Six lettres inédites de Boris Pasternak - article ; n°1 ; vol.15, pg 220-233
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1974 - Volume 15 - Numéro 1 - Pages 220-233
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 14
Langue Россию
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Georges Nivat
Six lettres inédites de Boris Pasternak
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 15 N°1-2. pp. 220-233.
Citer ce document / Cite this document :
Nivat Georges. Six lettres inédites de Boris Pasternak. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 15 N°1-2. pp. 220-233.
doi : 10.3406/cmr.1974.1205
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1974_num_15_1_1205GEORGES NI VAT
SIX LETTRES INÉDITES
DE BORIS PASTERNAK
La parution du Docteur Jivago, l'attribution du Prix Nobel, Г « affaire
Pasternak » mirent brusquement le poète en rapport avec l'univers entier.
Avec une sorte d'ivresse de convalescent, le poète longtemps cloîtré
découvrait qu'il était universellement connu, aimé, admiré. L'héritage
épistolaire de Boris Pasternak n'a pas encore été rassemblé. Il est pro
bablement très important. Pour contribuer à sa future publication,
nous présentons ici six lettres inédites. Quatre sont adressées à l'écrivain
russe émigré Boris Zajcev, une à la fille de Boris Zajcev, une enfin au
sla visant français Michel Aucouturier. Quoique écrites à la hâte, ces
lettres contiennent de belles et éclatantes formules, des confirmations
et des précisions intéressantes. La joie de renouer avec la littérature
russe de l'émigration, en la personne de son doyen, le vieil écrivain Boris
Zajcev, est tout à fait évidente. Le talent subtil, le lyrisme naturel de
Zajcev enchantent l'auteur du Docteur Jivago qui, à la fin de sa vie,
répudiait avec force le « charabia » de ses premiers recueils. On retrouvera
ici certaines formules chères à Pasternak et qui déjà figuraient dans
l'Essai d'autobiographie (paru en U.R.S.S., dans la revue Novyj mir, en
1967, sous le titre « Ljudi i položenija »/« Des hommes et des situations »).
A l'époque où Pasternak écrit ces six lettres, il conçoit sa dernière œuvre,
une pièce de théâtre qui restera inachevée, Slepaja krasavica (La beauté
aveugle). « Elle sera très animée, avec des coups de feu, des révoltes,
des rendez-vous secrets. Peut-être même mélodramatique. Mais la réalité
l'est bien plus, pleine de coups de théâtre. »x A la joie de renouer avec
le monde extérieur, s'ajoutait la joie d'explorer à fond un genre nouveau :
après le roman, le drame. Et ce genre nouveau, par sa forme même,
serait un moyen d'être réaliste, c'est-à-dire non pas copier les choses,
mais les porter à ce degré supérieur de tension où elles ont l'air de parler
d'elles-mêmes.
Le poète doit être transparent, mais non l'œuvre d'art. D'elle Paster
nak exigeait la densité et l'opacité du réel. Les lettres à Boris Zajcev
reprennent ces notions fondamentales pour l'auteur du Docteur Jivago,
tout en les appliquant à l'œuvre du destinataire. Chez Zajcev, la limpidité
du style et même la limpidité de l'âme « laissent entrer » le réel, la vie,
1. Entretien de Boris Pasternak avec l'auteur de cet article (décembre 1959).
Cahiers du Monde russe et soviétique, XV, (1-2), janv. -juin 1974, pp. 220-233. LETTRES INÉDITES DE PASTERNAK 221
la couleur. Cette maison accueillante à la « substance des choses repré
sentées », c'est une nouvelle définition du « réalisme » pasternakien. Mais
il y a deux maisons : « Le réalisme des choses, du monde extérieur est
peu de choses, c'est la petite maison où nous vivons. La grande maison,
c'est la culture et l'histoire, ce sont les idées où nous vivons, bien plus
réelles que les choses. Qu'importe qu'on nous détruise la petite maison
par une bombe, ou autre chose, si déjà la grande maison n'existe plus. »x
Quant à la lettre à Michel Aucouturier, elle apporte une importante
précision sur l'influence exercée par Rilke. On voit qu'elle fut extrême2.
Pasternak a dédié son Ohrannaja gramota (Sauf -conduit) à la mémoire de
Rilke et y a joint en postface une lettre adressée au poète allemand qui
venait tout juste de mourir. La conquête pasternakienne de Yimpersonna-
lité reprend la grande tentative du Rilke de Malte ou du Livre d'heures.
Et il n'est pas jusqu'à la traduction poétique qui semble à Pasternak
un épisode de cette conquête. L'espace qui sépare le poème original du
poème « translaté » dans une autre langue, c'est l'espace même du réel,
c'est cette tension première des choses, « pleine de sens, mais taciturne »
située dans l'intervalle entre deux systèmes sémantiques. La « traduction
poétique » n'est qu'une forme plus tendue encore de cet acte essentiel :
la lecture-récréation d'un poème. C'est pour mieux explorer cet « espace
taciturne » du réel que Pasternak s'était fait traducteur. On voit d'après
la lettre à Nathalie Sollogub combien il souffrit d'être relégué par les
bureaucrates des éditions soviétiques au rôle « muet » de simple traducteur.
Quant au poète inquiet mais exalté de 1959, arpentant les champs et
les bois de Peredelkino, écoutant le « roucoulement » des trains et la
« voix » de l'espace, ce poète encore tout juvénile, mais déjà septuagénaire,
comme il nous semble, en dépit de ses propres dénégations, tout proche
du poète de Ma sœur la vie, de celui pour qui le matin une fois pour toutes
« traversa la rue » et que la vie « prit par la main »...
G. N.
Nous remercions Madame Nathalie Sollogub ainsi que Michel Aucout
urier, qui nous ont tous deux confié les lettres que nous publions.
1. Ibid.
2. Cf. I. N. Bušman, « Pasternak i Ril'ke » (Pasternak et Rilke), in Sbornik
state] posvjaščennyh tvorčestvu В. L. Pasternaka (Recueil d'articles consacrés à l'œuvre
de B. L. Pasternak), Munich, 1962. 222 GEORGES NIVAT
I
B. Pasternak à В. Zajcev
15 марта 1959 г«
Дорогой Борис Константинович, не могу Вам передать, какую
честь Вы мне оказали, как обрадовали своим письмом. Наверно
никто не догадывается, как часто я желаю себе совсем другой жизни,
как часто бываю в тоске и ужасе от самого себя, от несчастного
своего склада, требующего такой свободы духовных поисков и их
выражения, которой наверно нет нигде, от поворотов судьбы, до
ставляющих страдания близким. Ваше письмо пришло в одну из
минут такой гложущей грусти, — спасибо Вам.
О двух частностях 29-го числа, — знаю, — Вы прибавили две
новых: рад совпадению в наших днях рождения, ему обязан я Вашим
письмом.
Непременно пришлите мне Вашего «Жуковского», может дойти,
только все это дело случая, пропадают иногда мои русские письма
так что я и русским пишу подчас по-немецки, по-французски, по-
английски, как куда придется.
Вполне ли оправилась Вера Алексеевна (в своем письме Вы пишете
о ее болезни)? Чрезвычайно дорого, что Вы мне говорите о моей
книге: что бы Вы мне ни сказали, я бы все принял с величайшей
благодарностью. Но еще дороже Ваших слов сознание, что Вы книгу
знаете (как я мечтал об этом!) и что В. А. слышала ее в Вашем чтении.
Вообще лучшая награда за понесенные труды и неприятности то,
что лучшие писатели века, подобно Вам, ее читали, кто на других
языках, кто в оригинале. Воображаю сколько ошибок завелось в
тексте от перепечатки к перепечатке! Как все сказочно, как неве
роятно! Не правда ли? Пишу Вам, мысленно вижу перед собой и
глазам своим не верю. И благодарю и обнимаю.
От души всего лучшего Вам и В. А.
Борис Пастернак
I. L'écrivain russe В. К. Zajcev, né en 1881 à Orel, mort en 1972 à Paris, a eu
une longue et prolifique carrière d'écrivain. Sa première œuvre publiée date de
190 r. Il a fréquenté les milieux symbolistes, été l'ami de Leonid Andreev, Cehov,
Korolenko. Il émigra en 1922 à Berlin, vécut en Italie jusqu'à la veille de la
Deuxième Guerre mondiale, puis s'installa définitivement à Paris. Ses nouvelles
et romans (Agrafena, 1908 ; Dal' ni j kraj; La contrée lointaine, 1913 ; Zolotoj uzor/
L'jxrabesque (Žizn' Turgeneva'La dorée, 1926, vie de etc.), Turgenev, ses pièces 1932 de ; théâtre, Čehov, 1954, ses biographies etc.), ses récits d'écrivains auto
biographiques (Putešestvie GlebajLe voyage de Gleb, 1937 ; Tišina! Le silence, 1948 ;
Junosť /Adolescence, 1950 ; Dřevo žizni L'arbre de vie, 1953), s

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