Ravies et coupables - article ; n°2 ; vol.96, pg 697-726
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Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité - Année 1984 - Volume 96 - Numéro 2 - Pages 697-726
Denise Grodzynski, ~~Ravies et coupables. Un essai d'interprétation de la loi IX, 24, 1 du Code Théodosien~~, p. 697-726. La loi IX, 24, 1 du Code Théodosien punit la jeune fille du rapt qu'elle a subi. Constantin par cette loi de 320 entend démontrer qu'aucune femme ne peut être totalement innocente. Puella, nourrice, complice féminine du rapt, toutes seront désormais châtiées mais à des degrés différents d'atrocité. Pour se justifier de punir, pour la première fois, des femmes victimes, Constantin leur attribue une responsabilité qu'elles n'auraient jamais eue dans le passé. Autre chose intervient; sous le mot raptus se cachent des éléments différents. Aux IIe et IIIe siècles le «rapt» n'est conçu que comme viol et brutalité sexuelle alors que le «rapt» envisagé par Constantin est un illé- (v. au verso) gitime prélude au mariage, utilisé par les jeunes gens et les jeunes filles en l'absence du consentement des parents. Dès lors droit privé et droit pénal sont inextricablement mêlés. Mais si le consentement des parents est toujours requis pour le mariage d'une jeune fille, même au VIe siècle seule la législation du Code Théodosien châtie les femmes enlevées. Justi-nien, en 528, décrète que les femmes ne pouvant qu'être séduites, ne sont jamais responsables. La culpabilité reste au masculin.
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Denise Grodzynski
Ravies et coupables
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 96, N°2. 1984. pp. 697-726.
Résumé
Denise Grodzynski, Ravies et coupables. Un essai d'interprétation de la loi IX, 24, 1 du Code Théodosien, p. 697-726.
La loi IX, 24, 1 du Code Théodosien punit la jeune fille du rapt qu'elle a subi. Constantin par cette loi de 320 entend démontrer
qu'aucune femme ne peut être totalement innocente. Puella, nourrice, complice féminine du rapt, toutes seront désormais
châtiées mais à des degrés différents d'atrocité.
Pour se justifier de punir, pour la première fois, des femmes victimes, Constantin leur attribue une responsabilité qu'elles
n'auraient jamais eue dans le passé.
Autre chose intervient; sous le mot raptus se cachent des éléments différents. Aux IIe et IIIe siècles le «rapt» n'est conçu que
comme viol et brutalité sexuelle alors que le «rapt» envisagé par Constantin est un illé-
(v. au verso) gitime prélude au mariage, utilisé par les jeunes gens et les jeunes filles en l'absence du consentement des parents.
Dès lors droit privé et droit pénal sont inextricablement mêlés. Mais si le consentement des parents est toujours requis pour le
mariage d'une jeune fille, même au VIe siècle seule la législation du Code Théodosien châtie les femmes enlevées. Justinien, en
528, décrète que les femmes ne pouvant qu'être séduites, ne sont jamais responsables.
La culpabilité reste au masculin.
Citer ce document / Cite this document :
Grodzynski Denise. Ravies et coupables. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 96, N°2. 1984. pp. 697-726.
doi : 10.3406/mefr.1984.1429
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1984_num_96_2_1429DENISE GRODZYNSKI
RAVIES ET COUPABLES
UN ESSAI D'INTERPRÉTATION DE LA LOI IX, 24, 1
DU CODE THÉODOSIEN
Être enlevée par un ravisseur - un raptor -, être, par conséquent, une
victime, et cependant être l'objet d'une sanction civile, imposée par une
loi pénale, tel est, à partir de 320, le sort surprenant de la jeune fille
romaine tel qu'il est fixé par une loi décrétée par Constantin (loi IX,24,1
du Code Théodosien, adressée ad populum).
Cette loi est célèbre pour les horribles châtiments qu'elle inflige. Voic
i cette loi :
«Si quelqu'un n'ayant rien stipulé préalablement avec les parents de
la jeune fille, enlevait celle-ci contre son gré ou l'emmenait, consentante,
espérant la protection de sa responsio - cette jene fille que les Anciens
avaient complètement écartée des actions en justice, des témoignages et
de toutes les affaires judiciaires à cause du défaut de légèreté et d'incon
séquence de son sexe et de son jugement — la responsio de la jeune fille ne
sera pas utile à cet homme, comme le voulait le droit ancien, mais elle-
même se trouvera plutôt engagée dans la participation d'un crime. Et
puisque la garde des parents est souvent trompée par les fables et les
conseils dépravés des nourrices, c'est elles en premier que la peine menac
era - ces nourrices dont le rôle s'est révélé détestable et le discours achet
é - aussi le canal de leur bouche et de leur gorge qui a proféré ces néfast
es encouragements sera-t-il clos par l'ingestion de plomb à l'état liquide
et si un consentement volontaire est découvert chez la jeune fille, elle sup
portera la même sévérité que le ravisseur lui-même, puisque l'impunité
ne doit pas être accordée même à celles qui sont ravies contre leur gré;
elles auraient pu en effet se préserver elles-mêmes, dans leur maison, jus
qu'au jour de leur union, et si l'audace du ravisseur a brisé les portes,
elles auraient pu, par leurs cris, demander le secours des voisins ou mett
re tous leurs efforts à se protéger elles-mêmes. Mais à celles-ci nous
imposons une peine plus légère, nous ordonnons seulement que la succes-
MEFRA - 96 - 1984 - 2, p. 697-726. DENISE GRODZYNSKI 698
sion des parents leur soit refusée. Le ravisseur, quant à lui, indubitable
ment convaincu de son crime, ne sera pas entendu s'il interjette un appel.
Si quelque esclave dénonce publiquement un crime de rapt, laissé de côté
par dissimulation ou passé sous silence par un accord, cet esclave se ver
rait donner le droit latin ou, s'il s'agit d'un Latin, il deviendrait citoyen
romain. Quant aux parents, auxquels incombe au plus haut point la ven
geance, s'ils font preuve de passivité et retiennent leur douleur, ils sont à
déporter. Nous ordonnons que les participants et les auxiliaires des ravis
seurs subissent une peine identique, sans distinction de sexe, et si parmi
eux il se trouve quelqu'un de condition servile, nous ordonnons que, sans
distinction de sexe, il soit livré aux flammes»1.
L'absurdité de cette loi saute aux yeux de Mommsen : une jeune fille
enlevée avec son consentement est néanmoins rapta ; une jeune fille enle
vée contre son gré est néanmoins punie par la loi publique2. Aussi faut-il,
1 De raptv virginvm vel vidvarvm: imp. constantinvs a. ad popvlvm. Si
quis nihil cum parentibus peullae ante depectus invitam earn rapuerit vel volentem
abduxerit patrocinium ex eius responsione sperans, quam propter vitium levitatis et
sexus molilitatem atque consili a postulationibus et testimoniis omnibusque rebus
iudiciariis antiqui penitus arcuerunt, nihil ei secundum ius vêtus prosit puellae res-
ponsio, sed ipsa potius societate criminis obligetur. Et quoniam parentum saepe cus-
todiae nutricum fabulis et pravis suasionibus deluduntur, his primum, quorum
detestabile ministerium fuisse arguitur redemptique discursus, poena immineat, ut
eis meatus oris et faucium, qui nefaria hortamenta protulerit, liquentis plumbi
ingestione claudatur. Et si voluntatis adsensio detegitur in virgine, eadem qua raptor
severitate plectatur, cum neque his impunitas praestanda sit, quae rapiuntur invitae,
cum et domi se usque ad coniunctionis diem servare potuerint et, si fores raptoris
fragerentur audacia, vicinorum opem clamoribus quaerere seque omnibus tueri
conatibus. Sed his poenam leviorem inponimus, solamque eis parentum negari suc-
cessionem praecipimus. Raptor autem indubitate convictus si appellare voulerit,
minime audiatur. Si quis vero servus raptus facinus dissimulatione praeteritum aut
pactione transmissum detulerit in publicum, Latinitate donetur aut, si Latinus sit,
civis fiat Romanus : parentibus, quorum maxime vindicta intererat, si patientiam
praebuerint ac dolorem conpr esser int, deportatione plectendis. Participes etiam et
ministros raptoris dira discretionem sexus eadem poena praecipimus subiugari, et si
quis inter haec ministeria servilis condicionis fuerit deprehensus, citra sexus discr
etionem eum concremari iubemus. dat. kal. april. aqvil(eiae) Constantino a. vi et cons-
TANTIO C. CONSS.
2 Les meilleurs juristes pénalistes :
- Th. Mommsen, Le droit pénal romain, trad, française, Paris, 1907, t. II,
p. 429 sq. et p. 385-386.
- J. Godefroy, Codex Theodosianus, Paris, 1665, t. III, p. 213 sq.
Mais pour excellents que soient ces deux auteurs, ils me paraissent légers sur
trois points : RAVIES ET COUPABLES 699
pour comprendre la nature de ce rapt, le définir immédiatement. Raptus,
ici, concerne les cas d'enlèvement de jeune fille, avec violence si elle n'y
consent pas, sans violence si elle y consent. Le rapt suppose une absence
de consentement non seulement de la jeune fille dans le second cas, mais
aussi de des personnes exerçant une puissance paternelle,
ou une tutelle, ou encore une autorité de fait explicitement ou implicit
ement reconnue sur la personne faisant l'objet du rapt. Ces personnes
n'ont évidemment pas à consentir au rapt, mais au mariage de leur fille,
petite-fille, ou de leur pupille. La virgo, n'étant pas sui juris mais in patria
potestate, a besoin du consentement de ses «parents» pour épouser un
homme. Ceci constitue la facette civile de cette loi.
Il y a lieu d'expliquer, même sommairement, en quoi consiste la
patria potestas, et quels effets elle entraîne sur les mariages des jeunes
filles : ici, en effet, le rapt tient lieu de non consentement des parents à
l'union de la puella - même si le raptor est présent avec tout son équipag
e.
Le statut de la jeune fille romaine prend place dans le cadre des dis
positions d'ensemble du droit familial en vigueur dans le monde romain.
Parmi celles-ci, il y a fondamentalement la patria potestas, c'est-à-dire
l'au

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