Rapport d'information fait au nom de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à la suite d'une mission effectuée du 18 au 23 avril 2004 en Russie
Intervenant quelques semaines après la réélection de Vladimir Poutine, en mars 2004, la mission de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées coïncidait avec le double élargissement de l'OTAN et de l'Union européenne. Le présent rapport fait le point sur la situation intérieure de la Russie (renforcement du pouvoir présidentiel, économie fragile malgré l'apport des hydrocarbures, problème du conflit tchétchène) et les relations entre la Russie, l'OTAN et l'Union européenne. Il revient également sur la politique extérieure de la Russie (renforcement de l'influence au sein des pays de la CEI, rapprochement avec les pays occidentaux pour des raisons économiques).
Paternité, pas d'utilisation commerciale, partage des conditions initiales à l'identique
Langue
Français
Extrait
N° 317 ____________ S É N A T
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 mai 2004
RAPPORT DINFORMATION FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces
armées (1) à la suite dunemissioneffectuée du18 au 23 avril 2004enRussie,
Par MM. André BOYER, Claude ESTIER, Jean PUECH et Xavier de VILLEPIN,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de :M. André Dulait,président ; Picchia, Del Robert MM. Jean-Marie Poirier, Guy Penne, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer,vice-présidents MM. Simon ; Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret,secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Bernard Mantienne, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon. Europe. Asie
Mesdames, Messieurs,
1 la liste des personnalités rencontréesVoir annexe en
Ces contacts ont été complétés par des rencontres avec des journalistes français ainsi que des représentants de nos entreprises installées en Russie. Enfin, tout au long de cette visite, la délégation a bénéficié de lassistance et des éclairages très précieux de lAmbassadeur de France à Moscou, M. Jean Cadet, et de ses collaborateurs, auxquels elle tient à exprimer sa plus vive gratitude.
INTRODUCTION
Conduite par M. André Boyer, vice-président de la commission, cette délégation était également composée de MM. Claude Estier, Jean Puech et Xavier de Villepin.
Du 18 au 23 avril 2004, une délégation de votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées sest rendue en Russie en vue principalement de mieux évaluer la situation politique intérieure après la réélection du président Poutine et danalyser les grandes évolutions de la politique extérieure et de la politique de défense russes.
- des conseillers du président Vladimir Poutine , notamment le secrétaire du Conseil de sécurité, M. Igor Ivanov ;
Ce déplacement a permis détablir des contacts avec de nombreuses personnalités russes1, à savoir : - à la Douma et au Conseil de la Fédération, des parlementaires membres des commissions compétentes en matière daffaires étrangères et de défense ;
- des responsables de lÉtat-major général des armées ;
- au ministère des Affaires étrangères, le vice-ministre, M. Troubnikov, et plusieurs directeurs du ministère ;
- des experts, universitaires ou chercheurs.
En dehors des entretiens sur les questions politiques, qui constituaient lobjet principal de la mission, la délégation a assisté depuis le Centre de contrôle des vols, dans la périphérie de Moscou, à larrimage dun vaisseau Soyouz à la station spatiale internationale, ce qui lui a permis daborder les différents enjeux de la coopération franco-russe et russo-européenne dans le domaine spatial1.
Par ailleurs, la délégation a effectué un déplacement dune journée à Samara, où elle a notamment rencontré le gouverneur de la région, M. Konstantin Titov, et le président de lAssemblée législative régionale, M. Victor Sazonov, au cours dentretiens consacrés au rôle des pouvoirs régionaux au sein de la Fédération. À Samara, la délégation a également visité lune des 6 Alliances françaises de Russie, où seffectue un remarquable travail autour de la langue française.
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Ce début dannée 2004 constituait à bien des égards un moment particulièrement opportun pour réaliser une mission dinformation en Russie.
Avec le renouvellement de la Douma en décembre 2003, puis la réélection de Vladimir Poutine le 14 mars dernier, lhorizon politique des quatre prochaines années est clairement dégagé. Il se caractérise, pour lexécutif, par une assise sans précédent depuis leffondrement de lUnion soviétique. Le renforcement du pouvoir présidentiel alimente, dans le monde occidental, un débat sur lévolution du régime, entre ceux qui sinquiètent dun possible retour à des pratiques autoritaires et dautres qui soulignent le besoin dune remise en marche de lappareil dEtat. Mais au delà de ce débat se pose la question de la capacité des autorités à engager la Russie, au cours de ce second mandat, sur la voie de la modernisation économique et sociale.
