Louis XIV et Bernin. Le voyage du Bernin à la Cour de France et sa ...
22 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Louis XIV et Bernin. Le voyage du Bernin à la Cour de France et sa ...

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
22 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Louis XIV et Bernin. Le voyage du Bernin à la Cour de France et sa ...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 197
Langue Français

Extrait

Louis XIV et Bernin. Le voyage du Bernin à la Cour de France et sa place dans le décorum royal au début du règne personnel de Louis XIV
M I L OVA N S TA N I C Université de Paris-Sorbonne, Paris IV
L’historiographie contemporaine qui étudie l’évolution des arts sous le règne de Louis XIV est généralement unanime à constater que l’ensemble de la production enco-miastique officielle autour du roi a subi une mutation notable entre la période suivant l’écra-sement définitif du mouvement de la Fronde, notamment après la prise du pouvoir person-nel par Louis XIV en mars 1661, et l’installation de la Cour à Versailles, c’est-à-dire à par-tir du début des années 1680. D’après ce schéma, le sens de l’évolution irait de l’ascendant du monde de la fable, avec ses formes fortement imprégnées de la tradition italienne, comme s’il s’agissait alors d’exorciser les traumatismes des guerres civiles, vers une exaltation de plus en plus nette de la personne naturelle du roi et de ses faits historiques. Alors que, surtout après 1661, l’Olympe et l’imagerie des dieux et des héros antiques étaient omniprésents, en particulier les thèmes d’Apollon, d’Hercule et d’Alexandre le Grand, le thème de l’histoire du roi finit progressivement par s’imposer, c’est-à-dire Louis XIV comme sujet unique et inimitable, ou plutôt, Louis XIV comme égal, sinon supérieur aux modèles établis par la tradition encomiastique et imposé comme modèle à imiter à son tour. L’évolution vers un système représentatif privilégiant l’histoire du roi, au détriment de la mythologie 1 , ne paraît donc pas si évidente, si l’on en considère les finalités, s’agissant, en fin de compte, d’échan-ger les figures de proue, pour ainsi dire, et non de révolutionner le système lui-même. En effet, que sont-ce, aux yeux du Roi Soleil, que la représentation, et que la réalité ? Louis XIV était, comme tout prince de son temps, convaincu de la nécessité de la représentation, mais aussi, sinon davantage, et il le souligne en maint endroit de ses
1.— Pour une présentation succincte de ces aspects, et pour un bref survol de la littérature à ce sujet, on peut consulter Sabatier , G., Versailles ou la figure du roi, Paris, 1999, pp. 35-43, 238-240, et passim.
— 1 5 5 —
M I L O V A N S T A N I C
Mémoires, du fait que la représentation sans autorité fondée sur l’exercice réel du pouvoir n’était rien. Autrement dit, ce qui importe, c’est l’interdépendance du mode réel, et du mode représentatif du pouvoir en tant que tel, interdépendance qui demeure constante, indé-pendamment des transformations de l’image vers plus de réalité historique dans la présence publique seyant à Louis XIV. Il est tout à fait significatif, dans ce sens, de trouver dans le panégyrique de l’époque la comparaison du visage royal avec la tête de Méduse, la figure de Louis le Grand donc, réduite à sa simple nature, anéantissant ses ennemies par sa pure présentation. Le mouvement de l’appareil représentatif vers l’image historique du roi est incontestable, mais cette image est à son tour utilisée comme une image mythique : il est difficile de dire où s’arrête le mythe et où commence l’histoire, et vice versa. L’on serait tenté de comparer l’évolution du système représentatif royal, dans sa tendance, avec celle du tra-vail des cartographes de la fable de José Louis Borges, cartographes qui, afin d’élaborer une représentation de plus en plus précise de leur pays, en agrandissent l’échelle toujours davan-tage, jusqu’à ce que leur carte n’atteigne les dimensions du pays qu’elle devait représen-ter. L’idéal d’une parfaite absorption de la représentation par la réalité transforme celle-ci en image mythique ; et Louis XIV avait pour sa part un penchant prononcé à considé-rer toutes ses actions, ainsi que les réalités extérieurs, comme autant de symboles par lui manipulables. Que les réalités résistent à une instrumentalisation en tant que symboles, ou encore qu’entre les échafaudages des systèmes représentatifs et le cours réel des choses un hiatus incompressible demeure, ceci transparaîtra justement lors du voyage du Bernin en France, au moment même où l’Olympe du Roi Soleil paraît plus irrésistible et plus enva-hissant que jamais. Dans l’histoire des relations entre les princes et les artistes, la rencontre entre Louis XIV et Bernin occupe une place exceptionnelle et peu s’en est fallu pour qu’elle ne devienne légendaire, à l’image des légendaires liens unissant Alexandre le Grand et ses artistes Lysippe, Appelle, Dinocrate. Ces images légendaires sont en effet nombreuses, et régulièrement employées dans d’anciens éloges de peintres et de l’art de la peinture, tout autant que dans celles de rois mécènes. Or, la plus spectaculaire rencontre des temps modernes entre un roi et un artiste, celle de Louis XIV et de Bernin, n’a pas participé à la glorification du Roi Soleil, et n’a que peu contribué à celle du Bernin. On ne dit pas “ Louis XIV et Bernin ” comme on dit “ Alexandre et Appelle ”, “ François I er et Léonard de Vinci ”, “ Charles Quint et Titien ”. Et du Bernin, on ne retient que l’artiste des papes, et non celui d’un roi. Un regard, même superficiel, sur les suites de la rencontre suffirait pour faire un constat à première vue surprenant : l’éclatante rencontre du monarque le plus puissant et de l’artiste le plus prestigieux de leur temps, après avoir été l’obsession du pouvoir fran-çais, après avoir attiré sur elle l’attention des cours et des élites européennes, et après avoir suscité une production littéraire, poétique et épistolaire sans précédent, fait place aux accommodements, aux silences embarrassés, et va, dans les commentaires, jusqu’à inverser les positions initiales des protagonistes ; ainsi la littérature d’art du xviii e siècle,
— 1 5 6 —
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents