Brennos et l image des dieux : la représentation de la figure humaine chez les Celtes - article ; n°4 ; vol.136, pg 821-846
27 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Brennos et l'image des dieux : la représentation de la figure humaine chez les Celtes - article ; n°4 ; vol.136, pg 821-846

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
27 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1992 - Volume 136 - Numéro 4 - Pages 821-846
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Monsieur Venceslas Kruta
Brennos et l'image des dieux : la représentation de la figure
humaine chez les Celtes
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 136e année, N. 4, 1992. pp. 821-
846.
Citer ce document / Cite this document :
Kruta Venceslas. Brennos et l'image des dieux : la représentation de la figure humaine chez les Celtes. In: Comptes-rendus des
séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 136e année, N. 4, 1992. pp. 821-846.
doi : 10.3406/crai.1992.15165
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1992_num_136_4_15165Oc- /
COMMUNICATION
BRENNOS ET L'IMAGE DES DIEUX :
LA REPRÉSENTATION DE LA FIGURE HUMAINE CHEZ LES CELTES,
PAR M. VENCESLAS KRUTA
Diodore décrit dans un passage de sa Bibliothèque historique la des
cente des armées celtiques vers Delphes en l'an 279 av. J.-C.1. Il y
évoque l'étonnement de leur chef, Brennos, lorsqu'il se trouva dans
un temple face à des statues de dieux représentés sous une forme
humaine. Que les Grecs croient que des dieux puissent avoir un tel
aspect lui paraissait dérisoire. Rien ne permet d'affirmer l'authentic
ité de l'anecdote, mais elle exprime de manière emblématique une
attitude de refus envers l'image de l'homme, un parti pris qui est
considéré généralement comme un des traits les plus marquants de
l'art celtique.
Ainsi, Paul Jacobsthal, auteur de l'ouvrage fondamental en la matière
paru en 1944, a pu définir l'art celtique comme « un art d'orne
ments, de masques et d'animaux, sans image de l'homme »2. Il a
souligné la rigueur de ce qu'il qualifie chez les Celtes d'« orthodoxie
anti-iconique », en la comparant à l'attitude plus souple des Scythes
dans ce même domaine3. Il a évoqué aussi le contraste de cette
« abstinence » par rapport à la richesse de l'univers figuré, « gai et
bienveillant », de l'art grec d'époque orientalisante4.
Ces appréciations sont évidemment quelque peu catégoriques et
elles devraient être fortement nuancées aujourd'hui. Il n'en reste pas
moins que l'art ancien des Celtes a maintenu pendant sa longue évo
lution — du Ve siècle av. J.-C. jusqu'aux débuts de l'art chrétien
d'Irlande au vie ap. — un refus constant et délibéré de
1. Diodore, XXII, 9 : "Oxt Bpévvoç ô twv FaXaTcov (îaaiXeùç e£ç vaèv ikâùtv àpyupoûv
\tlv 9\ xpuaoûv oûSev elSev àvàtfrjfia, àydéX^axa Se (xôva Xitîiva xaî ÇuXiva xaxaXa(îcbv xaxe-
yéXaoev oti âtoix; àvi?ptO7io[ji.6pcpouç elvai Soxoôvceç "axaaav toùtouç ÇuXtvouç zz xai Xttfivouç.
2. Paul Jacobsthal, Early Celtic Art (cité plus avant par l'abréviation usuelle ECA), Oxford,
1944, p. 161 : « ... art of ornament, masks, and beasts, without the image of Man ». Ce
passage reprend presque littéralement un paragraphe de l'opuscule antérieur du même
auteur Imagery in Early Celtic Art (Sir John Rhys Mémorial Lecture, British Academy
1941), Oxford, s.d., p. 19.
3. ECA, ibid. : « The Celts were more strict and orthodox in their anticonic attitude
than the Scythians... »
4. Ibid. : « This abstinence of the Celts must be contrasted with the attitude of Greek
Orientalizing art... They did not décide for Greek humanity, for gay and friendly imagery... » 822 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
la description et de la narration. Il se manifeste le plus clairement
dans l'attitude adoptée vis-à-vis de la figure humaine.
Mieux comprendre le rôle qui est dévolu à l'image de l'homme dans
ce qui doit être considéré comme un système de communication, un
langage d'images doté de règles plus ou moins contraignantes, c'est
mieux percevoir la nature et la spécificité de l'art celtique. C'est surtout
pouvoir accéder à l'univers spirituel dont il constitue le seul enregis
trement direct.
