Les transformations de Tunupa. Restructurations religieuses dans les Andes méridionales (XVIe-XVIIe siècles) - article ; n°2 ; vol.101, pg 839-873
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Les transformations de Tunupa. Restructurations religieuses dans les Andes méridionales (XVIe-XVIIe siècles) - article ; n°2 ; vol.101, pg 839-873

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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1989 - Volume 101 - Numéro 2 - Pages 839-873
Nathan Wachtel, Les transformations de Tunupa. Restructurations religieuses dans les Andes méridionales (XVIe-XVH siècles), p. 839-873. Les restructurations religieuses qui se développent pendant la période coloniale sont régies par des logiques andines pré-existantes, et s'inscrivent à la suite des restructurations que les dominations aymara, puis inca, avaient successivement imposées à un substrat uru encore plus ancien. On tente ici d'analyser ces processus à travers les diverses versions mythiques relatives aux divinités Viracocha e Tunupa, qui occupent dans la quadrature du dieu créateur deux pôles extrêmes et opposés (l'un étant l'envers de l'autre).
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 7
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Nathan Wachtel
Les transformations de Tunupa. Restructurations religieuses
dans les Andes méridionales (XVIe-XVIIe siècles)
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 101, N°2. 1989. pp. 839-873.
Résumé
Nathan Wachtel, Les transformations de Tunupa. Restructurations religieuses dans les Andes méridionales (XVIe-XVH siècles),
p. 839-873.
Les restructurations religieuses qui se développent pendant la période coloniale sont régies par des logiques andines pré-
existantes, et s'inscrivent à la suite des restructurations que les dominations aymara, puis inca, avaient successivement
imposées à un substrat uru encore plus ancien. On tente ici d'analyser ces processus à travers les diverses versions mythiques
relatives aux divinités Viracocha e Tunupa, qui occupent dans la quadrature du dieu créateur deux pôles extrêmes et opposés
(l'un étant l'envers de l'autre).
Citer ce document / Cite this document :
Wachtel Nathan. Les transformations de Tunupa. Restructurations religieuses dans les Andes méridionales (XVIe-XVIIe
siècles). In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 101, N°2. 1989. pp. 839-873.
doi : 10.3406/mefr.1989.4067
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1989_num_101_2_4067WACHTEL NATHAN
LES TRANSFORMATIONS DE TUNUPA
RESTRUCTURATIONS RELIGIEUSES
DANS LES ANDES MÉRIDIONALES (XVP-XVIP SIÈCLES)
Une étrange permanence se retrouve dans tous les villages de « réduc
tion» : alors qu'ils sont édifiés, en principe, afin d'accoutumer les Indiens
à vivre dans un cadre «policé», de type espagnol (plan quadrillé, place
carrée autour de laquelle se dressent l'église, la maison du cabildo, la pri
son, et le gibet), ils se composent toujours, dans les Andes centrales et
méridionales, de deux moitiés, celle du Haut et celle du Bas, qui regrou
pent les ayllu des nouvelles communautés. Ainsi, malgré les bouleverse
ments que provoque l'invasion européenne, et le processus de fragmentat
ion des anciennes chefferies, les communautés coloniales se reconsti
tuent partout sur le base de l'organisation dualiste. Dans ses conseils au
vice-roi Toledo pour le gouvernement du Pérou, l'auditeur Juan de Ma-
tienzo recommande très officiellement, pour les nouveaux villages, la dis
position en deux quartiers principaux : soit la reconnaissance et l'applicat
ion, par les autorités espagnoles elles-mêmes, d'un modèle spécifique
ment andin1. L'organisation dualiste constitue d'ailleurs, de nos jours
encore, l'un des fondements de l'identité chipaya2 : elle ordonne non
seulement la distribution du territoire, mais encore le système religieux
où saints et mallku se voient étroitement associés. Comment s'est cristalli
sée, dans les mentalités, cette fusion entre apports occidentaux et substrat
andin?
* Abréviations
AAL = Archives de l'archevêché de Lima.
ARSI = Archivum Romanum Societatis Jesu.
MP = Monumenta Peruana.
1 J. DE Matienzo [1567] 1967, p. 48 sq.
2 Les Indiens Chipayas sont les derniers représentants des Indiens Urus, sur
le haut plateau bolivien.
MEFRIM - 101 - 1989 - 2, p. 839-873. 840 NATHAN WACHTEL
Pour la commodité de l'enquête on peut relativement isoler l'étude
des conjonctures et structures socio-économiques; mais nous sommes en
présence de sociétés auxquelles ne s'applique pas le découpage tradition
nel en instances (économiques, sociales, politiques, religieuses) que l'on
projette généralement à partir de la «norme» occidentale. Les schémas
andins (tel que celui de l'ordre dualiste) commandent tout ensemble l'o
rganisation de l'espace et du travail, les relations sociales, la hiérarchie des
pouvoirs, et la vision du monde en général. Quelles sont donc les repré
sentations mentales qui accompagnent, pendant la période coloniale, les
transformations du monde indigène? Comment se traduit, dans les do
maines du religieux, du symbolique, ou de l'imaginaire, cette accultura
tion généralisée dont participent les Urus?