Le printemps 2004 marque également lélargissement de lUnion européenne et celui de lOTAN. Ce processus était en marche depuis de nombreuses années, mais nous commençons désormais à mesurer très concrètement les conséquences du voisinage direct entre la Russie et deux entités où nous ont rejoint danciens pays satellites et les trois pays baltes, issus de lURSS. Cette recomposition majeure du continent européen nourrit en Russie des appréhensions et parfois même des griefs dont la délégation a reçu un large écho durant ses contacts. Elle impose un dialogue approfondi dont le cadre institutionnel a été mis en place, tant avec lUnion européenne quavec lOTAN.
Enfin, la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, reste un acteur important sur les grands sujets internationaux. La lutte contre le 1 Voir en annexe une présentation de la coopération spatiale franco-russe et de ses perspectives.
terrorisme a bien entendu influé sur sa relation de sécurité avec les pays occidentaux. Par ailleurs, des évolutions significatives sont intervenues dans ses rapports avec son environnement immédiat, au sein de la Communauté des Etats indépendants, auxquels elle accorde une priorité marquée.
Le présent rapport sattachera a présenter succinctement les principales impressions recueillies par la délégation dans ces différents domaines et traitera successivement de la situation intérieure au début du second mandat de Vladimir Poutine, des relations avec lUnion européenne et lOTAN élargies et enfin des ambitions de la Russie dans sa politique extérieure, notamment à légard des pays de la CEI.
I.LA SITUATION INTÉRIEURE EN RUSSIE À LAMORCE DU SECOND MANDAT DE VLADIMIR POUTINE
Le second mandat de Vladimir Poutine sengage dans un contexte de renforcement considérable du pouvoir présidentiel alors que la situation économique et financière sest améliorée, en grande partie en raison des exportations pétrolières. Ses enjeux se concentrent sur la mise en oeuvre de profondes réformes de modernisation administrative et économique, en vue de faire franchir à la Russie une étape décisive de sa transition. Le conflit tchétchène, que les autorités souhaitaient contenir en transférant sa gestion aux autorités locales, donne cependant à nouveau des signes de dégradation.
A.UN POUVOIR PRÉSIDENTIEL CONSIDÉRABLEMENT RENFORCÉ
1.La double séquence électorale de 2003-2004 : un succès massif pour Vladimir Poutine
Lascendant pris par Vladimir Poutine au fil de son premier mandat sest concrétisé avec force lors desélections législatives du 7 décembre 2003qui ont assuré unemajorité massive à Russie unie, le parti constitué autour du soutien à sa personne.
Si lon a constaté un fléchissement de la participation électorale1 , attribué à la faible incertitude pesant sur le résultat final et à un réel désenchantement des citoyens vis à vis de la classe politique, le succès du parti présidentiel est néanmoins particulièrement net, du fait de laffaiblissement ou de lélimination de ses principaux rivaux. Le parti communiste a perdu la moitié de ses voix et presque tout autant en sièges, et les partis libéraux, divisés, natteignent pas le seuil requis pour lattribution de sièges au scrutin de liste. Les formations développant des thèmes nationalistes, populistes et protestataires enregistrent en revanche une poussé significative -quil sagisse du parti libéral-démocrate de Vladimir Jirinovski ou de Rodina (la Patrie), nouveau mouvement qui a capté une partie de lélectorat communiste - mais elles apparaissent davantage en convergence quen opposition avec le Kremlin.
Dans la nouvelle Douma, la fraction parlementaire Russie unie totalise ainsi300 des 450 sièges, le restant se répartissant entre le parti communiste (52 sièges), le parti libéral démocrate (36 sièges), Rodina (26
1taux de participation sest élevé à 55,8% contre 61,9% aux élections législatives de 1999.Le
sièges) et les non-inscrits (23 sièges)1. Russie unie atteint la majorité des deux tiers, nécessaire pour toute révision constitutionnelle, et linfluence de lexécutif semble en mesure de sexercer au delà de ce seul groupe parlementaire.
Intervenant trois mois après le renouvellement de la Douma, lélection présidentiellefaisait figure de formalité, en labsence de réelle concurrence. Cest dailleurs à la fin du mois de février, trois semaines avant le scrutin, que Vladimir Poutine a nommé un nouveau premier ministre et remanié le gouvernement, anticipant sur le renouvellement de son mandat acquis le 14 mars avec71% des voix et un niveau de participation suffisant (64%) pour valider cette élection au 1ertour.
2.Dérive plébiscitaire ou restauration de lautorité de lEtat ?
Depuis la fin de lUnion soviétique, jamais un exécutif na disposé dune assise aussi solide et jamais les contrepouvoirs nont paru aussi faibles. Labsence ou la marginalisation, dans le débat public, de formations représentant les sensibilités libérales et sociales-démocrates, laisse la totalité de lespace politique au Président.
