Pratique du français en Afrique noire francophone - article ; n°1 ; vol.104, pg 11-19
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Description

Langue française - Année 1994 - Volume 104 - Numéro 1 - Pages 11-19
9 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 68
Langue Français

Extrait

G. Manessy
Pratique du français en Afrique noire francophone
In: Langue française. N°104, 1994. pp. 11-19.
Abstract
Gabriel Manessy : « Pratique du français en Afrique noire francophone »
French in Subsaharan Africa is the object of a double « appropriation » : as a linguistic system and as a vernacular means of
communication. Because of the important part French plays in the socio-economical and socio-political organization of the
francophone African states, it belongs to the actual or potential repertoire of every individual. Its use by multilingual speakers as a
means of inter-group communication leads to structural changes influenced by the particular dominant indigenous language. As a
result, a process of dialect formation is in progress, and « national Frenches » are developing which show a number of areal
common characteristics determined by the modes of conceptualization and enunciation specific to Nergo-African culture.
Citer ce document / Cite this document :
Manessy G. Pratique du français en Afrique noire francophone. In: Langue française. N°104, 1994. pp. 11-19.
doi : 10.3406/lfr.1994.5735
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1994_num_104_1_5735Gabriel MANESSY
Centre d'Étude des Plurilinguismes (IDERIC), Nice
PRATIQUE DU FRANÇAIS EN
AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE
Le français pratiqué en Afrique par les Africains n'est pas un français régional
comme les autres. Il ressortit à une francophonie seconde en ce qu'il est parlé par
des alloglottes et non par les usagers de dialectes français locaux, comme c'est le cas
au Canada, en Belgique, au Luxembourg, dans le Val d'Aoste et en Suisse. Sa
situation est analogue, en ce sens, à celle du français d'Afrique du Nord, sous cette
réserve que ce dernier se juxtapose à une langue commune, elle-même différenciée
en standard et en variétés dialectales ou populaires et propre à assumer tous les
besoins communicationnels des sociétés qu'elle dessert, alors qu'en Afrique noire
s'établit toujours une complémentarité des tâches entre la langue importée et les
parlers du lieu. Cela distingue également le français africain de celui de Maurice
(Baggioni, Robillard 1990), l'île disposant d'une langue officielle, l'anglais, et
d'une langue commune, le créole, mais où le parler des premiers occupants
conserve un prestige fondé sur une authenticité historique qui fait défaut en
Afrique à la langue imposée par de récents colonisateurs. Celle-ci n'en jouit pas
moins des avantages conférés par son statut de véhicule symbolique de la civilisa
tion moderne. L'organisation politique et sociale est telle d'autre part que la
maîtrise du français est, dans les faits, la première condition d'accès à cette
civilisation et ultérieurement gage de réussite dans un univers occidentalisé.
Cette définition largement négative pose problème. Si l'on admet qu'une
langue est déterminée en tout instant dans sa forme et son fonctionnement par les
circonstances de son emploi, on doit s'attendre à rencontrer des difficultés dans la
délimitation et dans la description d'une entité aussi incertaine. Il faut se défaire en
outre de l'idée qu'une langue est une donnée immédiate dont les apparences
traduiraient une structuration interne objective, directement accessible à l'analyse
de l'investigateur. Sociolinguistiquement du moins, la langue n'a d'existence que
dans la représentation que s'en font ses locuteurs et c'est selon leurs perspectives,
en quelque sorte de l'intérieur, qu'elle doit être examinée. Nous tenterons d'esquis
ser ici une telle recherche en nous fondant sur les modes d'appropriation de la
langue importée par les communautés qui en font usage. Ces modes sont multiples
en leur détail, mais notre hypothèse est qu'ils répondent dans leur ensemble à un
double besoin : satisfaire aux exigences d'une société en mutation socioéconomique
et sociopolitique (appropriation « fonctionnelle ») et intégrer cet instrument
linguistique indispensable aux besoins langagiers de ses utilisateurs (appropriation
« vernaculaire »). La seconde forme d'appropriation est à la fois une conséquence
11 succès de la première et son contraire ; dans la mesure où la langue importée est du
devenue commune (en droit, sinon en fait) à l'ensemble de la population des pays
concernés, parce que la structuration étatique (elle aussi importée) est désormais
conçue comme le cadre inévitable d'accès à la modernité, de tous désirée, elle cesse
d'être un objet de compétence individuelle pour devenir un bien de la communaut
é ; en d'autres termes, elle passe du statut de savoir spécialisé à celui d'outil
langagier et se trouve dès lors incluse dans un réseau diffus de lignes de force
socioculturelles. Cette conception a un intérêt méthodologique ; elle évite d'avoir à
instaurer pour la commodité de la description des variétés de langue différentielle-
ment définies et calquées sur une hiérarchisation de la société africaine en catégo
ries délimitées par des critères incertains : « élite », lettrés, semi-lettrés, analphab
ètes. Elle permet d'autre part de voir dans le français africain autre chose qu'une
variante exotique du français « central » , une sorte de compromis entre le déploi
ement de tendances incluses en ce système et attestées ici et là dans les formes
populaires de la langue et l'action conservatrice d'un purisme sourcilleux, princ
ipalement manifesté par des directives des autorités responsables en matière de
scolarité.
Le français n'est pas pour l'habitant d'un des états francophones de l'Afrique,
quel que soit son niveau réel de compétence, une langue étrangère ; il fait partie de
son univers politique et social, dont il est même une composante principale. La
situation en ces états est analogue, toutes proportions gardées, à celle qui prévalait
en France au XVIIIe et largement encore au XIXe siècle. L'appartenance à l'état
français impliquait des droits établis et des devoirs contraignants dont l'expression
juridique, administrative, fiscale, militaire et éventuellement religieuse n'avait de
validité que dans la langue officielle, sans que cela exclût l'utilisation des langues
locales dans la vie publique et privée ; mais pour tout sujet ou citoyen, l'accès aux
fonctions de pouvoir et de responsabilité exigeait normalement la maîtrise du
français qui occupait donc une place, virtuelle ou effective, dans le répertoire de
chacun. Il en va de même dans l'Afrique francophone où la légitimité du français,
même là où de grandes langues dominantes assument l'essentiel des besoins de
communication, n'est pas mise en question sinon sur le plan des principes et par une
minorité déjà privilégiée. Cette reconnaissance implicite constitue en elle-même une
forme d'appropriation qui se concrétise dans l'acceptation d'une complémentarité
institutionnelle des domaines d'emploi. Cette complémentarité s'effectue de façon
variable selon les configurations sociolinguistiques où elle est insérée ; le champ
accordé au français est certes plus vaste dans les pays plurilingues qu'en présence
d'une langue commune, ethnique ou véhiculaire, mais l'équilibre n'est tenu pour
acquis que dans la mesure où les secteurs de haute technicité politique, économi
que, scientifique ou sociale sont gérés en français. П у a une logique à ce parti-pris ;
l'autorité responsable a besoin d'un mode de transmission de l'information qui
demeure efficace en tous ses points d'application, qui échappe aux distorsions des
traductions successives et dont les ressources soient adaptées au contenu même
qu'il doit véhiculer. Les dispositions du code civil ou les préceptes d'hygiène ne sont
pas exprimables sans commentaires ni circonlocutions dans le parler de gens ayant
du droit ou de la maladie des conceptions très différentes de celles qui ont cours
12 une société soucieuse d'accéder à la modernité. Il ne fait aucun doute que dans
toute langue soit susceptible de s'adapter à de telles transformations sociales et
techniques. Encore faut-il que celles

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