Michel Leiris : genèse d une « formation parasitaire » dans un fragment de A cor et à cri - article ; n°147 ; vol.36, pg 85-97
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Michel Leiris : genèse d'une « formation parasitaire » dans un fragment de A cor et à cri - article ; n°147 ; vol.36, pg 85-97

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Langages - Année 2002 - Volume 36 - Numéro 147 - Pages 85-97
Michel Leiris often refers to the parasitic formations wich proliferate in his texts and wich, according to him, play only a secondary role. This article studies the genesis of one of them in an excerpt from ~~À cor et à cri~~. It shows that once the central anecdote has been told, Michel Leiris' writing work consists mainly in elaborating on the long digression situated in the first part of the passage. Leiris systematically introduces new elements as if this anecdote was only the basis of a digression that would constitute the real narrative in the text - the exhilarating search for all possible cross-words and junctions between words.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 71
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Julie Lambilliotte
Michel Leiris : genèse d'une « formation parasitaire » dans un
fragment de A cor et à cri
In: Langages, 36e année, n°147, 2002. pp. 85-97.
Abstract
Michel Leiris often refers to the "parasitic formations" wich "proliferate" in his texts and wich, according to him, play only "a
secondary role". This article studies the genesis of one of them in an excerpt from À cor et à cri. It shows that once the central
anecdote has been told, Michel Leiris' writing work consists mainly in elaborating on the long digression situated in the first part of
the passage. Leiris systematically introduces new elements as if this anecdote was only the basis of a digression that would
constitute the real narrative in the text - the exhilarating search for all possible cross-words and junctions between words.
Citer ce document / Cite this document :
Lambilliotte Julie. Michel Leiris : genèse d'une « formation parasitaire » dans un fragment de A cor et à cri. In: Langages, 36e
année, n°147, 2002. pp. 85-97.
doi : 10.3406/lgge.2002.2414
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_2002_num_36_147_2414Lambilliotte Julie
Université Paris VII-Denis Diderot
MICHEL LEIRIS: GENESE
D'UNE « FORMATION PARASITAIRE »
DANS UN FRAGMENT DE
À COR ET À CRI
commentateur Michel Leiris de ne son cesse œuvre. de s'observer Il souligne en : train d'écrire et se fait ainsi le premier
« Dans chaque phrase que j'agence - ou presque - apparaissent tôt ou tard (surgis
d'emblée ou introduits après coup) un nombre variable de mots jouant un rôle de
second plan, soit qu'ils répondent à un besoin (de jour en jour plus accablant) de
précautions oratoires ou d'attendus circonstanciés, soit qu'ils figurent de simples
chevilles dues à mes exigences pour ce qui touche au rythme (...). »x.
Le lecteur, sans cesse confronté à des développements qui relèvent davantage du
chemin de traverse que de la grand-route, reconnaît, au moins partiellement, des
impressions de lecture. On peut lire un peu plus loin :
«ces mots (...), il est loisible à qui prendra la peine (...) d'examiner d'un peu près la
structure de mes phrases, de les reconnaître, au vrai, pour ce qu'ils sont, des formations
parasitaires qui prolifèrent dans tout ce que j'écris, (...) se révélant tout compte fait
comme une série d'écrans, qui s'interposent entre mes idées et moi, les estompent, les
étouffent sous le poids d'une trop grande masse verbale ».
Si les digressions abondent effectivement dans l'œuvre de Leiris, il est bien sûr
impossible de les réduire à « un rôle de second plan ». Cette expression, excessive,
suscitée semble-t-il par l'agacement que Leiris éprouve à se plier à ce «besoin » de
précisions, nous a incitée à étudier la genèse de l'une de ces « formations
parasitaires » pour tenter de cerner son rôle exact. Un fragment de À cor et à cri est,
à ce propos, étonnant : le récit y est longtemps différé par une digression sur le
lieu de l'action. Or la mésaventure qui nous est racontée semble étrangement
accessoire, sa conclusion un peu décalée, comme si l'enjeu du texte était ailleurs.
Dans cette digression peut-être ?
À cor et à cri est une œuvre tardive, publiée en 1988, alors que Michel Leiris est
âgé de 87 ans. L'ouvrage est divisé en trois parties « Crier », « Parler » et
«Chanter». Il est constitué de fragments, généralement assez courts. Ces textes
relèvent de l'essai, de l'autobiographie, parfois même de la poésie. Leur propos est
double : il s'agit de définir le cri, la parole et le chant et de comprendre comment
l.Biffures,p.M.
85 l'on passe du cri au chant. Ces notions sont à prendre à la fois au sens propre (Que
se passe-t-il lorsque l'on pousse un cri ?) et au sens figuré (Quel type d'écriture se
situerait plutôt du côté du cri, de la parole ou du chant?).
