Les œillets de mémoire : le 25-Avril dans les récits des migrants portugais en France - article ; n°1 ; vol.80, pg 76-82
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Matériaux pour l'histoire de notre temps - Année 2005 - Volume 80 - Numéro 1 - Pages 76-82
A project for initiation into research in oral history has been set up at the University of Paris-X. Its objective is to locate precise or more general memories of the Revolution of April 1974 and its consequences by recording the life-histories of Portuguese living in France. These interviews have led to the creation of a Wall of Memory” as part of an exhibition on the Carnation Revolution. This combines fragments of lifehistories with headlines from the French and Portuguese press of the period, with popular songs of the time. The effect is to reconstruct the sounds, the voices and the concerns of this past, as they were or as they have become through the filtre of memory. Mário Soares is a guardian figure and cornerstone of this reconstructed past, and has become the dominating character. This is because he put an end to uncertainties regarding the pre-constitutional period and guaranteed liberty for the country in respect of the laws. As well as the repeated declaration of the importance of the Carnation Revolution, immigrant memories also bring to light the bitterness felt by those who feel they are strangers in their own country. This is sometimes expressed as rancour, in particular on the part of draft dodgers who had fled the colonial wars; they now want to see their historic role at the end of the Salazarist regime recognised.
Un projet d’initiation à la recherche en histoire orale «Mémoires migrantes», en cours à l’université de Paris-X, s’est attaché à retrouver, dans les récits de vie recueillis auprès de Portugais résidant en France, les souvenirs précis ou plus diffus de la révolution d’avril 1974 et de ses conséquences. Ces entrevues ont permis la création, dans le cadre d’une exposition sur la révolution des OEillets, d’un «Mur de la mémoire» qui mêlait les fragments de récit aux titres de la presse française et portugaise de l’époque, mais aussi aux chansons que l’on chantait alors, s’efforçant de reconstruire le bruit, les voix et les inquiétudes de ce passé, tels qu’ils étaient et tels qu’ils sont devenus grâce au travail de la mémoire. Figure tutélaire et pierre angulaire de ce passé reconstruit, la figure de Mário Soares s’est imposée comme l’élément dominant. Parce que, d’une part, il a mis fin aux incertitudes de la période pré-constitutionnelle et que, d’autre part, il a assuré au pays la liberté dans le respect des lois. Au-delà de la proclamation réitérée de l’importance de la révolution des OEillets, les mémoires migrantes laissent transparaître aussi l’amertume de ceux qui se sentent étrangers à leur propre pays et parfois la rancoeur, en particulier des réfractaires qui avaient fui les guerres coloniales et qui voudraient voir aujourd’hui reconnu leur rôle historique dans la fin du régime salazariste.
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 42
Langue Français

Extrait

U
n projet d’initiation à la recherche en histoire
orale « Mémoires migrantes » est en cours de réalisa-
tion, depuis quelques années, à l’université de Paris-X,
sous notre orientation. Les étudiants recueillent,
chaque année, le témoignage d’un migrant portugais
établi en France : ils s’y préparent en étudiant l’histoire
de la migration portugaise dans les années 1960 et
1970 principalement, mais aussi les spécificités de la
recherche en histoire orale afin d’apprendre à susciter,
écouter, transcrire et comprendre les récits de vie de
ceux ou «
celles qui n’ont écrit
1
». Au cours des pre-
mières années, le questionnement portait principale-
ment sur la migration elle-même : le départ du
Portugal, légal ou clandestin, l’arrivée en France, les
difficultés de l’adaptation, le travail et la vie dans un
milieu généralement urbain, si différent des régions
rurales d’où la plupart des migrants étaient originaires.
Puis des questionnements plus spécifiques sont appa-
rus sans pour autant que cesse l’intérêt pour la migra-
tion et ses conséquences sur la vie des narrateurs.
