Phonétique, phonologie et poétique chez R. Jakobson - article ; n°1 ; vol.19, pg 108-119
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Description

Langue française - Année 1973 - Volume 19 - Numéro 1 - Pages 108-119
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 82
Langue Français

Extrait

Daniel Delas
Phonétique, phonologie et poétique chez R. Jakobson
In: Langue française. N°19, 1973. pp. 108-119.
Citer ce document / Cite this document :
Delas Daniel. Phonétique, phonologie et poétique chez R. Jakobson. In: Langue française. N°19, 1973. pp. 108-119.
doi : 10.3406/lfr.1973.5644
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1973_num_19_1_5644D. Delas, Paris-X, Nanterre.
PHONÉTIQUE, PHONOLOGIE ET POÉTIQUE
CHEZ R. JAKOBSON
La réflexion de Jakobson dans le domaine du poétique témoigne
d'une rare unité. Dans les tout premiers textes qu'il publia, on peut ais
ément repérer des formules très voisines de celles qu'il utilise aujourd'hui.
Ainsi dans La Nouvelle Poésie russe — Esquisse première : Vélimir Khleb-
nikow écrit par Jakobson en 1921, à l'âge de 25 ans, nous lisons : « Cette
visée de l'expression, de la masse verbale, que je qualifie de moment
unique et essentiel de la poésie, touche non seulement aux combinaisons
de mots, mais aussi à la forme du mot. » (Jakobson, 1973, p. 20). Tout
lecteur averti ne manquera pas de rapprocher cette définition de celle
de 1960 : « La visée {Einstellung) du message en tant que tel, l'accent mis
sur le message pour son propre compte, est ce qui caractérise la fonction
poétique du langage. » (Jakobson, 1963, p. 218). La continuité est manif
este. Mais au delà de la similarité que font apparaître les deux formules,
il convient de noter une différence qui est finalement essentielle : alors
que les premières affirmations avaient un caractère « littéraire », systémat
isant dans un esprit volontairement subversif l'héritage romantique, les
plus récentes inscrivent la recherche poétique dans la « science » linguis
tique. Ce qui était au départ motivé aussi bien par la nécessité de se
débarrasser de cadavres encombrants (rhétorique classique, théorie
symboliste de l'image) que par le souci d'ouvrir de nouvelles voies, se
trouve désormais soumis à l'obligation de s'intégrer dans une entreprise
systématique de description de la langue et des langages. Il s'agit en
somme d'introduire dans un corpus théorique une hypothèse et de vérifier
si la Httérarité (ou poéticité) est intégrable dans le projet linguistique,
plus précisément si la linguistique en tant que telle est susceptible de
valider cette proposition.
Pour cela deux directions de recherches devaient être poursuivies
parallèlement, en poétique et en linguistique.
En poétique, il fallait préciser, formuler en termes pertinents (c'est-à-
dire homologues aux termes linguistiques eux-mêmes) les principaux
108 concepts de la théorie du langage poétique. Cet effort est visible dans la
reformulation de 1960. Ce n'est pas ici le lieu de rappeler la théorie du
poétique de Jakobson; sa notoriété est telle depuis la diffusion en France
des Essais de Linguistique générale (Jakobson, 1963) que, grosso modo,
les principes sont connus. Faut-il rappeler encore une fois la phrase-clé :
« La fonction poétique projette le principe d'équivalence de l'axe de
la sélection sur l'axe de la combinaison » (op. cit., p. 220) et les formules
que Jakobson emprunte à Valéry (« le poème, hésitation prolongée
entre le son et le sens » (op. cit., p. 233)) ou à Empson (« Les machinations
de l'ambiguïté sont aux racines mêmes de la poésie » (op. cit., p. 238))?
En gros, on comprend bien qu'en poésie, il n'y a pas de « choix »
des mots pour l'émetteur ou pour le récepteur, que c'est le tout du texte
qui impose sa loi et que l'important n'est certes pas la claire transmission
d'une information mais ce jeu récurrentiel infini. De ce fait, ne pas savoir
à quels autres mots les mots du texte renvoient (réfèrent), ce qu'ils veulent
dire (dénotent), ne pas trouver un « sens » univoque comme dans tout
énoncé linguistique n'est ni grave ni même gênant puisque lorsqu'on
