Les minorités religieuses dans le royaume de Grenade (1232-1492) - article ; n°1 ; vol.63, pg 51-61
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Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1992 - Volume 63 - Numéro 1 - Pages 51-61
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 22
Langue Français
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Extrait

Rachel Arié
Les minorités religieuses dans le royaume de Grenade (1232-
1492)
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°63-64, 1992. pp. 51-61.
Citer ce document / Cite this document :
Arié Rachel. Les minorités religieuses dans le royaume de Grenade (1232-1492). In: Revue du monde musulman et de la
Méditerranée, N°63-64, 1992. pp. 51-61.
doi : 10.3406/remmm.1992.1538
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1992_num_63_1_1538Rachel Arié
LES MINORITES RELIGIEUSES
DANS LE ROYAUME DE GRENADE
(1232-1492)
Dans le premier tiers du XIIIe siècle, alors que périclitait la puissance almohade, les musulmans
se maintinrent dans le Sud-Est de l'Espagne où avait pris pied dès 1232 la petite dynastie arabe des
Nasrides. En 1237, Grenade devint la capitale de ce royaume qui englobait les provinces actuelles
de Grenade, de Malaga et d'Almeria. Retranchés dans leur ceinture montagneuse, les sultans de
Grenade réussirent à freiner la Reconquista jusqu'aux dernières décennies du XVe siècle. L'émirat
nasride allait succomber en 1492 sous les coups des Rois Catholiques1.
Dans le royaume de Grenade vivait une population composite formée de descendants d'Arabes
syriens, de Berbères, d'Espagnols convertis à l'Islam, de mozarabes ou chrétiens arabisés et de juifs.
Dans ce creuset ethnique vinrent se fondre des réfugiés musulmans en provenance des régions
reconquises par les chrétiens et des apports nord-africains à la fin du xme siècle et au XIVe siècle.
Notre propos se limitera à l'étude des non-musulmans, chrétiens et juifs, minoritaires dans l'émi
rat nasride. A ces Gens du Livre, l'Islam accordait sa protection ; astreints à certains interdits ves
timentaires, ils étaient soumis à des obligations fiscales2.
1 . Les chrétiens
Le sort des du royaume de Grenade a fait couler beaucoup d'encre. Leur existence a sus
cité des controverses entre érudits. Dans les dernières années du XIXe siècle, Francisco Javier Simonet,
animé par des préoccupations d'ordre idéologique, soutenait qu'il y eut dans l'émirat nasride tout
au long de son existence des Mozarabes (de l'arabe mustacrib, "arabisé")3. Il se fondait sur une
chronique du XVIIe siècle, la Historia eclesiâstica de Granada de Francisco Bermûdez de Pedraza,
RE.M.M.M. 63-64, 1992/1-2 Rachel Arié 52/
rédigée au XVIF siècle pour des raisons apologétiques. L'arabisant malaguène allait jusqu'à délimi
ter le quartier où auraient vécu les Mozarabes à Grenade : un vaste emplacement qui s'étendait
entre le Campo del Principe et le Faubourg du Maurôr jusqu'aux Tours Vermeilles. En 1949, Isidro
de las Cagigas affirmait sans donner aucune référence historique à l'appui de ses dires que les
Mozarabes de Grenade avaient cessé d'exister en tant que communauté au milieu du xme siècle. Face
à ces deux positions diamétralement opposées, il convient de se reporter à une source musulmane
digne de foi. Le célèbre vizir et polygraphe nasride du XIVe siècle, Ibn al-Hatib - reprenant le récit
d'un chroniqueur andalou du xne siècle, Ibn al-Sayrafî dont le texte ne nous est parvenu que par frag
ments - relate dans son histoire de Grenade qu'il ne restait plus en Andalousie, à la suite des persé
cutions almohades, qu'un très petit nombre de chrétiens s'adonnant au travail de la terre4. Il est
permis de voir les descendants de ces quelques Mozarabes andalous parmi les infidèles (kuffâr)
qui, au début du XIVe siècle, payaient la capitation {giiya) à laquelle étaient contraints les Gens du
Livre en terre d'Islam. Ibn al-Hatib ajoute que ce tribut fut affecté à la constitution en biens de
mainmorte des bains proches de la Grande Mosquée de l'Alhambra5. La toponymie nous apporte
quelques éclaircissements. Parmi les cantons de la Vega de Grenade, Ibn al-Hatib mentionne al
Kanà'is, ce qui laisse supposer qu'il y aurait eu des églises en ce lieu aux siècles précédents. Juan
Martinez Ruiz a démontré il y a quelques années que la religion chrétienne avait laissé des traces
dans la toponymie médiévale grenadine ; ainsi on trouve les toponymes Monachil (du latin monas-
terium), Aldeyr (le couvent chrétien : en arabe dayr) (1987 : 54-56). Dans l'état actuel de nos
connaissances, nous ignorons si les chrétiens du royaume de Grenade portaient une écharpe-cein-
ture qui distinguait leurs coreligionnaires des musulmans au Maroc et en Egypte durant le XIVe
siècle.
Quelques éléments chrétiens se réfugièrent au XIIIe siècle à Grenade. En désaccord avec le roi
de Castille Alphonse X, les Infants Don Felipe, Juan Nunez, Nuno Gonzalez et Alvar Diaz cher
chèrent asile à la cour de l'Alhambra et participèrent efficacement à la lutte que le sultan Muhammad
II livra aux rebelles Banû Asqilûla pour la reconquête d'Antequera en juillet 12726. Deux nobles
majorquins, Mosen Bernât Tagamanent et Père Johan Alberti furent autorisés par l'émir nasride en
1458 à se battre en duel à Grenade ; on aménagea une lice à cet effet7.
Tout aussi épisodique fut la présence à Grenade de missionnaires dès le xnp siècle. Un Mozarabe
originaire de Valence, où il était né en 1227, l'évêque de Jaén, Pedro Pascual, tenta de prêcher à
Arjona en 1297. Capturé par les sujets du sultan nasride et conduit à Grenade où il s'employa à sou
lager les souffrances de ses compagnons de captivité, il fut décapité par les musulmans en 1300
(Simonet : 789). Dario Cabanelas a relaté le martyrologe de deux Franciscains, Fray Juan de Cetina
et Fray Pedro de Duenas, originaires de l'évêché de Palencia, qui se rendirent à Grenade en 1397
afin d'y prêcher le christianisme dans les rues de la ville. Ils furent emprisonnés puis mis à mort
sur ordre du sultan Muhammad VII (D. Cabanelas, 1985-1986 : 159-175). En 1445, un Franciscain
hétérodoxe de Zamora, Fray Alfonso de Mella se rendit à Grenade pour des raisons personnelles.
Entre 1442 et 1445 avait éclaté à Durango dans les Monts de Biscaye une hérésie à laquelle il prit
part. Pourchassés par la justice royale, Mella et les autres religieux de son ordre qui avaient subi
son influence se réfugièrent à Grenade. De cette terre musulmane le Franciscain écrivit au roi de
Castille Jean II pour se justifier à ses yeux (D. Cabanelas, 1950 : 233-247).
La présence chrétienne fut maintenue pendant plus de deux siècles et demi dans le royaume de
Grenade par de nombreux captifs provenant de razzias sur terre ou sur mer ou bien ramenés du champ
de bataille. Au cours de leurs incursions frontalières, les Grenadins capturaient d'humbles pasteurs
et chasseurs, des jardiniers, des muletiers, des terrassiers, des laboureurs surpris dans leurs tâches
quotidiennes. Parfois les captifs étaient victimes d'embuscades. Nous sommes bien renseignés sur Les minorités religieuses dans le royaume de Grenade (1232-1492)/ 53
leur condition matérielle grâce aux récits recueillis de la bouche même des captifs après leur déli
vrance. L'un des plus pittoresques parmi ces récits est celui que rédigea Pero Marin, moine de Santo
Domingo de Silos, dans les dernières années du xme siècle (J. Ma. de Cossio : 49-1 12). Fort utiles
également sont les témoignages des chroniqueurs chrétiens, Fernando del Pulgar et Andrés Bernâldez
qui assistèrent à la Reconquête de l'Andalousie par les Rois Catholiques.
Répartis en majeure partie en milieu urbain : à Grenade, à Ronda, à Malaga, dans les petites local
ités de la Marche de Jaén ou bien dans les campagnes, les captifs étaient astreints à de dures
besognes, mal nourris et souvent fouettés. Ils étaient étroitement surveillés. La nuit, enchaînés, ils
étaient confinés dans des recoins de la maison du maître ; en général on les enfermait, fers aux pieds,
dans des caves très basses qui avaient servi de silos sous le règne du premier Nasride. Le jour n'y
pénétrait que grâce à des ouvertures fort étroites. Les mazmorras (de l'arabe mapnùraf étaient situées
dans des châteaux ou bien dans la partie souterraine des tours d'enceinte : à l' Alhambra dans la Tour
du Guet et la Tour de l'Hommage. Ces caves étaient divisées en cellules où étaient parqués dans
chacune onze, treize, et vingt-six pris

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