Cette situation nouvelle, dont les prémices étaient clairement perceptibles au cours des dernières années, a alimenté undébat sur lévolution du régime Faut-il parler, comme certains lui-même. commentateurs, dune dérive plébiscitaire, voire autoritaire ?
Sagissant dudéroulement des deux scrutins successifs, on peut constater quil na pas donné lieu à des irrégularités massives ou manifestes qui auraient faussé le résultat final, tout en estimant quelégalité des chances entre les différentes formations nétait pas pleinement assurée. Les difficultés rencontrées par certains candidats, le recours à la « ressource administrative », euphémisme désignant les pressions de diverse nature exercées par les autorités, mais surtout le traitement non équitable des différents partis et candidats dans les médias contrôlés par lEtat, comme la souligné la mission internationale dobservation des élections constituée sous légide du Conseil de lEurope et de lOSCE, semblent avoir contribué à réduire la concurrence et à amplifier la victoire de lexécutif.
Plus généralement, le lien étroit entre la télévision dEtat et lexécutif comme le ton de moins en moins critique de la presse nationale, au demeurant peu diffusée hors des grandes métropoles, renforcent limpression dun
1 À la veille des élections, le Douma comportait 142 députés de Russie unie, 83 communistes pouvant compter sur le renfort de 43 agrariens, 48 libéraux répartis entre lUnion des forces de droite et Iabloko, 14 libéraux-démocrates, 16 indépendants et 90 députés répartis dans deux groupes de centre-droit (parti du peuple et régions de Russie).
affaiblissement du débat démocratique, accentué par labsence de parti politique susceptible de défendre une alternative crédible.
Dans un autre domaine, larrestation du président de la compagnie pétrolière Ioukos, M. Khodorkovski, qui ne cachait pas son soutien aux formations politiques libérales, a montré que le pouvoir nhésitait pas à user de la manière forte. Lerôle de premier plan occupé par les hommes provenant des « structures de force » police, service de renseignement), les (armée, «silovikiPrésident Poutine est lui-même issu, est également», dont le fréquemment cité à lappui des craintes relatives à un raidissement du régime, tout comme les méthodes employées par les forces de sécurité dans le conflit tchétchène.
Tous ces éléments dénotent, sur nombre de points, desécarts sensibles avec les standards de la démocratie pluraliste, lesquels, il est vrai, nont guère eu loccasion dêtre pleinement mis en oeuvre en Russie.
Pour autant, la délégation croit pouvoir dire que le résultat des élections législatives et présidentielle traduit unréel soutien populaire à Vladimir Poutine, confirmé dailleurs par toutes les enquêtes dopinion, même si labstention élevée en réduit la signification.
Son image dhomme politique moderne, travailleur, réactif, reconnu et écouté sur la scène internationale, tranche évidemment avec celle, très dégradée, de son prédécesseur.
Les dernières années de la présidence Elstine ont été marquées par linstabilité politique, avec cinq changements de premier ministre en un an et demi, les scandales affectant la famille et les proches du président et les effets de la crise financière de lété 1998.
À linverse, Vladimir Poutine peut incarner, aux yeux de la population, la restauration de lautorité de lEtat, y compris au travers des manifestations dautorité dont il a fait preuve. Il bénéficie également dune amélioration de la conjoncture économique qui a par exemple permis dassurer le paiement régulier des traitements et pensions, mettant fin à lun des dysfonctionnements les plus flagrants des pouvoirs publics.
Aussi a-t-on pu parler à propos du régime politique actuel de la Russie de« pouvoir hybride », combinant un cadre institutionnel démocratique et des pratiques propres aux exécutifs forts, limitant de fait lespace dévolu à lexpression des sensibilités divergentes.
Force est de constater que la personnalité énigmatique de Vladimir Poutine continue dalimenter les interrogations sur lévolution de la Russie vers les valeurs démocratiques occidentales, ou à linverse, vers la restauration de pratiques autoritaires.
3. les objectifs ambitieux du second :Moderniser la Russie mandat présidentiel
Bien que disposant à la Douma de la majorité qualifiée nécessaire, Vladimir Poutine a indiqué à plusieurs reprises quil nenvisageait pas de faire réviser la Constitution pour obtenir le possibilité de briguer un nouveau mandat en 2008. Ce second mandat, qui pourrait donc, dans cette hypothèse, être le dernier, sera véritablement révélateur du projet politique quil poursuit et sur lequel il a entretenu, jusquà présent, une certaine ambiguïté.
