Les incertitudes du mot graphique au XVIIIe siècle - article ; n°1 ; vol.119, pg 105-124
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Description

Langue française - Année 1998 - Volume 119 - Numéro 1 - Pages 105-124
J.-C. PELLAT : « The Written Word in 17th Century Manuscripts and Printed Books » In the 17th Century, the handwritten manuscripts of classical authors present a large number of idiosyncrasies and archaic uses (joined forms, few external markers of word-boundaries). In contrast, the printed works of the same authors between 1630 and 1710 display remarkably homogeneous uses as far as the written representation of word-units is concerned (use of spaces, apostrophes, hyphens), which in turn differ in certain respects from our contemporary usage.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 14
Langue Français
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Extrait

J.-P. Seguin
Les incertitudes du mot graphique au XVIIIe siècle
In: Langue française. N°119, 1998. pp. 105-124.
Abstract
J.-P. Seguin : « Variations in Written Word Forms in the 18th Century »
In the 18th Century, awareness of the written word appears to be fixed. However, this awareness is not related to contemporary
theoretical definitions of the word, such as can be found in the works of Restaud, Buffier, Girard, Beauzée or Féraud. On the
other hand, the actual segmentation of texts into words, as practised by some grammarians, or by a writer like the self-taught
window-glass maker Menetra, may show elements of an unconscious system. We find, for instance, that some authors tend to
join the definite article, or the preposition en to the following words in writing, as well as using joined forms such as delà.
Moreover, some grammarians systematically use joined forms such as parconséquent, àmoins, parce que, and so on.
Citer ce document / Cite this document :
Seguin J.-P. Les incertitudes du mot graphique au XVIIIe siècle. In: Langue française. N°119, 1998. pp. 105-124.
doi : 10.3406/lfr.1998.6262
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1998_num_119_1_6262Jean-Pierre SEGUIN
Université de Poitiers
LES INCERTITUDES DU MOT GRAPHIQUE AU XVIIIe SIECLE
Quand arrive le XVIIIe siècle, on a peine à croire qu'il faille s'interroger sur
la délimitation de mots que grammaires et dictionnaires depuis si longtemps
décrivent tels que nous les connaissons. Pourtant il y a des variations importantes
dans la pratique réelle.
On peut les traiter comme des cacographies, et je l'ai fait moi-même, en
relevant les fautes d'orthographe de Madame Jodin ], chez qui la maîtrise de
l'apostrophe n'existe pas, et chez qui les frontières de mots sont hésitantes : tu
manvera, il n'y a queux, en natandan ; ou de Madame Diderot : an nanvoier,
man navoiez, leplutaux qu'il vous cera possible. Mais la pratique des manuscrits
permet difficilement de conclure. Un simple coup d'oeil 2 fait apparaître que la
variation individuelle des pleins et déliés, ou de la plume levée et abaissée,
suffirait à expliquer ce qui différencie la calligraphie méticuleuse d'un Rousseau,
d'une chevauchée de mots graphiques mal distingués sous la plume, jusqu'à
l'apostrophe oubliée, dans les lettres de Voltaire. Une telle pratique, qui va dans
le sens de l'agglutination, n'établit rien de systématique, et semble confirmer
ainsi les règles d'un usage déjà fixé définitivement.
Pourtant il n'y a pas de « fautes » sans révélation, et certains de ces
flottements laissent penser que le « principe » du découpage des mots n'est pas en
tout point stabilisé ; et là le sentiment des grammairiens n'est pas unanime. Aussi
pour illustrer les désarrois inavoués du découpage graphique des mots, je me
concentrerai sur deux exemples extrêmes : un grammairien, l'abbé Girard, qui
revendique de spectaculaires agglutinations, et un « marginal » de l'écriture, le
vitrier Menetra, qui tend à enfermer dans un mot graphique des éléments
conjoints, articles ou cli tiques. La conscience de la séparation des mots est encore
en partie incertaine ; le compromis pratique largement stabilisé dans ses grandes
lignes cache une inquiétude qui demeure, et dont il nous reste quelque chose : qui
de nous dans un moment de fatigue ne s'est pas surpris à hésiter sur la graphie de
quelquefois et de quelque chose ? Pourquoi lit-on si souvent la variante y a-ťil ?
1. J'ai cité dans La Langue française au XVIIIe siècle, Bordas, 1972, deux courts passages
relevés dans l'édition de la Correspondance de Diderot par G. Roth, éd. de Minuit, 1959, tome V,
p. 105. Les séquences citées ici en sont issues.
2. On peut accéder facilement à des fac-similés, par exemple dans Les plus belles lettres
manuscrites de la langue française, Bibliothèque nationale / Robert Laffont, 1992.
105 PREMIERE PARTIE : AGGLUTINATION ET CONSCIENCE
DES MOTS CHEZ LES GRAMMAIRIENS
S'il existe, dans la deuxième moitié du siècle, un érudit soucieux d'exactitude
linguistique et de conformité aux bons usages, c'est bien Radonvilliers, auteur de
De la Manière d'apprendre les langues 3. Or dès sa préface on trouve des par-là
(p.viij), de-là, (x), aussi-tôt (xiij) 4 parceque (xix). \] suffira ensuite de feuilleter,
pour trouver d'autres delà (p. 8), sur-tout (p. 175), d'autres parceque (p. 18),
des ensorte que, qui ne lui sont pas particuliers 5 (p. 87 ou p. 101), ou un le plutôt
qu'il est possible (p. 227) que nous lirions, à tort, comme un flottement dans la
conscience de l'identité des mots 6 etc. Ce sondage suffit à montrer que la
segmentation en mots n'est pas, dans la seconde moitié du dix-huitième siècle,
totalement « moderne », alors que l'absence d'une « bonne » segmentation fait
explicitement partie de la cacographie :
Par exemple, supposons qu'une gouvernante dicte à son élève, Abrégé de
l'histoire de France ; l'élève écrira peut-être, Abrejai de listoir de France
(p. 251).
11 vaut donc la peine d'examiner ce qu'ont pu être la segmentation et la
conscience du mot graphique chez quelques « spécialistes » de la langue fran
çaise. Je me limiterai à Restaut, qui représente la conformité sans théorie ni
discussion, à Girard, qui agglutine, à Beauzée, qui sur le tard désagglutine, sans
oublier la position d'observateur de Féraud.
Restaut
L'idée que Restaut se fait du mot, sans expliciter lui-même les règles de
découpage qui en découleraient, est conforme à une conception raisonnable qui
nous régit encore. On peut dégager de ses Principes généraux et raisonnes de la
Grammaire françoise 7 trois enseignements :
1 . Ses segmentations sont totalement « modernes ». On ne s'y arrêtera pas.
2. 11 n'a pas l'exigence classificatrice qu'auront Girard ou Beauzée, et se
préoccupe peu de la différence entre mot et locution. Après avoir dit des conjonct
ions, « ce sont des mots » (ch. X, p. 361), il en reconnaît tant qu'on veut de
« composées qui se forment de plusieurs mots, comme afin que, à condition que,
si ce n'est que » (p. 362). S'il découpe ses mots nous, c'est sans savoir
pourquoi.
3. Paris, Saillant, 1768.
4. On laissera de côté le trait d'union, qui exigerait une étude distincte. Pour Girard (v.
infra), il a tendance à le privilégier : bel-esprit, I, 331, quotte-part, I, 352 et 353.
5. I\ous retrouverons cette agglutination chez l'abbé Féraud.
6. C'est évidemment rétrospectif : c'est parce que nous avons isolé définitivement le mot tôt
que nous croyons qu'il faut avoir conscience de son autonomie.
7. Le texte consulté est celui de la 4° édition, Paris, Le Gras et al., 1741.
106 3. Si l'on remonte à ses définitions du mot, elles sont logiques (comme chez
ses maîtres de Port-Royal ou chez Buffier), ou purement matérielles, mais ne
conduisent à aucune vraie théorie de l'entité-mot :
D. De quoi se sert-on pour exprimer ses pensées par le moyen de la voix ?
R. On se sert de sons articulés que l'on appelle mots ou paroles.
D. Comment peut-on considérer les mots ?
R. On peut les considérer ou simplement comme des sons, ou comme des
signes qui servent à faire connoître nos pensées, c'est-à-dire ce qui se passe
dans notre esprit (p. 3).
D. Quel nom donnez-vous aux mots considérés de cette manière ?
R. On les appelle parties du discours, ou quelquefois parties de l'oraison...
D. Qu'entendez-vous par discours ?
R. J'entends l'assemblage des mots qui expriment nos pensées (p. 27).
Aucun de ces « principes » ne pourrait justifier tel découpage en « mots ».I1
y faudrait l'inquiétude intellectuelle de Girard ou de Beauzée.
Le Premier Discours des vrais principes de Girard 8
ou
les surprises du lecteur moderne
On ne fera d'abord que relever des faits : le texte de Girard étonne plus que
celui de Radonvilliers. La lecture des 40 premières pages des Vrais Principes (le
I. DISCOURS), avec des parceque, des parconséquent, ou des quelquune, conduit
à s'interroger d'abord sur ces mots qui paraissent curieusement agglutinés. On
constate leur totale régularité graphique, à deux exceptions près : un par consé
quent et un d'autant ont 

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