Sur deux romans d Aleksandr Grin - article ; n°4 ; vol.3, pg 546-563
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1962 - Volume 3 - Numéro 4 - Pages 546-563
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Claude Frioux
Sur deux romans d'Aleksandr Grin
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 3 N°4. Octobre-décembre 1962. pp. 546-563.
Citer ce document / Cite this document :
Frioux Claude. Sur deux romans d'Aleksandr Grin. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 3 N°4. Octobre-décembre
1962. pp. 546-563.
doi : 10.3406/cmr.1962.1526
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1962_num_3_4_1526SUR DEUX ROMANS D'ALEKSANDR GRIN
A. Grin est un écrivain russe du xxe siècle relativement peu connu.
S'il est courant de dire qu'il occupe une place à part, qu'il est un isolé
dans la littérature de son temps, on ne saurait qualifier d'obscur son
destin littéraire. Il a sans doute connu une vie difficile, surtout à ses
débuts. Il n'a pas été comme beaucoup d'autres admis d'emblée dans
les rangs des auteurs patentés, disant lui-même : « Ma situation est
difficile. C'est de mauvais gré, contre leur volonté que les journalistes
et critiques russes me reconnaissent. Je suis pour eux étranger, étrange
et inhabituel »x. Il serait faux néanmoins de voir en lui un écrivain
maudit. Le volume de son œuvre qui s'étend sur la période 1906- 1932
est assez considérable. Elle a trouvé sans peine accès à l'édition.
Dès 1913 les éditions « Prométhee » publiaient un recueil de ses récits
en trois volumes. En 1929 aux éditions « Mysl' », huit des quinze tomes
prévus pour ses œuvres complètes étaient déjà sortis. Ses romans à la
fin des années vingt eurent une large diffusion et depuis la Révolution,
Grin connaissait la vie assurée d'un écrivain professionnel. Dès 1910
des critiques autorisés, tels Gornfeld ou Kranihfeld2, lui consacraient
des articles intéressés. Il fut en relation avec de nombreux écrivains qui
l'estimaient, ainsi Kuprin avant 1917. En 1922 dans ce refuge littéraire
qu'était la Maison des Arts à Pétrograd, il avait sa place dans le pr
ogramme des soirées de lectures collectives. Parmi les représentants de
la nouvelle littérature soviétique il comptait des amis et des admirat
eurs fervents, en premier lieu Oleša Paustovskij et Bagrickij, dont
certains furent très nettement influencés par lui (par exemple Oleša
dans Les trois Gros (Tri Tolstjaka). Après sa mort en 1933, un groupe
d'écrivains connus et de tendances tout à fait diverses (Asseev,
Bagrickij, Libedinskij, Fadeev, Oleša, Vs. Ivanov et d'autres)
1. In Autobiographie , in Pisateli, Moscou, Sovremennye problémy, 1928, p. 98.
2. Cf. Russkoe Bogatstvo, 1910, 3 ; Sovvernennyj Mir, 1910, 5. SUR DEUX ROMANS D ALEKSANDR GRIN 547
rédige une adresse aux Éditions d'État qui semblaient réticentes
pour réclamer la publication d'un choix ď œuvres de Grin dont la
lettre souligne la richesse et la qualité formelle. Jusqu'à nos jours ses
écrits sont réimprimés de façon assez régulière. Certains critiques
soviétiques lui consacrèrent en leur temps beaucoup d'attention, ainsi
Roskin, Slonimskij et Zelinskij dans leurs introductions aux recueils
de 1934 et 1939. Le personnage de Grin lui-même inspire des poètes :
Sajanov, Roždevenskij, Borisov3. Paustovskij, sous le nom de Gart,
fait de lui le héros de son roman Mer Noire (Černoe More), en 1943.
Le Grand Théâtre de Moscou monte un ballet sur un argument de
Grin, Les Voiles pourpres. Sans doute Grin est-il touché par la vague de
conformisme naturaliste qui sévit à partir de la fin des années quarante.
Des critiques lui reprochent son irréalisme, son cosmopolitisme. Un
certain Rittih demande : « A quoi sert un tel spectacle ? »4. Ses sup
porters littéraires sont aussi attaqués à l'occasion. Aussi bien Grin
est-il un des bénéficiaires du tournant de 1956. On le réédite abondamm
ent. Paustovskij rédige un essai fin et sensible, La Vie d'Aleksandr
Grin, souvent reproduit. Le jeune critique Ščeglov écrit dans la revue
Novyj Mirb un article passionné : « Les navires d'Aleksandr Grin ».
Grin redevient à la mode. Le cinéaste Ptuško a récemment tiré des
Voiles pourpres un film à grand spectacle.
En fait il n'y a jamais eu, sauf en quelques années maigres pour toute
la littérature soviétique, de réelle ignorance ou de mépris de Grin. Si
cet auteur est encore peu connu à l'étranger, s'il a été dans son pays
l'objet de débats animés, c'est à cause des divergences qui appar
aissaient dans l'interprétation de son œuvre. Les uns ont tendance à
l'enfermer un genre mineur, d'autres au contraire, qui furent
longtemps une petite chapelle de fervents « griniens », n'hésitent pas à
y trouver de grandes profondeurs. La vérité originale de Grin se situe
peut-être précisément au confluent de ces deux points de vue.
Les deux romans, La Chaîne d'or (1924) et La Route qui ne mène
nulle part (1929), appartiennent à la période de pleine maturité de Grin.
Depuis 1924 il s'est fixé en Crimée, à Théodosie, la ville aux tons d'aquar
elle, toute blanche face à la mer d'un vert intense. En 1930 il s'en
éloignera légèrement pour résider jusqu'à sa mort à Vieille Crimée au
milieu des fleurs, des ruines antiques, du profil apaisant de multiples
collines. Après toutes les duretés de sa biographie, l'enfance malheur
euse dans la triste bourgade de Vjatka auprès d'un père ivrogne, les
escapades faméliques vers le Sud, les pires métiers de hasard, les longs
3. Sajanov, Poésies et poèmes, Leningrad, 1939, pp. 159-161 (« Grin ») ;
V. Roždevenskij, Poésies, Moscou, 1956, pp. 121-129 (« Le vieux capitaine ») ;
L. Borisov, L'Enchanteur de Guel-Guiou, Nouvelle romantique, Leningrad, 1945.
4. Sovetskaja Muzika, 1950, 5.
5. Novyj Mir, 1956, 10. 548 с. FRioux
vagabondages misérables, les voyages tronqués, la merveilleuse révéla
tion des ports de la Mer Noire associée à la détresse matérielle la plus
complète, l'agitation révolutionnaire parmi les soldats qui devaient
le conduire en prison, sa première période de succès littéraire (qui
commence en 191 2) interrompue par la guerre, la Révolution, le typhus
qui en 1920 fait de lui un fantôme décharné, errant dans Pétrograd
affamé, glacé, désert auquel Gorki sauve la vie en lui faisant attribuer
un logement à la Maison des Arts, après tous ces épisodes dont la
nature sensible et fantasque de Grin avait souffert autant que profité,
l'écrivain est enfin entré au port. Sa réputation littéraire n'est pas
négligeable. Il a ses vifs approbateurs. Ses écrits sont publiés régulière
ment. Assis dans son fauteuil devant la fenêtre ouverte, ou bien au
cours de longues promenades au bord de la mer, ou bien enfin tandis
qu'iï invente des jeux pour les petits gamins de Théodosie, Grin a tout
le loisir de s'abandonner aux vagues de son imagination poétique.
Il a derrière lui un passé d'écrivain très substantiel. Plusieurs
volumes de récits dont les premiers remontent à 1906. Deux ouvrages
distincts : la féerie Les Voiles pourpres et le roman Le Monde brillant
écrits en 1920. Dans le temps qui sépare La Chaîne d'or de La Route
qui ne mène nulle fart, Grin compose deux autres romans, Celle qui
court sur les vagues, considéré comme son œuvre maîtresse, Djessi et
Morgjan, entreprend La Sainte Nitouche, n'abandonne pas pour autant
le genre du récit et rédige son Autobiographie.
En ces années, l'œuvre de Grin a pleinement dégagé le cycle de ses
intentions et de ses motifs originaux. Elle a tout à fait assimilé et
dépassé diverses influences. Nous sommes en présence d'une attitude
littéraire cohérente et concertée dont les lignes de forces, reprises de
livre en livre, s'organisent autour de thèmes permanents. Son trait
dominant est sans doute sa participation à plusieurs registres ou étages
de signification, convergeant de façon originale et assidue.
Au niveau de l'apparence immédiate ces romans rassemblent tous
les accessoires des ordinaires récits d'aventure qui ont plutôt leur place
dans les bibliothèques scolaires que dans l'histoire officielle des litt
ératures. Les romans de Grin sont régis par un certain nombre de
conventions f

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