Fort dune solide majorité parlementaire, Vladimir Poutine a constitué ungouvernement compact de 16 ministresprésentant deux caractéristiques : une composition reflétant laccentuation de la prééminence du Présidentet une structure préfigurant lambitieuse réforme administrative voulue par celui-ci.
Sur le plan des hommes, linfluence des derniers représentants de la période Elstine sestompe au profit de personnalités plus directement liées au Président. Un équilibre est établi entre les tenants du libéralisme économique, partisans de la réforme et du rapprochement avec le monde occidental, les hommes formés dans les « structures de force », plus conservateurs et attachés à un Etat fort, et enfin des ministres techniciens. Le nouveau premier ministre, Mikhail Fradkov, jusqualors représentant de la Russie auprès de lUnion européenne, apparaît comme un homme neuf, ne tirant sa légitimité que de la confiance présidentielle, mais fort dune expérience conséquente dans ladministration et les relations économiques extérieures.
Sur le plan des structures, ce gouvernement « resserré » sinscrit dans uneréforme administrative de grande ampleur visant à réduire de 20% le poids de ladministration fédérale, réorganisée en trois strates. Moins nombreux, les ministères seront « recentrés » sur des fonctions stratégiques visant à définir les politiques générales et leur cadre normatif. La deuxième strate comportera les services et les agences en charge de lexécution, sous la tutelle de chaque ministère. La troisième strate est celle des services fédéraux en charge du contrôle. Lobjectif de cette réforme est de renforcer la responsabilité des ministres et des hauts fonctionnaires.
Le « chantier » de la modernisation administrative sera lun des axes importants du prochain mandat. Outre la réorganisation de ladministration fédérale, il comportera un important volet concernant lespouvoirs locaux. Lors de son déplacement dans la région de Samara et de ses contacts avec les autorités locales, la délégation a ainsi pu mesurer la sensibilité du débat en cours sur lanouvelle répartition des ressourcesentre les différents échelons territoriaux et la péréquation entre les régions. À moyen terme, une simplification de la carte administrative est également recherchée, par une diminution du nombre de sujets de la fédération et une homogénéisation de
leur statut. Enfin, lamélioration de lefficacité de ladministration impliquera aussi de faire reculer la corruption, très répandue du fait de la modestie des rémunérations dans la fonction publique.
Lélévation du niveau de vie, par lamodernisation économique et sociale du pays, constitue la priorité essentielle du prochain mandat, le président Poutine ayant fixé au printemps 2003 lobjectif dundoublement du PIB en dix ans.
De ce point de vue,lorientation des autorités gouvernementales est clairement libérale. Ladaptation du cadre légal et fiscal a déjà été engagée et devra être poursuivie de manière à encourager le développement de linvestissement et de lactivité.
Le programme assigné au nouveau gouvernement comporte une poursuite de lallègement de la pression fiscale et des charges sociales, la modernisation du secteur bancaire pour faciliter laccès au crédit, une réforme du système de santé et des régimes de retraite, lintroduction de la concurrence dans les services publics locaux.
Le gouvernement entend en revanche conserverun rôle régulateurde premier plandans le secteur stratégique de lexploitation des ressources naturelles. De ce point de vue, laffaire Ioukos a moins été interprétée comme le signe dune volonté de « renationaliser » les grands groupes énergétiques et miniers que comme la démonstration que le pouvoir central, au nom de lintérêt national, nentendait pas leur laisser une totale autonomie.
B.UNE ÉCONOMIE SOUTENUE PAR LA MANNE PÉTROLIÈRE MAIS ENCORE FRAGILE
1.Le rétablissement des indicateurs macroéconomiques
Sur le plan économique, le premier mandat de Vladimir Poutine sest achevé sur des résultats positifs attestés par lévolution très favorable de tous les indicateurs macro-économiques.
Depuis 1998, le PIB sest accru de 40% et le niveau de la production industrielle de 45%. Lacroissance demeure soutenue, avec un rythme annuel supérieur à 6% depuis 1999 et un gain de 7% en 2003.
Lebudgetet lescomptes extérieurssont excédentaires,la dette publique se résorbe. Sagissant du budget de lEtat, lexcédent représentait 1,4% du PIB en 2002 et 1,7% en 2003, ces surplus étant transférés à un fonds de stabilisation budgétaire. Lexcédent des paiements courants, dû notamment aux exportations de produits énergétiques, a permis une reconstitution rapide
des réserves de changes. Procédant à des remboursements anticipés, la Russie est parvenue à réduire considérablement sa dette extérieure, passée en dessous de 40% du PIB.
