Les dispositions islamiques du droit public maghrébin - article ; n°1 ; vol.1, pg 51-80
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Description

Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1966 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 51-80
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Bruno Etienne
Les dispositions islamiques du droit public maghrébin
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°1, 1966. pp. 51-80.
Citer ce document / Cite this document :
Etienne Bruno. Les dispositions islamiques du droit public maghrébin. In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée,
N°1, 1966. pp. 51-80.
doi : 10.3406/remmm.1966.911
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1966_num_1_1_911>
LES DISPOSITIONS ISLAMIQUES
DU DROIT PUBLIC MAGHREBIN
L'Islam ne connaît pas de clergé à proprement parler. Dans les
pays du Maghreb il n'en existe donc pas. Il y a cependant une autorité
religieuse (parfois officialisée comme le grand mufti de la Képu-
blique tunisienne) l dont le rôle n'est pas négligeable. De toutes fa
çons il n'est pas prouvé que la théocratie implique l'existence d'un
clergé. La théocratie peut se concevoir de deux manières :
— attribuer l'origine et le fondement du pouvoir à la divinité :
on ne peut nier que l'Islam ait toujours été une théocratie ;
— attribuer l'appartenance du pouvoir à un représentant direct
de la divinité : il faut alors constater que cette forme de théocratie
n'a existé dans l'Islam qu'à l'époque de son fondateur et plus tard
chez les Chiites, mais non chez les Sunnites.
Il faut noter cependant que les rois de Libye — d'origine rel
igieuse : la confrérie des Senoussi — et du Maroc, se considèrent com
me les héritiers de cette forme, en particulier au Maroc où la famille
alaouite régnante descend du Prophète.
La force de la communauté islamique, de la fUmma, réside dans sa
personnalité, dans les traits qui sont communs à tous les Musulmans,
quelle que soit leur patrie. L'occident colonisateur s'est aperçu que
le Musulman ne se soumettait à son emprise matérielle et spirituelle
qu'en « perdant son âme ». Ainsi le principal obstacle à l'intégration
des Musulmans algériens était l'abandon du statut coranique. Le
colonisateur n'a pas compris que la soumission à une autorité non
musulmane n'était que provisoire. Il est dit pourtant : « O vous
qui croyez ! ne prenez point les Infidèles comme patrons, à l'ex
clusion des Croyants ! Voudriez-vous qu'ils donnent à Allah une
probation (sultan) évidente contre vous ? » 2.
1. Le mufti est celui qui rend la fatwa. L'ensemble de ces consultations
correspond à notre jurisprudence et sert de précédent dans les affaires simi
laires.
2. Coran, sourate an-Nisà (Les Femmes), verset 144, Blachère, III, p. 962. 52 BRUNO ETIENNE
Par application de la théorie de la nécessité (daruriya) les Mu
sulmans du Maghreb ont accepté comme régulière une autorité non
musulmane. Mais cent fois dans l'histoire de l'Algérie, les Musulmans
se répètent ce dicton : « garde le mîm, le mîm te gardera » et ce que
les Hàchem disaient à Bugeaud en 1841 : « cette terre est le pays
des Arabes, vous n'y êtes que des hôtes passagers. Y resteriez- vous
trois cents ans comme les Turcs, il faudra que vous en sortiez » 8.
Il semble incontestable que l'Islam a joué un rôle essentiel dans
la préparation de l'Indépendance des pays du Maghreb. Le Congrès
Eucharistique de Carthage fut une erreur psychologique que la Tu
nisie reprochera longtemps au colonisateur, volontiers confondu avec
le destructeur de la religion musulmane. En Algérie l'abandon du
statut coranique a été considéré comme une reniement par les Musul
mans. On appelait les « naturalisés » des rrCtournk Enfin, il faut
rappeler que le Sultan du Maroc était un chef religieux et que le
yalatif (invocation des temps de péril) fut proclamé au moment du
dahir berbère.
