Poésie et psychanalyse - article ; n°1 ; vol.7, pg 5-22
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1955 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 5-22
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1955
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Professeur Yvon Bélaval
Poésie et psychanalyse
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1955, N°7. pp. 5-22.
Citer ce document / Cite this document :
Bélaval Yvon. Poésie et psychanalyse. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1955, N°7. pp. 5-22.
doi : 10.3406/caief.1955.2063
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1955_num_7_1_2063ET PSYCHANALYSE POÉSIE
Communication de M. Yvon BELA VAL
au VIe congrès de l'Association, à Paris
le 23 juillet 1954
En général, on suppose la vérité d'une théorie analy
tique (Freud, Jung...), ou inspirée de la psychanalyse
(imagination matérielle de Bachelard,
existentielle de Sartre), et l'on en cherche la vérification
sur le poète (1), le poème, ou, s'il se peut, à l'occasion
d'une analyse, à la fois sur l'un et sur l'autre (2). Du
point de vue freudien, on est conduit à faire du poète
un névrosé, et du poème — en création ou en lecture —
une projection de complexes. Enfin on aboutit, remar
quait Ch. Baudouin, à une esthétique plus psycholo
gique que normative, plus subjective qu'objective.
Mais mon propos, tout différent, ne suppose ni ne
conteste la vérité d'une théorie analytique (3). Attentif
à la seule technique freudienne, il en considèred'action
en un domaine limité de la poésie : le surréalisme.
Encore n'oubliera-t-on pas que le surréalisme ne se
(1) On pensera, bien entendu, à des travaux comme ceux
de la Princesse Marie Bonaparte sur Poe. Il est curieux de
comparer, sur un même poète, Baudelaire, les analyses freu
dienne du Dr Laforgue et existentielle de Sartre.
(2) Outre Jung : Métamorphoses et symboles de la Libido,
voir : Ch. Baudoin : Psychanalyse de l'Art (Alcan, 1929),
part. I, chap, vn, ou l'étude récente de A. MuiAER : L'Art
et la Psychanalyse (Rev. Fr. de Psychanalyse, t. XVII, n° 3).
(3) Sur ma propre position à l'égard de cette vérité, je me
suis expliqué dans mon ouvrage : Les Conduites d'échec
(Gallimard, éd., 1953). 6 PSYCHANALYSE ET LITTERATURE
réduit pas, loin de là ! à une transposition du freudisme,
et qu'il a pu se réclamer de Rousseau, de Sade, de
Hegel, de Marx, de Fourier, des occultistes, etc., pour
ne rien dire de Rimbaud, de Lautréamont ou de Jacques
Vaché. En outre, afin de rendre cette communication
moins lourde et plus précise, il ne sera fait appel —
ou presque — qu'à l'auteur dont le nom s'est identifié
avec le surréalisme : André Breton (4). En définitive, il
s'agit de déterminer, par rapport à la technique de la
Traumdeutung, un aspect de la poésie surréaliste, mais
essentiel et, il me semble, tout à fait original.
Original en quoi?
De tout temps on a pris la science, ou une science,
pour thème, et l'on a emprunté des thèmes à la science.
De tout temps, on a rapproché automatisme et inspi"
ration, rêve et poésie : est-il besoin de rappeler les pages
de Nietzsche, dans Ecce Homo, sur l'inspiration? De
renvoyer à L'Ame romantique et le Rêve, d'Albert Béguin,
où tant de textes — comme celui de I/udwig Heinrich
Jakob : « le rêve n'est rien d'autre que poésie involont
aire » (5) — peuvent être revendiqués par le surréa
lisme? Mais, de tout temps, une technique littéraire —
autrefois, une rhétorique — devait mettre en forme le
rêve réel ou supposé (6) ; et cela, même chez Rimbaud
(4) Ouvrages consultés, suivis chacun du sigle qui le dési
gnera : Les Pas perdus (N.R.F. 1924) : P — Manifeste du
Surréalisme (Éd. de 1929, chez Kra) : M — Nadja (N.R.F.
1928) : N — Second Manifeste du Surréalisme^ (Kra, 1930) :
г M — Lei Vases communicants (Cahiers libres, 1932) :
V — Point du Jour (N.R.F. 1937) : / — Position politique du
Surréalisme (éd. du Sagittaire, 1935) : Po — Notes sur la
Poésie (GX.M. 1936), en collaboration avec P. ÉLUARD :
N0 — L'Amour fou (N.R.F. 1937) "• A — Entretiens (avec
André Parinaud) 1952) : E — La Clé des champs
(éd. du Sagittaire, 1953) : С — Le Dictionnaire abrégé du
Surréalisme (Galerie des Beaux-Arts, 1938) : D, souvent utile
à consulter.
