Locked in a mortal embrace. Les politiques audiovisuelles européennes du Royaume-Uni et de la France - article ; n°87 ; vol.16, pg 137-162
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Description

Réseaux - Année 1998 - Volume 16 - Numéro 87 - Pages 137-162
La France et la Grande-Bretagne représentent, sous leurs formes les plus pures, les visions et les forces opposées qui ont façonné la politique de l'Union européenne. Tentant de faire la part des différences objectives d'intérêts et des perceptions subjectives, l'article cherche à évaluer si les spécificités des marchés intérieurs et des échanges internationaux cinématographiques et télévisuels de la France et du Royaume-Uni justifient les positions respectives de ces deux pays dans les principaux domaines de la politique audiovisuelle européenne, puis confronte les points de vue français et britannique sur l'« américanisation » du secteur et ses enjeux économiques et culturels pour la communauté européenne. Autant d'éléments fortement tributaires de deux expériences historiques très différentes et difficilement conciliables de la construction d'un État.
France and the UK represent, in their purest forms, the contrasting visions and forces which shaped the policies of the European Union. In trying to take into account objective differences in interests, as well as diverse subjective perceptions, the article aims to assess whether the peculiarities of the domestic markets and international cinematographic and televisual trade of France and the UK justify these countries' respective positions in the main areas of European audio-visual policy. It compares French and British points of view on the «Americanization» of the sector and its economic and cultural implications for the European community. All these elements rely strongly on two historical experiences, both very different and very difficult to reconcile, in the construction of a State.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Richard Collins
Locked in a mortal embrace. Les politiques audiovisuelles
européennes du Royaume-Uni et de la France
In: Réseaux, 1998, volume 16 n°87. pp. 137-162.
Résumé
La France et la Grande-Bretagne représentent, sous leurs formes les plus pures, les visions et les forces opposées qui ont
façonné la politique de l'Union européenne. Tentant de faire la part des différences objectives d'intérêts et des perceptions
subjectives, l'article cherche à évaluer si les spécificités des marchés intérieurs et des échanges internationaux
cinématographiques et télévisuels de la France et du Royaume-Uni justifient les positions respectives de ces deux pays dans les
principaux domaines de la politique audiovisuelle européenne, puis confronte les points de vue français et britannique sur l'«
américanisation » du secteur et ses enjeux économiques et culturels pour la communauté européenne. Autant d'éléments
fortement tributaires de deux expériences historiques très différentes et difficilement conciliables de la construction d'un État.
Abstract
France and the UK represent, in their purest forms, the contrasting visions and forces which shaped the policies of the European
Union. In trying to take into account objective differences in interests, as well as diverse subjective perceptions, the article aims to
assess whether the peculiarities of the domestic markets and international cinematographic and televisual trade of France and
the UK justify these countries' respective positions in the main areas of European audio-visual policy. It compares French and
British points of view on the «Americanization» of the sector and its economic and cultural implications for the European
community. All these elements rely strongly on two historical experiences, both very different and very difficult to reconcile, in the
construction of a State.
Citer ce document / Cite this document :
Collins Richard. Locked in a mortal embrace. Les politiques audiovisuelles européennes du Royaume-Uni et de la France. In:
Réseaux, 1998, volume 16 n°87. pp. 137-162.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1998_num_16_87_3168LOCKED IN A MORTAL EMBRACE
Les politiques
audiovisuelles européennes
du Royaume-Uni et de la France
Richard COLLINS
© Réseaux n° 87 CNET - 1 998
137 Royaume-Uni et de la France (3). Car non
seulement les secteurs audiovisuels fran
çais et britannique sont plus importants sur
le plan économique que ceux de n'importe
quel autre pays membre de l'Union euro
péenne, mais la France et la Grande-Bre
tagne représentent, sous leurs formes les
plus pures, les visions et les forces oppo
sées qui ont façonné la politique audiovi
suelle de l'Union. Les différences entre les
visions française et britannique ont pour
origine les formations historiques dissem
blables de ces « sœurs ennemies » et sont
avivées par la défiance réciproque et omni
présente des deux antagonistes. Chacune
d'elle est le partenaire de l'Union euro
péenne auquel l'autre se fie le moins (4).
La politique audiovisuelle de l'Union
européenne — et auparavant celle de la
Communauté européenne - a été détermi
née par deux dynamiques contradictoires :
« A t a time when Europe, the cradle l'encouragement de, et la résistance à,
l'intégration et la libéralisation des mar/\ of Western civilization, loses
Â. Lcontrol over one of the main areas chés audiovisuels de l'Union. Affirmer
in which contemporary culture is being que le Royaume-Uni fut le principal avo
cat de la libéralisation et la France son made, the audiovisual, one can no longer
react [...] aesthetically to such liberal or principal adversaire serait trop tranché,
ultra-liberal ideologies. Reality demands d'autant que, dans l'ensemble, la poli
tique audiovisuelle européenne des Brithat concrete measures be taken »(1).
« Parfois, on a l'impression que c'est en tanniques a surtout brillé par son absence !
souvenir d'un glorieux passé, au nom d'un Mieux vaut dire que la Grande-Bretagne
a suivi le flot des politiques d'intégration statut d'ex-culture universelle que la
France tente de lutter contre la déferlante et de libéralisation qui ont dominé l'his
venue d'outre-Atlantique en suppliant toire récente de l'Union européenne, alors
l'ogre yankee de lui faire grâce (2) ». que la France a perçu ces politiques
comme étant au mieux insuffisantes, et au
pire activement hostiles aux intérêts euroIntroduction
péens. Du coup, le fantôme d'Adam
II existe de bonnes raisons d'étudier les Smith a en pratique fini par éclipser celui
politiques audiovisuelles européennes du de Jean-Baptiste Colbert.
Merci à Régine Chaniac, Patrice Flichy, Anne Jackel, Jean-Pierre Jézéquel, de m'avoir aidé à rassembler les
informations contenues dans cet article et d'avoir généreusement partagé avec moi leurs connaissances et leurs
idées ; merci aussi à Marie Vlennot qui m'a été d'une grande aide pour les traductions du français en anglais ; ils
ne sont pas responsables de mes éventuelles erreurs ou omissions, ni des conclusions auxquelles je suis parvenu.
(1) LANG, 1988, p. 20 (A un moment où l'Europe, le berceau de la civilisation occidentale, perd le contrôle d'un
des principaux secteurs où la culture contemporaine s'élabore, l'audiovisuel, on ne peut plus réagir de manière
esthétique à ce genre d'idéologies libérales ou ultralibérales. La réalité exige que des mesures concrètes soient
prises).
(2) CHESNAIS, 1994, p. 84.
(3) J'emploie ici le terme « audiovisuel » comme un synonyme commode pour le cinéma et la télévision.
(4) Lors d'un sondage téléphonique effectué en mai 1994 auprès de citoyens de tous les États de l'Union euro
péenne, 27 % des Français interrogés ont désigné la Grande-Bretagne comme le moins fiable des membres de
l'Union, la plaçant en tête de tous les États membres qu'ils ont cités, et 44 % des Britanniques interrogés ont dési
gné la France comme le membre le moins fiable de l'Union, la plaçant de même en tête de tous les États membres
qu'ils ont cités (Financial Times, 1er juin 1994, p. 4).
139 — Royaume-Uni Га emporté du fait de Le présence s'est accrue de façon si frappante
l'exigence d'unanimité sur les questions à la suite de la libéralisation des marchés
qui, comme la politique audiovisuelle, se audiovisuels européens, comme autant de
situent en dehors des dispositions des trai facteurs de pollution culturelle.
tés européens (à la relative exception du
traité de Maastricht). Ce point - joint à la Politiques et pratiques
coïncidence de nombre des intérêts britan de l'Union européenne
niques avec ceux du grand décideur, l'A
llemagne, à la résistance obstinée du Dane La politique audiovisuelle de l'Union
mark à tout accroissement des pouvoirs de européenne comporte quatre domaines
la Communauté dans le domaine culturel, principaux (7). Premièrement, la création
et à l'intérêt économique non déguisé du d'un marché unique européen de la tél
Luxembourg à une libéralisation des mar évision : une Télévision sans frontières.
chés audiovisuels européens - a suffi à Deuxièmement, la tentative d'instauration
garantir le succès britannique, qui n'exige de normes techniques communes pour la
que le maintien du statu quo. La France, en télévision européenne - la télévision par
revanche, a besoin de changements pour satellite surtout - afin que les téléspecta
atteindre ses objectifs économiques, poli teurs ne se voient pas refuser l'accès à
tiques et culturels. des services télévisuels européens pour
Contrairement au Royaume-Uni, la cause de normes technologiques diffé
France a une balance commerciale audio rentes (et afin de protéger les construc
visuelle très déficitaire. Elle attribue en teurs européens de la concurrence extr
outre beaucoup plus d'importance que la aeuropéenne). Troisièmement, la mise en
Grande-Bretagne à la poursuite de l'union place de subventions et d'aides à la pro
politique européenne : une union poli duction et à la distribution cinémato
tique qui, selon les principes « national graphiques et télévisuelles européennes,

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