Verbes supports et emploi ou absence de l article - article ; n°102 ; vol.25, pg 7-22
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Description

Langages - Année 1991 - Volume 25 - Numéro 102 - Pages 7-22
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 60
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacques Chaurand
Verbes supports et emploi ou absence de l'article
In: Langages, 25e année, n°102, 1991. pp. 7-22.
Citer ce document / Cite this document :
Chaurand Jacques. Verbes supports et emploi ou absence de l'article. In: Langages, 25e année, n°102, 1991. pp. 7-22.
doi : 10.3406/lgge.1991.1596
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1991_num_25_102_1596CHAURAND Jacques
Université de Paris XIII
VERBES SUPPORTS ET EMPLOI
OU ABSENCE DE L'ARTICLE
Une corrélation a été établie entre le déclin de la flexion nominale, héritée du latin,
et le développement de l'article en français, dont l'ancien français offre une phase
décisive 1. Cette évolution traduit un changement profond dans l'emploi du nom que ses
marques flexionnelles attachaient essentiellement dans l'état précédent à sa relation avec
le verbe et par conséquent à la phrase dont il faisait partie. Un nouveau système fait
précéder le nom de plus en plus régulièrement d'un élément, d'abord soumis à la flexion,
au moins au masculin, et, à ce titre, porteur éventuel d'une redondance. L'article défini
n'a retenu du démonstratif dont il est issu ni les évaluations spatiales, ni la relation avec
les personnes grammaticales. En revanche, il a retenu une valeur anaphorique et l'a
répandue dans le discours. D'autre part, le nom de nombre un, qui désignait la première
unité, s'est appliqué à son tour à l'objet singulier qui survenait comme à celui qui était
unique. Appel à la mémoire, ou première rencontre avec un objet mentionné, l'article
dont le nom est pourvu contribue à garantir le suivi du discours.
Le degré zéro de l'article a conservé néanmoins en ancien français de vastes champs
d'application. La quantité sous son aspect continu est restée longtemps réfractaire à
l'emploi de l'article : mangier pain « manger du pain », boire vin « boire du vin » sont des
exemples classiques. D'autre part le proverbe, qui détache une vérité générale, était peu
propre à accueillir l'article. De plus, le français classique et moderne possède un bon
nombre de locutions verbales, ou expressions à formes fixes, où l'absence d'article est
considérée comme l'une des marques du figement. En ancien français, les zones où règne
le degré zéro sont encore si considérables que les locutions verbales sans article ne peuvent
constituer des séries comparables à celles que nous connaissons.
Nous regrouperons quelques observations sur l'accueil fait à l'article dans une zone où
les conditions présentent une certaine homogénéité. Quand le verbe est un support (faire,
porter honneur vs honorer) ou un opérateur causatif en relation avec un support (faire peur
vs avoir peur), une relation particulière s'établit entre un verbe d'une valeur le plus
souvent très générale et un régime dont il attend le complément nécessaire à sa
signification. L'examen portera donc sur des régimes et laissera de côté, à moins que ce
ne soit à titre de comparaison, les exemples où le nom est sujet. Le nom, libéré de la
flexion, n'a perdu qu'une marque. Dans ceux que nous étudierons, la relation avec le
verbe sera double puisqu'elle mettra en jeu à la fois une fonction effective de régime, et
un sujet qui ne peut être que celui du verbe : l'honneur est celui que porte le sujet du
groupe faire honneur, la peur celle qu'éprouve le sujet ďavoir peur. Faire peur est lié à
avoir peur et dès l'ancien français des liens du même genre apparaissent entre faire et : faire honte, avoir honte.