appréhende le message (linguistiquement), on ne s'arrête pas à ce sens
dénoté, à ce sens apparent, mais qu'on va chercher la raison d'être poé
tique du message ailleurs. Ce que révèle clairement la paraphrase d'un
énoncé poétique, exercice stérile et inadéquat s'il en est. Ailleurs? dans
la substance même de l'énoncé, interrogé « littéralement et dans tous les
sens ».
Ainsi donc, se trouvait effectivement mis en place le principe théorique
initial auquel la science linguistique devait fournir une méthode descript
ive et des concepts opératoires. Mais quelle science linguistique?
Dans ce domaine, l'activité de Jakobson est intimement liée, au
début, à celle du Cercle Linguistique de Prague. Les linguistes pragois
se sont attachés à l'étude des fonctions des unités linguistiques d'une langue
considérée comme instrument de communication. Ce travail part de
l'hypothèse saussurienne fondamentale de l'arbitraire de l'association
du signifié et du signifiant au sein du signe. Ce qui est apparemment
inconciliable avec le but poursuivi par la recherche poétique qui est celle
de la motivation du signe, autrement dit de la relation motivée (et non
arbitraire) entre les deux éléments constitutifs. Dans le domaine de la
phonétique et de la phonologie, les progrès réalisés sur la base de l'hypo
thèse structuraliste illustrent parfaitement l'intérêt d'un tel point de
départ mais aussi le difficile ajustement de la démarche poétique et de la
démarche fonctionnaliste. D'un point de vue phonologique, les sons
élémentaires ne sont pas par eux-mêmes porteurs de signification mais
permettent de distinguer des unités significatives
père, mère, terre, serre, verre, ...
A partir de là, on peut par la commutation séparer les variantes libres
(qui ne perturbent pas la transmission de l'information) des traits qui ont
109 distinctive et qui seuls ont pleine pertinence phonologique. Ainsi valeur
se trouve réalisée une fondamentale opération de réduction (son->pho-
nème); la tendance sera naturellement de la poursuivre pour construire
un système descriptif plus simple quoiqu'encore efficace du fonctionne
ment réel de la langue. En considérant que les oppositions [e]/[œ], [a]/[a],
[e]/[s] jouent rarement un rôle distinctif en français, on franchit une
étape supplémentaire qui, à la limite, fait passer le système vocalique de
cette langue de 16 phonèmes à 10 archiphonèmes « essentiels à la compré
hension linguistique » (Léon, 1964, p. 18).
La visée phonologique est donc initialement réductrice. Au contraire,
dans la perspective poétique, c'est la démarche inverse qui semble postulée
puisque, s'il est vrai que le langage poétique renvoie à son propre message,
c'est à sa substance et non à sa forme x. C'est peut-être pour cette raison
(parmi d'autres sans doute) que R. Jakobson se préoccupe, dès avant
guerre, de rechercher les principes d'un classement phonologique plus
poussé des unités fonctionnelles, qui, prenant en compte la substance,
serait universellement valable. En somme, il s'agit de relier description
formelle et description substantielle dans le cadre d'une étude systématique
des oppositions; ce renouvellement était devenu possible avec le publication
des résultats obtenus par l'analyse acoustique des sons. Si le fonctio
nnement linguistique repose sur opposition/identité, il s'agit de savoir
quelle est la différence minimale entre les termes d'une opposition.
Jakobson, Fant et Halle répondent que la plus légère différence entre
deux phonèmes est un trait distinctif; le phonème devient alors un faisceau
de traits distinctifs. Ainsi [p] s'oppose à [b] par un seul trait distinctif et
à [v] par deux traits distinctifs, etc. Dans ces conditions « tout message
parlé présente à l'auditeur deux séries complémentaires d'informations :
d'une part la chaîne des phonèmes fournit une information codée sous
forme de séquence, d'autre part chaque phonème est composé de plusieurs
traits distinctifs. La totalité de ces traits est égale au nombre minimum de
choix binaires nécessaires &#

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