Meyerhold à Paris - article ; n°1 ; vol.5, pg 5-31
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1964 - Volume 5 - Numéro 1 - Pages 5-31
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1964
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Gérard Abensour
Meyerhold à Paris
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 5 N°1. Janvier-mars 1964. pp. 5-31.
Citer ce document / Cite this document :
Abensour Gérard. Meyerhold à Paris. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 5 N°1. Janvier-mars 1964. pp. 5-31.
doi : 10.3406/cmr.1964.1566
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1964_num_5_1_1566ÉTUDES
MEYERHOLD A PARIS
La personnalité et l'œuvre de Meyerhold connaissent actuellement
un regain d'intérêt. La disgrâce totale qui fut son lot à partir de 1938
en Union Soviétique a eu pour conséquence de faire oublier, même en
Occident, le nom de ce prestigieux homme de théâtre. Centre de
controverses passionnées tout au long de sa vie, il fut emporté par la
vague d'obscurantisme dont la Russie sort lentement. Est-ce par suite
de sa réhabilitation posthume ? Voici qu'aujourd'hui une présentation
générale de la carrière théâtrale de Meyerhold, illustrée par certains de
ses textes théoriques les plus importants, a été faite en Italie1 et en
France2. Or ces deux pays ont exercé une influence profonde sur la
sensibilité théâtrale du metteur en scène russe qui, comme la plupart
de ses compatriotes de valeur, savait qu'il lui fallait respirer du même
air que l'Occidental pour se réaliser pleinement.
Si Meyerhold visita l'Italie uniquement en qualité de touriste
(en 1910, puis en 1923), ses deux séjours à Paris, — celui de 1913 qui
fait l'objet de notre propos, comme celui de 1930 — furent étroitement
liés à son activité de metteur en scène. La vie théâtrale française n'en
fut pas marquée directement, nous essaierons de voir pourquoi.
Quant à Meyerhold, s'il avait peu à apprendre du théâtre parisien de
l'époque, il fut par contre avide des sensations artistiques complexes
que lui apportait la capitale.
Paris observe Meyerhold
Ehrenbourg dans ses mémoires3 résume fort bien les circonstances
qui déterminèrent Meyerhold à se rendre à Paris :
« II vint à Paris, invité par Ida Rubinstein pour monter La Pisanelle
1. Vsevolod Meyerhold, La Rivoluzione Teatrale, Rome, Editoři Riuniti, 1962.
2.Le Théâtre théâtral, Paris, Gallimard, 1963.
3. Ilja Ehrenburg, Ljudi, gody, žizri (Un Écrivain dans la Révolution),
livre II, chap. 18 (Xovyj Mir, 1961, n° 2, pp. 77-78). 6 G. ABENSOUR
de d'Annunzio en compagnie de Fokin. A cette époque je connaissais
mal les réalisations scéniques de Meyerhold, mais je savais bien que était un phraseur et Ida Rubinstein une riche dame
assoiffée de succès théâtraux... (A Paris, Vsevolod Emile vič se lia
d'amitié avec Guillaume Apollinaire, qui apparemment comprit immé
diatement que l'important ce n'était ni d'Annunzio, ni Ida Rubinstein,
ni les décors de Bakst, mais le désarroi spirituel du jeune metteur en
scène pétersbourgeois). »
Ida Rubinstein.
Avant d'en venir au spectacle lui-même, il convient de préciser
quelles étaient les ambitions d'Ida Rubinstein à cette époque.
Elle rêvait de concurrencer Diaghilev et de se tailler une part
importante dans les faveurs que le public parisien réservait depuis 1909
aux choses russes. Cette riche Pétersbourgeoise avait pris des leçons
de diction chez Lenskij, le grand acteur du Théâtre Malyj de Moscou.
Elle-même le décrit au public français comme réalisant la synthèse
entre la retenue et la fougue, « à la fois Claretie et Mounet-Sully »*.
Elle devient ensuite l'élève « favorite » du maître de ballets Fokin. On
sait que celui-ci fit faire un progrès décisif à l'art du ballet classique
hérité des Français et des Italiens et acclimaté en Russie par l'illustre
famille des Petitpas. C'est en 1908 que Fokin crée à Saint-Pétersbourg
Chopeniana, suite de ballets composée sur des thèmes de Chopin. Ce
spectacle, repris en France sous le nom de Suite en Blanc, est à l'art du
ballet ce que les Baigneuses de Cézanne sont à la peinture. L'espace
artistique est conçu comme d'une essence radicalement différente de
celle de l'espace réel. Les objets, les corps qui créent et suggèrent à la
fois cet espace esthétique, acquièrent une pureté et une densité que
Meyerhold, quant à lui, veut communiquer au jeu dramatique. Ida
Rubinstein avec son corps fluet, anguleux presque, comme le montre
le célèbre portrait de Serov, était l'incarnation même du ballet moderne
de Fokin.
Consciente de son originalité et tentée par un succès de scandale,
Ida Rubinstein fait appel dès 1908 à Meyerhold pour mettre en scène
la Salomée d'Oscar Wilde, dans laquelle elle se réservait évidemment
le premier rôle. La morose censure de Nicolas II ayant interdit le
spectacle, la vedette émigré à Paris, la ville où toutes les audaces sont
permises et qui a déjà accueilli Diaghilev, incompris en Russie, en
attendant de recevoir Nijinski lorsqu'il sera chassé du Théâtre Marie
(Opéra) de Saint-Pétersbourg.
En cette époque de transition, Ida Rubinstein agit comme les
1. Lectures pour Tous, «Interview d'Ida », 15 juin 1913, p. 1071. MEYERHOLD A PARIS J
futures grandes vedettes de cinéma. Elle confie à la presse son goût
pour la chasse aux grands fauves, qu'elle pratique en alternance avec
ses activités théâtrales. Elle apparaît d'abord dans les Ballets Russes
sous les traits de Cléopâtre. En 191 1, elle crée à l'Opéra de Paris
Le Miracle de saint Sébastien. Puis, Meyerhold n'ayant pu répondre
à son appel, elle s'assure le concours de Sanin, metteur en scène du
Théâtre d'Art de Moscou, pour régler Salomée, qui passe sans encombre
à Paris, ainsi que la pièce de Verhaeren, Hélène de Sparte. Mais si la
danseuse séduit la critique, l'actrice n'est pas ménagée. Sa diction est
mauvaise, son accent russe choque le public, et les décors de Bakst
parmi lesquels elle évolue, paraissent maniérés à l'excès.
Certes, le critique du Figaro la loue pour ses qualités plastiques :
« Même quand elle marche, on dirait qu'elle danse », a noté un poète.
S'étant appliquée à cette mimique spontanée et experte, selon ce prin
cipe de Richard Wagner que M. Fokin a su remettre en valeur,
Mme Ida Rubinstein était sur le chemin d'une réalisation scénique
supérieure.... и1. Cependant, celui de La Nouvelle Revue Française
reflète bien l'opinion du public intellectuel : « ... dépourvue de voix, de
diction et de tout tempérament, pourquoi sort-elle de son rôle de
mime et empiète-t-elle sur celui des interprètes chargées d'exprimer des
passions véritables ? »2.
Désireuse de disposer des meilleurs atouts et faisant preuve d'un
grand esprit de suite, elle poursuit une correspondance active avec
Meyerhold, persuadée qu'il l'aidera à conquérir Paris. Il est enfin décidé
qu'il viendra au printemps 1913 et qu'il réglera la mise en scène de
deux pièces. Celles-ci se réduisent à une seule, mais qui devait garantir
le succès. En effet d'Annunzio a accepté d'écrire une pièce pour
Ida Rubinstein.
D'Annunzio.
Tout un certain public mondain, amateur de sensations raffinées,
admire sans réticences les diverses productions du poète italien. « Le
goût ' dannunziesque ' nous est venu à l'aurore de la vie, en écoutant
chanter L'Enfant de Volupté ; ce livre-là reste un ouvrage de classe,
destiné à je ne sais quelle agrégation es sciences délicates, comme un
Jules Verne supérieur, un voyage en 350 pages au pays de la culture
exquise »3. On voit que notre poète à la mode avait fait des ravages...
Ce grand amateur d'art trouvait aussi le moyen de vivre d'art. Il
livra contre bon argent (les journaux parlent de 75 000 francs) La
1. Jules Bois, « Enquête sur un Art théâtral nouveau », Le Figaro, 29 mai
3-
2. Jean Schlumberger, « La Pisanelle ». N.R.F., juill. 1913, p. 126.
3. Marcel Boulenger, article de Comœdia, 19 juin 19 13. G. ABENSOUR 8
Pisanelle ou la Mort parfumée, comédie en un Prologue et trois actes1,
sorte d'allégorie dramatique destin&#

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