Le fragment que nous proposons appartient à la partie « Crier » et évoque un
cri qui n'a pas été poussé. On peut résumer rapidement ce court récit : Leiris
descend précipitamment d'une rame de métro, sa manche reste coincée dans la
porte ; il doit courir à côté du métro qui démarre, jusqu'au moment où il réussit à
se dégager.
Le dossier génétique de ce fragment est constitué de trois fiches2, dont deux
sont utilisées recto-verso. Il s'agit des folios 20 recto, 20 verso, 21, 22 recto et 22
verso du fichier3. Ce sont des fiches en bristol, blanches, quadrillées, non-perfo-
rées, de petit format (7,5 x 12,5 cm).
Leiris recopie ensuite ses fiches sur des feuilles, en intégrant toutes les correc
tions, et ajoute quelques mots. Il s'agit du manuscrit LRS Ms 338, folios 13 recto,
13 verso et 14. Ce sont des feuilles blanches, quadrillées, perforées, de format A5
(14,8 x 21 cm). En intégrant ces ajouts, on obtient le texte final.
Pour comprendre la genèse de ce passage, nous disposons donc de deux étapes
(les fiches et les feuilles) et, à l'intérieur de la première étape, de plusieurs campa
gnes d'écriture.
Pour présenter le fragment que nous allons commenter, nous proposons une
transcription diplomatique des fiches, qui reproduit la disposition du manuscrit
(figures 1 à 5). Celle-ci rendra visibles les ajouts et ratures qui se multiplient dans
la principale substitution du passage (f° 20 v°), constituant des ramifications
impressionnantes.
Ajoutons quelques précisions pour permettre au lecteur de s'y repérer : Leiris
utilise le recto des feuilles et corrige généralement au verso de cette même feuille.
Les corrections au fil de la plume sont rares, ainsi que les corrections interli
néaires. On doit, le plus souvent, tourner la page pour pouvoir lire les substitu
tions ou ajouts. La plupart des corrections sont donc des variantes de lecture et
non d'écriture4. Pour atténuer la difficulté qu'il devait éprouver lui-même à se
relire, Leiris invente un système de couleurs. Pour les substitutions et ajouts, il
emploie les signes habituels des typographes et du noir (couleur qu'il utilise le
plus souvent pour écrire) lorsqu'il inscrit les corrections sur le même côté de la
feuille, du rouge (représenté ici en gras) lorsqu'il les écrit au verso.
2. Tous les manuscrits de Michel Leiris sont conservés à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet,
à Paris. Je remercie chaleureusement M. Jean Jamin, exécuteur testamentaire de Michel Leiris, de
m'avoir autorisée à consulter ces documents.
3. Ce fichier ne comporte pas de cote pour le moment.
4. Pour la distinction entre variantes de lecture et variantes d'écriture, cf. A. Grésillon « Fonctions du
langage et genèse du texte», La naissance du texte, ensemble réuni par Louis Hay, José Corti, 1989.
86 ■
|
l
1
À cor et à cri, fiches, folio 20 recto Folio 20 verso
Probablement4;
H non loin de cette rue commémora- ^ ^Феае-ейеУаи métro Volontaires — [ dans les
tive (je suppose) des (courageux) citoyens paragon | du 45 rae Blomet où mon aîné André
j~/'"qui, la patrie étant |-gfesée!voix -proclamée en Masson avait alors son atelierjpour moi vrai lieu
comme ses dires „ danger par les/a membres de la Conven initiatique car sa peinturent ses propojme décou
vraient un univers et m'aidaient à mieux voir
/XVe arrondissement — L s'engagèrent
en moi-iinêmè; — je(eenstaté)|en dcsccnrifež|s i i _
dans les armées de la République, (geut-)
un peu tardivement du wagon qui me transportait
être à 11 'i ntéri^fflH de cette station la й g que l'une des larges manches de mon imperméable \ plus proche/ est restée prise dans la portière refermée. Imposs 7 \yl, (je m'y revois)
ible de me dégager et, la rame repartant, je I probablement là s
\ — (SS)sous-sol- ^ v dans к -d/une me vois obligé de la suivre en pressant le pas,
\ (1 presque désert
Figure 1 : Transcription diplomatique Figure 2.
Folio 21
tout contre et risquant d'avoir d'un instant
à l'autre les jambes broyées entre le quai et
mon wagon maintenant en marche. Finalemt
c'est par pure chance que-je parviens à me
J'ai peur, mais cette solution
pourtant simple : crier pour faire arrêter le
train, ne rne vient pas à l'esprit. Fin

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