En octobre 2003, dans la perspective de la commé-
moration du trentième anniversaire de la révolution des
OEillets, nous avons choisi de privilégier le thème du
souvenir de cet événement. Six nouveaux récits ont
ainsi été recueillis : alors qu’habituellement les étu-
diants choisissaient souvent d’interviewer leur père, leur
mère ou un membre de leur proche famille
2
, la spécifi-
cité du thème les a conduit ici à une tentative de diver-
sification des témoignages recueillis par le choix de per-
sonnes ayant émigré vers la France pour différents
motifs : raisons économiques certes, pour beaucoup,
raisons politiques pour certains militants ou pour échap-
per à la conscription qui, en ces années de guerres colo-
niales, conduisait de jeunes hommes, plus ou moins
politisés, à préférer l’exil à la guerre en Afrique, deve-
nant ainsi des réfractaires ou des déserteurs.
Ces entrevues ont permis de créer, dans le cadre
d’une exposition sur la mémoire du 25 avril 1974
3
, un
« Mur de la mémoire » qui mêlait les souvenirs recueillis
de la bouche des migrants, aux titres de la presse françai-
se et portugaise de l’époque, mais aussi aux vers de
Sophia de Mello Breyner ou aux chansons de José
Afonso
4
, en un effort de reconstruction du bruit, des voix
et des inquiétudes de l’époque, tels qu’ils étaient et tels
qu’ils sont devenus grâce au travail de la mémoire.
Figure tutélaire et pierre angulaire de ce passé
reconstruit, la figure de Mário Soares s’imposa comme
l’élément dominant de ce « mur ». Parce que, d’une
part, il mit fin aux incertitudes de la période initiale et
que, d’autre part, il assura au pays la liberté dans le res-
pect des lois. Au-delà de la proclamation réitérée de
l’importance de la révolution des OEillets, les mémoires
migrantes laissent transparaître aussi l’amertume de
ceux qui se sentent étrangers à leur propre pays et par-
fois la rancoeur, en particulier des réfractaires qui
avaient fui les guerres coloniales et qui auraient sou-
haité voir reconnu aujourd’hui leur rôle historique dans
la fin du régime salazariste.
Les narrateurs
• M
me
A.,
51 ans, en France depuis 1968 — «
Je suis
en France depuis l’âge de 16 ans. Je suis venue en
1968, juste après la révolution française [sic] aussi…
que j’ai pas vécue mais mon papa était là pour le mois
de mai 1968. Moi, je suis venue en novembre, avec ma
1
. Je reprends la formule
d’Anne Roche et de
Marie-Claude Taranger
(
Celles qui n’ont pas
écrit : récits de femmes
dans la région
marseillaise 1914-1945,
Aix-en-Provence, Edisud,
1995) en l’élargissant à
la mémoire des hommes
et des femmes qui,
comme les migrants,
n’ont jamais pensé que
leurs vies étaient dignes
de mémoire et d’écriture.
2
. La plupart des
étudiants de Langues
étrangères « Portugais »
sont descendants de
migrants portugais. Ceux
qui ne comptent pas un
migrant dans leur famille
recherchent souvent leur
interlocuteur dans la
famille de leurs
collègues. Le lien
familial est, en tout état
de cause, très présent.
3
. Qui s’est tenu, en
avril 2004, à l’université
de Paris X-Nanterre,
pendant une semaine,
parallèlement
au colloque.
4
. Dont, bien sûr,
la célèbre
Grândola,
vila morena
qui servit de
signal au déclenchement
du mouvement militaire
dans la nuit du 23 au
24 avril 1974.
Les oeillets
de la mémoire
Idelette MUZART-FONSECA Dos SANTOS
Idelette MUZART-FONSECA DOS SANTOS
est
professeur à l’Université Paris-X Nanterre (EA 369 « Études
romanes »). Spécialiste de littérature et civilisation brésilienne,
ses recherches portent sur les voix et l’écriture de la mémoire
ainsi que sur les formes orales traditionnelles de langue portu-
gaise. Parmi ses ouvrages récents :
Éclats d’Empire
:
du Brésil à
Macao
(avec E. Carreira, Maisonneuve et Larose, 2003),
La
Guerre de Canudos
:
écriture et fabrique de l’histoire
(avec
D. Rolland, L’Harmattan, 2004).
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