Les conditions de la non-expression de l'article ont été maintes fois énumérées pour
l'ancien français. Après les noms propres, les attributs qui sont considérés comme s'en
1. Le corpus correspond aux œuvres de Chrestien de Troyes dans les éditions F. Lecoy pour le
Conte du Graal (Graal), A. Micha pour Cligès, M. Roques pour Erec et Enide, Le chevalier de la
charrette (Charrette) et Le chevalier au lion, (Yvain). Philomena est cité d'après l'édition De Roer,
Guillaume d'Angleterre d'après l'édition Wilmotte. Voir « Les verbes-supports en ancien français :
doner dans les œuvres de Chrestien de Troyes », Linguisticae investigationes 1983, p. 11-46. volontiers, sont cités les noms abstraits. Cette catégorie, qui regroupe des emplois passant
très différents, n'est pas facile à définir. Il arrive que ces noms correspondent à des
abstractions personnifiées, allégories bien établies ou occasionnelles, dont les désignations
sont parfois pourvues d'une majuscule dans les éditions. Dans Le chevalier au lion, deux
personnifications : Amors et Honte, viennent, chacune de leur côté, trouver Yvain pour
le convaincre de rester au château de la dame en dépit des dangers qu'il y court, plutôt
que de s'enfuir. Dans Le chevalier de la charrette, Malvestiez, « la lâcheté », apparaît et son
nom prend tantôt une majuscule, tantôt pas ; elle commande, elle est même à son aise
quand le chevalier lui obéit. Il est visible que ces figures représentent des forces qui
agissent et produisent des effets constatables : décision, réflexion, hésitation. Dans ces
jeux de scène que semblent goûter les écrivains médiévaux, le nom est souvent sujet ou
complément d'agent. Dans le style gnomique, resté réfractaire à l'introduction de
l'article, le degré zéro ne suggère plus forcément la personnification : Abondance de biens
ne nuit pas. Ce serait plutôt le sens du groupe verbal qui y ferait songer éventuellement :
La colère est mauvaise conseillère.
L'abstraction est considérée tantôt comme un individu insécable, tantôt comme une
matière partageable. Noms abstraits et termes désignant des quantités indéterminées ont
pu ainsi être rapprochés. Doner biauté, avoir biauté seraient apparentés sous le rapport de
la détermination à manger pain et à boire vin. Il est vrai que la beauté peut se prêter à
une évaluation quantitative. Le jeune Perceval, ébloui par l'apparition du premier
chevalier qu'il aperçoit, déclare que les Anges « n'ont pas le dixième de la beauté » de
celui qu'il a sous les yeux :
N'ont mis de beauté le disme (Graal, 147)
Une part de vin peut aussi équivaloir au dixième d'une autre. Le verbe boire de plus
avait en ancien français de nombreux emplois métaphoriques dont il est resté l'expression
avoir toute honte bue. La métaphore toutefois n'est possible que si N représente un
sentiment désagréable.
La possibilité de substituer au type précédent une phrase attributive ouvre sur un
autre aspect qui permet de regrouper une série de termes où avoir + N sans déterminant
est en relation avec être + adjectif. Ainsi s'articulent bon / bonté, corroz j correcié, duel /
dolent, hardi / hardement, honte / honteus, ire / irié, etc. Le terme désigne une qualité
durable ou un état passager. Les indications de temps et d'aspect fournies par le verbe se
combinent avec le sens du nom ou de l'adjectif. D'autres conditions semblent formelle
ment plus nettes. Le pluriel s'accompagne volontiers d'indétermination. Par exemple, à
la première rencontre des taureaux par Calogrenant, et, indirectement, par le lecteur, le
nom n'a pas été accompagné d'article :
Je trovai ... tors salvages (Yvain, 277-278)
Quand Yvain projette de reprendre le même itinéraire, puis le reprend en fait, le nom est
chaque fois précédé d'un article défini qui souligne la continuité du récit :
Puis verra les tors ( Yvain, 708)
Si vit les tors (Yvain, 794)
Ce qu'a vu Yvain est la même chose que ce qu'a vu Calogrenant. Le temps sépare les deux
perceptions et le sujet a changé, mais l'identité de l'objet n'est pas altérée. Cette
permanence reconnue a entraîné l'emploi non seulement du même nom mais de l'article
défini sans lequel l'objet aurait été un jalon moins net de l'itinéraire recommencé.
L'exemple précédent est des plus concrets. Sans le rappel d'un terme déjà mentionné, le
plurie

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