En Algérie, comme en Tunisie 4, l'Islam était présent à l'origine
de la rébellion algérienne. Les Oulémas posèrent les fondements du
nationalisme avant les Marxistes 5. Le Cheikh Ben Badis, pour ne par
ler que du plus connu parmi les membres de l'Association, a toujours
soutenu ce qui était la première leçon dans les medersas : « L'Islam
est ma religion, l'arabe ma langue, l'Algérie ma Patrie ». Le Cheikh
Ben Badis, répondant à Ferhat Abbas, écrivait :
< Nous avons cherché, nous aussi, dans l'histoire et dans le présent
et nous avons constaté que la nation algérienne musulmane s'est formée
et existe, comme se sont formées toutes les nations de la terre. Cette na
tion a son histoire, illustrée des plus hauts faits; elle a son unité religieuse
et linguistique» sa culture, ses traditions. Nous disons ensuite que cette
nation algérienne musulmane n'est pas la France, ne peut être la France
et ne veut pas être la France »8 et d'ailleurs :
« Le peuple musulman algérien n'est pas la France, il ne peut pas
être la France, il ne veut pas l'être et, même s'il le voulait, il ne pourrait
pas, car c'est un peuple très éloigné de la France par sa langue, ses
mœurs, son origine et sa religion. Il ne veut pas s'assimiler. *
3. Ageron, Histoire de l'Algérie Contemporaine, p. 116.
4. En Tunisie c'est le cheikh Ta'albi qui est pratiquement à l'origine des
mouvements nationalistes déjà avant 1914 et surtout après la première guerre
mondiale.
5. Encore que ce fut l'Etoile nord africaine qui fut la première à réclamer
l'Indépendance.
6. Cité par Le Tourneau, Evolution de l'Afrique du Nord musulmane.
p. 139. DISPOSITIONS ISLAMIQUES DU DROIT PUBLIC MAGHRÉBIN 53
Les rebelles, que la France appelait des fellaga, s'appelaient
Moujahidin, les combattants de la guerre sainte. ■ II est superflu
de rappeler que les égorgements et autres mutilations, qui traduisent
certes une férocité condamnable, sont aussi des gestes rituels tradi
tionnels chez les peuples sémitiques.
Dès le 1er novembre 1954, le F.L.N., qui proclamait que « Dieu est
avec les combattants pour les causes justes », réclamait : « la res
tauration de l'Etat algérien souverain démocratique et social dans le
cadre des principes islamiques » T.
Il faut avouer que ce rappel est faible comparé à ceux lancés par
Messali Hadj depuis vingt ans. Mais il existe. Des consignes ont été
données à la population civile comme aux combattants pour qu'ils
s'abstiennent d'user de tabac et surtout d'alcool 8. Les fêtes, surtout
l'Aïd, furent mieux respectées pour marquer la spécificité de l'Al
gérie. Pendant la guerre être musulman c'était s'affirmer algérien
et réciproquement être algérien c'était s'affirmer musulman.
On vit même certains étudiants européanisés se mettre à porter
la chéchia et ne pas consommer de porc dans les cités universitaires.
L'U.G.E.M.A. a choisi d'être musulmane. Tawfiq al-Madani fait part
ie du G.P.R.A. Cependant les dirigeants de la rébellion s'affichaient
volontiers laïcs. Mais de ceux-ci combien jouent encore un rôle en
Algérie ?
L'U.G.E.M.A. a affirmé « son attachement à la culture arabo-
islamique sans laquelle l'intellectuel se sent déraciné et coupé de
son peuple ». Toutefois, les dirigeants de la Révolution algérienne
ont toujours souligné avec force que l'attachement à cette culture
n'impliquait pas le rejet intolérant de toute autre culture, et qu'il
prouve seulement une volonté d'exister pour coexister :
« ... Le peuple algérien est à la fois le plus nationaliste et le plus
ouvert qui soit, le plus fidèle à l'Islam et le plus accueillant pour les
valeurs extra-islamiques. Des peuples musulmans, il est un des plus atta
chés à la fois musulmane et des plus pénétrés de l'esprit de l'Occident
moderne. » (El Moudjahid, 15/11/1957.)
Pour réagir contre la « dénaturation » du colonialisme, l'Islam
moderne essaye de retrouver non pas sa pureté originelle, mais une
forme dégagée de toutes les excroissances telle que le maraboutisme.
Cette introspection à la recherche de la spécificité Çasala) doit per-
7. Le Tourneau, p. 386-387, plateforme du C.R.U.A.
8. Fontaine (Cl.), « Quelques réflexions à propos de la consommation des
boissons alcoolisées en Afrique du Nord », Revue de p

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