( 5) Repris dans D, au mot Rêve, inspire sans doute le titre
d'ÉLûARD : Poésie involontaire et poésie intentionnelle (Poésie,
1942).
(6) On sait (voir Béguin) que les rêves littéraires de Jean-
Paul ne doivent à peu près rien à ses rêves réels. *У. BEIAVAI, 7
dont les manuscrits travaillés rendent douteux l'aut
omatisme, par exemple, selon Breton (J. 240), du début
de Promontoire. Or, avec le surréalisme, pour la première
fois sans doute, une technique non littéraire se trouve
transposée dans la littérature.
Pour débrouiller l'histoire de cette transposition, il
faudrait remonter à 1916. Dada naît à Zurich « dans la
forte atmosphère psychanalytique que l'on respirait
alors en cette ville » (Baudouin, op. aï. 214). On parlera,
vers 1921, « d'une exploration systématique de l'incons
cient », de « l'application d'un système qui jouit d'une
grande vogue en psychiatrie, la « psycho-analyse » de
Freud, application prévue du reste par cet auteur » :
à quoi Breton — dadaïste du début de 1919 à août
1922 (E. 57) — objectera qu'il suffit d'invoquer l'acti
vité surréaliste (au sens d'Apollinaire) de l'inspiration
(P. 90-91). Ainsi donc la psychanalyse ne prend pas
un rôle méthodologique dans le dadaïsme et, dans cette
révolte de littérateurs contre la littérature, les récits
de rêves, les associations non contrôlées — les champs
magnétiques, premier texte d'écriture automatique, en
collaboration avec Ph. Sotípault, date de 1919 — - ne
sont encore, avec l'hypnose, les procédés spirites, etc.,
que des recherches littéraires pour dérégler les sens ou,
comme dit Breton, dépayser la sensation. Mais revenons
vers 1916 et empruntons une autre voie. Il est important
de noter que Breton et Aragon ont au moins commencé
des études de médecine. Breton avait été l'élève passager
de Babinsky (E. 76). Dès 1916, il peut prêcher (en vain)
la Traumdeutung à Apollinaire, à Valéry, à Gide (C. 66).
C'est que, mobilisé au Centre psychiatrique de la
deuxième armée, Breton a alors l'occasion, comme assis
tant du Dr Raoul Leroy, d'expérimenter « sur les
malades les procédés d'investigation de la psychanalyse,
en particulier l'enregistrement, aux fins d'interprétation,
des rêves et des associations d'idées incontrôlées », ce
qui, ajoute-t-il, constituera « au départ, presque tout 8 PSYCHANALYSE ET LITTÉRATURE
le matériel surréaliste. Il y aura eu seulement amplifi
cation des fins en raison desquelles ces rêves, ces asso
ciations doivent être recueillis... », et de conclure : cette
expérience de guerre a eu « sans doute une influence
décisive sur le déroulement de ma pensée » (E. 29).
Cette influence, avons-nous vu, ne s'exprime pas ple
inement pendant la période dadaïste : Breton reste si
loin de pressentir en Freud le « maître à penser » du
surréalisme (E. 104), que, reçu par lui, à Vienne, en
1921, il fournit « dans Littérature une relation déprécia-
tive de (sa) visite » (E. 76; P. 117-119). Il faut attendre
la rupture avec le dadaïsme (août 1922), le « très grand
regain » de l'automatisme, l'attention attirée « plus que
jamais » sur l'activité onirique, en 1923 (E. 71) pour que,
avec le Manifeste du Surréalisme (1924), les techniques
utilisées jusque là s'engagent dans un sens psychanal
ytique.
On découvrira mieux, par contraste, cette influence
des techniques, si l'on se rappelle d'abord quelles
réserves la théorie freudienne a toujours soulevées chez
les surréalistes. Les grands thèmes sont acceptés :
spontanéité du désir (C. 99; E. 248-249, 264), sexualisme
(C. 243), importance de l'enfance (C. 21), opposition du
principe de réalité au principe de plaisir (C. 49) et du
manifeste au latent (C. 19; E. 258), fixation (C. 23),

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