Problèmes et conflits lexicographiques - article ; n°1 ; vol.43, pg 4-26
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Description

Langue française - Année 1979 - Volume 43 - Numéro 1 - Pages 4-26
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alain Rey
Simone Delesalle
Problèmes et conflits lexicographiques
In: Langue française. N°43, 1979. pp. 4-26.
Citer ce document / Cite this document :
Rey Alain, Delesalle Simone. Problèmes et conflits lexicographiques. In: Langue française. N°43, 1979. pp. 4-26.
doi : 10.3406/lfr.1979.6160
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1979_num_43_1_6160Alain Rey
Simone Delesalle
PROBLÈMES ET CONFLITS
LEXICOGRAPHIQUES
« Un dictionnaire commencerait à partir du
moment où il ne donnerait plus les sens, mais les
besognes des mots. »
Georges Bataille, Documents.
1 . Approches du « dictionnaire culturel ».
1.1. La théorie du dictionnaire, réflexion systématique sur un objet
empirique complexe, s'est organisée tout récemment. Avant le xixe siècle, en
effet, seuls les praticiens qui élaboraient ce type d'ouvrage se donnaient la
peine de commenter leur travail. Encore s'agissait-il, en général, d'artisans
intellectuels, mus par des intentions variables et souvent opposées, dirigés par
des conceptions très différentes de leur objet.
Cependant, les Factums de Furetière, la Préface du Dictionnaire aca
démique de 1694, celle que rédigea Samuel Johnson pour son propre diction
naire, puis quelques textes des frères Grimm, de Murray ou de Littré consti
tuent une préhistoire significative à la métalexicographie.
Quant à la critique concrète des dictionnaires, qui aurait pu et dû
préparer les voies à cette théorie, elle est d'abord muette : le dictionnaire
sert, c'est quasiment un objet technique et on ne le commente guère. Lors
qu'elle s'exprime, cette critique est débile. Étudiant le sort du Littré dans la
presse, depuis sa parution et jusqu'à nos jours, on constate aisément que,
dans et entre les lignes de centaines d'articles révérencieux, plats ou pompeux,
à peu près rien n'est dit1.
Comme la critique littéraire, celle des ouvrages didactiques, notam
ment du dictionnaire et de l'encyclopédie, est tributaire de l'intuition et de
l'impressionnisme. Elle répond à une vocation ďeffet social qui donne nais
sance à des discours thuriféraires ou polémiques, et où une base objective et
une information suffisante seraient plutôt un obstacle qu'une aide.
Certes, les historiens de la langue, tels Ferdinand Brunot pour le
français, s'occupent remarquablement des dictionnaires, mais ils n'y voient
guère qu'un instrument pour observer le lexique en évolution. Non plus qu'un
astronome ne se sent tenu d'étudier lunettes et télescopes, l'historien du
lexique ne se soucie pas de la machine qui l'aide à décrire un état des voca
bulaires, ou à constater des insuffisances descriptives. Cependant, l'astr
onome a besoin des fabricants d'instruments, et il serait bon qu'il collabore
avec les théoriciens de l'optique, seuls capables d'améliorer son outil.
Apparaissent enfin dans les dernières décennies — surtout après
1 950 — des intérêts explicites pour l'objet dictionnaire. Ils sont d'abord le fait
1. A. Rey, 1970. des lexicographes eux-mêmes, mais ceux-ci ont du mal à considérer une pra
tique qui les absorbe par ses multiples difficultés quotidiennes. Plus rarement,
des linguistes envisagent avec quelque condescendance les procédés et procé
dures de la description, qu'ils évaluent à l'aune des théories les plus récentes,
et souvent les plus fragiles, les moins assimilées, de la linguistique.
Il fallait pour avancer qu'une rencontre se ménage entre les prati
ciens théorisants (aprçs l'Espagnol Julio Casarès, ce furent surtout des lex
icographes français et d'Europe centrale), les linguistes ou les logiciens que
le sujet intéressait, enfin les historiens du genre. Il a donc fallu, tout simple
ment, que des linguistes confirmés se mettent à concevoir et à rédiger des dic
tionnaires (dictionnaires ethnolinguistiques aux États-Unis, dictionnaires
unilingues pédagogiques ou « culturels » en France, etc.) et que des lexico
graphes expérimentés se mettent à réfléchir « linguistiquement », puis
« sémiotiquement » sur ce type de discours métalinguistique. Mais la ren
contre entre ces deux types de pratique n'est pas orientée d'une théorie à une
application. Dans cette affaire, on oublie trop l'existence pratique du
théoricien, car l'objet qu'elle élabore (la « théorie ») se donne, de manière
scientiste, comme une image du réel, sinon du vrai, plutôt que comme une
construction aléatoire et partiellement arbitraire, caractères que le prati
cien lexicographe reconnaît volontiers à sa tekhnê. Cette rencontre corres
pond aussi à une confrontation épistémologique : celle des modèles, plus ou
moins formels, mais en principe cohérents et destinés seulement à fournir une
connaissance, et celle des images sociales, toujours complexes, largement
intuitives, provoquées par des finalités pragmatiques et sous-tendues par des
systèmes de valeurs socio-historiques. Lorsqu'un sémanticien comme Wein-
reich examinait et critiquait la définition lexicographique (Weinreich, 1954,
1960), il tentait, avec une « naïveté supérieure » de ramener au modèle issu
de son expérience théorique le produit incertain, mais tourné vers l'efficacité
sociale, d'une activité beaucoup plus ancienne que la linguistique. Cette
activité est fondée en théorie, théorie archaïque, non pas inacceptable,
mais insérable dans notre vision des connaissances, à condition de la cri
tiquer.
A l'inverse, quand un lexicographe manipule avec plus ou moins de
maîtrise les concepts de la sémantique linguistique, ceux de l'analyse « compo-
nentielle » ou de la sémantique générativiste, par exemple, il est rapidement
coincé entre le désir d'accéder à la cohérence (à condition qu'il ait conscience
des incohérences de la description) et l'obligation de continuer à produire des
textes utiles, utilisables. Il est écartelé entre la prise des consciences des
imperfections et l'insuffisance des modèles imprudemment proposés pour
rendre compte d'une réalité empirique complexe, et qui n'est pas seulement
celle du langage.
Cette réalité est un ensemble d'activités et de systèmes langagiers et
culturels : une sémiotique. Quant au dictionnaire lui-même, c'est un texte méta-
sémiotique. En effet (en termes hjelmsléviens) le plan de son contenu est lui-
même une sémiotique, articulant un plan de l'expression — une langue et
son lexique, des usages et leurs vocabulaires, certains discours et leurs
occurrences — à un plan du contenu — un univers exprimé, des visions cultu
relles du monde, des articulations conceptuelles correspondant à des classes
extensionnelles — . Ce « contenu du contenu » est mal connu. Les théories
sémiotiques (le mot correspondant alors à la science, et non à l'objet)
commencent à explorer ces « systèmes modelants secondaires » qui font que les discours d'un groupe social s'organisent sémantiquement selon ce
qu'on nomme « cultures » et « idéologies ». Le reflet de ce contenu dans
la métasémiotique du dictionnaire est très variable. Il sera question ici du
reflet maximal, celui qui se développe dans les grands dictionnaires uni-
lingues décrivant, dans l'histoire, à la fois un système langagier sous cer
tains aspects, ses sous-systèmes pertinents (« usages ») et les jugements
qui les articulent en « norme », enfin des discours sélectionnés véhiculant
les idées de la culture, plus ou moins organisées en discours accepté (la
doxa et ses paradoxes), en stéréotypes, en idéologies...
La voie d'accès qui permet d'appréhender la métasémiotique du dic
tionnaire est une forme : c'est cette forme qui caractérise le genre par rap
port à l'encyclopédie, aux manuels, aux grammaires, et à toutes les construc
tions discursives dont le plan du contenu est lui-même un système signifiant,
y compris la théorie linguistique.
1.2. Le dictionnaire de langue peut prendre pour objet deux réalités
distinctes, qui entraînent deux types de description. En effet, il ne faut pas
confondre la composante lexicale d'un mod&

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