Idolâtries
Les campagnes d'extirpations des idolâtries semblent avoir été moins
intenses dans le Haut-Pérou que dans les régions des Andes centrales, tel
les que Huarochiri, Cajatambo, ou Huncavelica3. Cependant les Urus,
même les plus farouches, n'échappèrent pas à la sollicitude des mission
naires espagnols, comme l'attestent les relations que l'on peut glaner
dans les Carlas anuas des Pères Jésuites (installés depuis 1576 à Juli, sur
la rive occidentale du lac Titicaca). On relève ainsi, de la fin du XVIe siè
cle au début du XVIIe, une demi-douzaine de missions d'évangélisation
consacrées aux Urus du Titicaca et du Desaguadero4; et l'on ne s'étonne
pas de retrouver à chaque fois les mêmes descriptions, inlassablement
répétées: il s'agit d'êtres barbares, à peine humains, qui «vivent comme
des bêtes», totalement ignorants de la religion chrétienne5.
Les hommes d'eau6 apparaissent, dès 1596, sous la plume du célè
bre José de Arriaga, qui raconte l'expédition qu'il a lui-même organisée
en différentes îles du lac. Il fait construire huit embarcations de totora,
dont chacune ne peut porter que trois personnes, et, surmontant la peur
que les mises en garde éveillent en lui, s'engage au matin sur les eaux :
3 Sur l'extirpation des idolâtries dans les Andes centrales au XVIIe siècle, cf.
P. Duviols 1971.
4 Des missions d'évangélisation sont ainsi attestées, chez les Urus du Titicaca
et du Desaguadero, en 1596, 1612, 1637, 1650, 1667 et 1698.
5 ARSI, Peru 15, [1637], f. 174 r: «...alii uiven conio bestias, retirados del
trato humano, esquiuos, uranos, temerosos».
6 Les Indiens Urus. TRANSFORMATIONS DE TUNUPA 841 LES
«Nous arrivâmes l'après-midi dans un petit village, où pour constater la
misère de ces gens, il suffisait de la voir, car il se trouvait au milieu d'un
champ de roseaux, les maisons sur des mottes de terre, le tout si humide et
boueux que si on ne marche pas avec beaucoup de prudence, on s'enfonce à
chaque pas jusqu'au-dessus du genou. Nous parcourûmes quelques-uns de
ces villages, tous de langue puquina, et comme ni moi ni mon compagnon ne
la connaissions nous fîmes ce que nous pûmes grâce à un Indien interprète
que nous avions emmené»7.
Une quinzaine d'années plus tard, en 1612, quand les missionnaires
débarquent sur l'ile Cana (qu'ils baptisent San Lucas), il n'y trouvent
pas une seule croix; ils y édifient une chapelle de joncs nattés, et font
de même dans les autres îles8. L'une des relations suivantes, en 1637,
signale cependant un trait plus positif : la mission a lieu à Zepita, « où
ont coutume de se rassembler de nombreux Indiens Urus, parmi les
quels on œuvre toujours glorieusement»9. De fait, malgré le contexte
apparemment défavorable, les Carlas anuas font état de succès parfois
spectaculaires. C'est ainsi que les missionnaires obtiennent, en 1650, la
confession de 4.000 personnes dans «onze îles (. . .) où l'on n'avait ja
mais entendu la voix de l'Évangile»10. Bien plus: les Pères se rendent
ensuite à «l'autre partie du lac, où résident des Indiens appelés Ocho
sumas et Iru-Itus, deux nations ennemies entre elles, insoumises, et
quasi rebelles contre les Espagnols de la province de Chucuito», au
point que des expéditions de 400 et 500 hommes n'avaient pu les réduir
e11. Or, même parmi eux, les missionnaires imposent baptêmes, sacre-
7 MP, t. VI, p. 3420-3421 : «Llegamos a la tarde a un poblecillo que para ver
la miseria desta gente no era mas menester que verle, porque estava en medio de
un juncal, las casas encima de cespedes de tierra, todo el tan humido y lodoso que
si no anda uno con mucho tiento se hunde hasta la rodilla a cada passo. Anduvi-
mos algunos pueblos destos, son todos de lengua puquina, y por no saberla yo ni
mi companero, hizimos lo que pudimos por un indio interprete que llevamos».
8 ARSI, Peru 13 [1612], f. 141 ν : «. . . hizose aqui una capilla de esteras donde
pusieron el aitar y se leuanto una cruz porque en toda la ysla no auia senal de que
fuesse de xpianos. . . y lo mismo se hizo en todas las demas islas. . . ».
9 ARSI, Peru 15 [1637], f. 174 r: «Una destas misiones fue al pueblo de sepita
donde se suelen juntar muchos indios uros con quienes siempre se t

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