Par ailleurs, certains des signes les plus tangibles de la crise de 1998 sont effacés. Les arriérés de salaires nont plus cours dans la fonction publique et la part des échanges réalisés sous forme de troc ne représenterait plus que 15% du total des transactions, au lieu des deux tiers lors de la crise.
2.Lapport considérable des hydrocarbures
Pour une large part, les bons résultats de léconomie russe proviennent dusecteur énergétique, grâce à laugmentation du volume des exportations et à la hausse des cours du pétrole.
Selon les statistiques officielles, les secteurs pétrolier et gazier représentent à eux seuls 12% du PIB, près de 40% des recettes fiscales et environ la moitié des exportations. Une augmentation du prix du baril de 1 dollar représenterait donc 0,5 point de PIB et environ 6% de recettes supplémentaires pour le budget. Les experts de la Banque mondiale1 estiment pour leur part que le secteur énergétique représenterait près de 25% du PIB, ce qui mettrait en évidence unedépendance encore plus grandede léconomie vis à vis des exportations énergétiques et de la fluctuation des cours.
Lévolution des cours du pétrole a donc considérablement favorisé le redressement des indicateurs macroéconomiques ces dernières années. Toutefois, comme dans beaucoup de pays producteurs, la « rente pétrolière » saccompagne deffets pervers : elle pénalise la diversification de léconomie, retarde certaines réformes structurelles et rend la situation économique très dépendante de variables extérieures, ce qui a dailleurs motivé la création dun fonds de stabilisation alimenté par les excédents budgétaires. Lune des conséquences de labondance en ressources naturelles et du contrôle étatique de leur prix de vente est la permanence dindustries extrêmement consommatrices en énergie, fonctionnant avec des technologies dépassées.
Les mesures fiscales mises en oeuvre par les autorités visent à accroître la taxation des exportations des secteurs rentiers, essentiellement le secteur pétrolier, pour alléger celle des secteurs de transformation et de services, ainsi que limpôt sur le revenu.
1Voir le rapport annuel sur léconomie russe publié en février 2004 par la Banque mondiale.
3.La persistance des faiblesses structurelles
Lévolution globalement favorable de léconomie russe nentame pas la persistance de faiblesses structurelles.
Leniveau dinvestissement trop faible pour soutenir la est compétitivité de lindustrie nationale, et il na été quirrégulièrement soutenu par les investissements étrangers, prioritairement orientés vers le secteur énergétique. Les investissements directs étrangers ont chuté après la crise financière de 1998. En 2002, le flux dinvestissement étranger représentait 3 milliards de dollars, contre 4,9 milliards de dollars en 1997. Selon la CNUCED, la Russie naccueillait en 2002 que 8,4% des investissements étrangers en Europe centrale et orientale. La BERD a estimé que sur la période 1989-2002, les investissements directs étrangers cumulés rapportés au nombre dhabitants étaient de 1.767 dollars pour lEurope centrale et les pays baltes, de 242 dollars en moyenne pour les pays de la CEI, la Russie narrivant quau dixième rang parmi ces derniers, avec 48 dollars dinvestissements étrangers par habitant.
Beaucoup dinfrastructures de basedemeurent délabrées et les besoins collectifs sont considérables dans le secteur de la santé, du logement, des transports ou de lenvironnement.
Enfin, si lon constate lémergence dune classe moyenne, une large partie de la population vit dans des conditions précaires, la hausse globale des revenus masquant de fortes disparités. Les professions intellectuelles ou les salariés du secteur non marchand ont vu leur situation relative régresser, alors que certains « filets de protection » ont disparu avec lUnion soviétique. Plus dun quart de la population vivrait sous le seuil de pauvreté.
Lun des principaux défis du prochain mandat consistera donc à traduire en progrès concrets les bénéfices de lassainissement financier et de la rente pétrolière. Lorientation libérale de la politique économique ne devrait pas être remise en cause même si lexécutif semble vouloir mettre un frein aux excès dun capitalisme sauvage dont ont profité les oligarques, et surtout assurer un certaincontrôle national sur le secteur stratégique des matières premières.
Les perspectives économiques de la Russie restent toutefois assombries par un facteur majeur : ladétérioration de la situation démographique. Les résultats officiels du recensement doctobre 2002 attribuent à la Russie 145,2 millions dhabitants et font apparaître pour la première foisun recul de la populationqui était de 147 millions dhabitants, en 1989, dans les frontières de la Russie actuelle. Les projections démographiques établies par les Nations-Unies à partir des tendances démographiques récentes retiennent pour hypothèse, à lhorizon 2050, une