Les racines lointaines de ce trait particulier de l'art celtique remontent
au IIIe millénaire av. J.-C. C'est l'époque où les traditions figuratives
des cultures agricoles du Néolithique et leur répertoire ornemental,
tel que nous le connaissons notamment par la poterie, disparaissent
à peu près totalement et presque partout en Europe. Cette rupture,
apparemment assez brutale, ouvre une période presque sans images,
étonnamment pauvre même dans le domaine du décor céramique5.
On ne verra réapparaître sporadiquement des éléments figurés qu'à partir
de la deuxième moitié du IIe millénaire av. J.-C. Ils restent peu nombreux
et leur choix — hommes, chevaux, oiseaux aquatiques, associés à des sym
boles solaires ou astraux — indique qu'ils gravitent plus ou moins dire
ctement autour d'une divinité solaire masculine particulièrement vénérée
et largement répandue. Caractérisé quelquefois par l'arc, par la lyre ou
par sa domination sur le serpent chtonien, c'est vraisemblablement le
dieu auquel les Grecs donnaient le nom d'Apollon Hyperboréen.
Ce n'est que vers la fin du vne siècle av. J.-C, après l'impact du
phénomène orientalisant sur l'Italie centrale et septentrionale, que l'on
assiste dans les territoires transalpins à quelques tentatives ponctuelles
de figuration descriptive et narrative. Elles sont localisées principale
ment à l'est du massif alpin. Les plus explicites parmi elles — les urnes
gravées du nord-ouest de la Hongrie6 et les situles historiées de
Styrie7 — furent créées par des populations présumées non celtiques.
Le substrat humain de la culture de la Lombardie et du Piémont
actuels à laquelle les spécialistes ont associé le nom du site de Golasecca
n'était pas dans ce cas. Il a été récemment attribué à une population
de langue celtique, grâce à des inscriptions dont la plus ancienne a été
trouvée dans une sépulture du deuxième quart du VIe siècle av. J.-C.8.
5. Les lignes générales de cette évolution sont mises en évidence dans Venceslas Kruta,
L'Europe des origines, Paris, Gallimard, coll. l'Univers des Formes, 1992.
6. Sopron : Kruta, op. cit., fîg. 308-309.
7. Kleinklein : Kruta, op. cit., fig. 304, 305, 306.
8. Cf. F. M. Gambari et G. Colonna, II bicchiere con iscrizione arcaica da Castelletto
Ticino e l'adozione délia scrittura nell'Italia nord-occidentale, Studi etruschi LIV, 1986
(1988), p. 119 s. ; dernier bilan général par Aldo L. Prosdocimi, Langue et écriture des
premiers Celtes, dans Les Celtes (catalogue de l'exposition au Palazzo Grassi de Venise),
Milan Bompiani, 1991, p. 51 s. BRENNOS ET L'IMAGE DES DIEUX 823
Fig. 1. — Développement du décor de la situle en tôle de bronze de Sesto Calende (Lom-
bardie) ; Milan, Civiche Raccolte Archeologiche del Castello Sforzesco ; fin du VIIe siècle
av. J.-C.
(D'après B. Biondelli, Di una tomba galb-celtica scoperta a Sesto Calende sul Ticino,
Memorie del Reale Istituto Lombardo di Scienze e Lettere, Classe di Lettere, X, f. vi,
Milan, 1867.
lié L'exécution à la technique de figures du travail pointillées au repoussé. est probablement Les Celtes un de procédé la culture hérité de de Golasecca, l'âge du Bronze, soumis
pourtant aux mêmes influences que leurs voisins vénètes, furent cependant les seuls
à l'avoir utilisé en Italie septentrionale même après l'éclosion de « l'art des situles »,
jusque vers la fin du VIe siècle av. J.-C.
Les sujets représentés dans le registre principal — famille de cervidés, scène de lutte
ou de jeu entre deux personnages debout face à face, cheval conduit par un enfant
et suivi par un oiseau, sacrifice d'un bovidé (?) — trouvent certaines équivalences dans
le répertoire de « l'art des situles » mais offrent également des traits originaux. C'est
l'ensemble figuratif le plus ancien que nous pouvons attribuer actuellement avec certi-
. tude à des populations de souche celtique.
Ses artisans produisirent quelques œuvres figurées que leurs carac
téristiques distinguent nettement des créations contemporaines de l'aire
vénète voisine, issues pourtant d'un contexte analogue et alimentées
par les mêmes influences.
Comparé aux situles historiées d'Esté ou de Slov&#

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents