désolant, pour un lin
guiste, que de savoir qu'une forme du langage, connue en période his
torique, a disparu sans laisser de traces, ou que de disposer seulement
de quelques débris à partir desquels il est rarement possible de reconsti
tuer le tout.
II. Qu'est-ce qu'un atlas linguistique?
L'idée de représenter les faits dialectaux sous forme de cartes géo
graphiques n'est pas neuve, car elle s'impose. Elle date du début du
xixe siècle, quand on commença à s'intéresser aux patois, ou, générale
ment parlant, quand on à faire de la linguistique sérieuse et
scientifique, en suivant les méthodes d'observation et de collection.
Quelques tentatives plus ou moins adroites et très partielles — elles ne
visaient que des faits phonétiques — furent faites en Allemagne. Mais
c'est au génie du Suisse Jules Gilliéron, géologue de son métier, qu'on
1. A. Martinet, dans « Dialect » (in Romance philology, Berkeley -Los Angeles,
VIII-1, 1954), a formulé une remarque semblable (p. 10-11) : « Les linguistes doivent
dorénavant se montrer pleinement conscients de ce fait que la divergence est seul
ement la moitié du tableau complet [de l'évolution linguistique], l'autre moitié étant
la convergence. » De plus, dans Éléments de linguistique générale (Paris, A. Colin, 1961,
p. 160), à propos des dialectes : « ...aussi note-t-on aujourd'hui plutôt convergence
que divergence » [par suite du raccourcissement des distances]. Mais nous pensons
que, s'agissant de dialectes contigus, la convergence l'a toujours emporté sur la
divergence : si le coefficient de divergence devient trop fort, et par là gêne la communic
ation entre collectivités voisines, les patois meurent, comme l'a fort bien [observé
A. Martinet en Savoie.
66 doit la conception et la réalisation du premier atlas linguistique digne
du titre : l'Atlas linguistique de la France (Paris, 1902-1910) [= ALF].
Avant tout se posait un problème de décision : que faire et comment?
L'idéal aurait été de recueillir la totalité de chaque dialecte à chaque
commune de France prise comme unité géographique. Cette ambition
chimérique ne fut même pas envisagée. Restait néanmoins un dilemme :
ou bien passer dans toutes les communes, et alors il fallait limiter très
strictement le nombre de faits à relever et solliciter l'aide de correspon
dants locaux (c'est cette solution qui avait été adoptée en Allemagne
quelques années plus tôt); ou bien il fallait restreindre le nombre des
communes à un réseau de points de sondage répartis au mieux. Cette
recherche par échantillons avait l'inconvénient certain de négliger les
unités dialectales qui passeraient entre les mailles, mais elle permettait
de multiplier le nombre des faits — sans prétendre évidemment à un
relevé exhaustif — et aussi de confier l'exploration à un spécialiste.
Edmond Edmont, un dialectologue picard, de Saint-Pol, avait fait la
preuve de ses qualités d'observateur et de la finesse de son ouïe. Gil-
liéron établit un questionnaire de 1 400 articles, sélectionnés selon des
critères divers, et Edmont, de 1897 à 1901, visita 639 localités du domaine
gallo-roman; à chaque point du réseau, il cherchait un informateur qui
eût le loisir, la bonne grâce et la compétence de traduire dans son verna-
culaire les mots français qu'on lui soumettait. Nous disons bien le domaine
gallo-roman : Edmont enquêta non seulement sur tout le territoire de la
France (Roussillon et Corse compris, encore que ces deux régions appar
tiennent à d'autres groupes que le gallo-roman), mais aussi sur le versant
italien des Alpes, en Suisse romande, dans la Belgique wallonne et picarde
et dans les îles anglo-normandes. Puis Gilliéron, dépouillant les cahiers
d'EDMONT sans y apporter la moindre retouche, dressa les cartes corre
spondant aux articles du questionnaire : il écrivait la forme recueillie à
l'emplacement du point géographique (ces points sont figurés par un code
numérique). Les frais des enquêtes et ceux de la

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