Biographie universelle ancienne et moderne/POLYCLÈTE
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Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843Tome 33 page 676 à 680POLYCLÈTEPOLYCLÈTE, statuaire et architecte, connu chez les modernes sous la dénomination de Polyclète de Sicyone, et auteur de le statuecolossale de Junon, en ivoire et en or, consacrée dans le temple de cette déesse, près de la ville d’Argos, a joui chez les anciensd’une célébrité égale à celle de Phidias et de Praxitèle. Cette dénomination de Polyclète de Sicyone tire son origine de ce mot dePline, Polycletus Sicyanius, Ageladae discipulus. Il est plus que vraisemblable qu’il était natif d’Argos, ainsi qu’un second Polyclète,avec lequel on l’a souvent confondu. Les motifs sur lesquels nous établissons cette opinion équivalent à une véritable démonstration.Platon, qui était son contemporain, l’appelle, dans son dialogue intitulé Protagoras, Polyclète l’Argien. C’est ce que fait aussi Maximede Tyr, qui dit expressément que la statue de Junon est un ouvrage de Polyclète d’Argos. Pausanias enfin nous dit que la statued’Agénor de Thèbes, athlète qui avait remporté le prix à Olympie, dans la course des enfants. est l’ouvrage de Polyclète d’Argos,« non pas de celui qui a exécuté la statue de Junon, mais d’un autre » qui a été élève de Naucydès, preuve évidente qu’il a existédeux Polyclètes et que tous deux étaient natifs d’Argos. Mais la réputation de Polyclète dit de Sicyone a été si éclatante qu’elle a pourainsi dire absorbé l’existence même du second Polyclète, dit vulgairement ...

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Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 Tome 33 page 676 à 680 POLYCLÈTE
POLYCLÈTE, statuaire et architecte, connu chez les modernes sous la dénomination dePolyclète de Sicyone, et auteur de le statue colossale de Junon, en ivoire et en or, consacrée dans le temple de cette déesse, près de la ville d’Argos, a joui chez les anciens d’une célébrité égale à celle de Phidias et de Praxitèle. Cette dénomination de Polyclète de Sicyone tire son origine de ce mot de Pline,Polycletus Sicyanius, Ageladae discipulus. Il est plus que vraisemblable qu’il était natif d’Argos, ainsi qu’un second Polyclète, avec lequel on l’a souvent confondu. Les motifs sur lesquels nous établissons cette opinion équivalent à une véritable démonstration. Platon, qui était son contemporain, l’appelle, dans son dialogue intituléProtagoras, Polyclète l’Argien. C’est ce que fait aussi Maxime de Tyr, qui dit expressément que la statue deJunonest un ouvrage de Polyclète d’Argos. Pausanias enfin nous dit que la statue d’Agénor de Thèbes, athlète qui avait remporté le prix à Olympie, dans la course des enfants. est l’ouvrage de Polyclète d’Argos, « non pas de celui qui a exécuté la statue deJunon, mais d’un autre » qui a été élève de Naucydès, preuve évidente qu’il a existé deux Polyclètes et que tous deux étaient natifs d’Argos. Mais la réputation de Polyclète dit de Sicyone a été si éclatante qu’elle a pour ainsi dire absorbé l’existence même du second Polyclète, dit vulgairement Polyclète d’Argos, quoique celui-ci paraisse avoir été un maître d’un très-grand talent (voy. l’article suivant). Pausanias est le seul entre les auteurs anciens qui ait distingué formellement deux Polyclète. Cicéron, Varron, Vitruve, Strabon, Quintilien, Plutarque, Lucien, Ælien, les poëtes de l’anththologie grecque, ne font mention que d’un seul. Pline, qui aurait dû apporter plus d’exactitude dans ses désignations, puisqu il composait une histoire chronologique des artistes grecs n’a fait des deux maîtres qu’un seul individu, auquel il a attribué les ouvrages de l’un et de l’autre. Pausanias lui-même enfin ne les a pas assez fait distinguer lorsqu’il a parlé de leurs ouvrages ; c’est ce qui lui est arrivé notamment à l’occasion des statues de plusieurs athlètes, qu’il est impossible aujourd’hui de classer par les années de leurs victoires. Junius, Boullenger, Winckelmann, entraînés par de si graves autorités, n’ont pareillement reconnu que Polyclète de Sicyone, et lui ont attribué les ouvrages de Polyclète d’Argos, ce qui a brouillé toute la chronologie. L’illustre Heyne a distingué deux Polyclètes, mais, d’une part, il a fait Polyclète de Sicyone contemporain d’Hégias et d Agéladas ; de l’autre, trompé par un manuscrit de Pausanias, de la bibliothèque de Vienne, il a supposé que cet artiste était frère et élève de Naucydès, et, par suite de cette erreur, il lui a donné pour élèves Aristocle et Cannachus l’ancien, ce qui a augmenté la confusion et totalement renversé le tableau des progrès successifs de [1] l’art (1). Polyclète, dit de Sicyone, que nous désignerons dorénavant par le seul nom de Polyclète, fut élève d’Agéladas, qui était e natif d’Argos. Il naquit dans le 74ou la 75eolympiade, vers les années 481 ou 480 avant J.-C, époque à laquelle Phidias et Myron, élèves d’Agéladas, comme lui, étaient âgés l’un et l’autre de seize à dix-huit ans (voy. PHIDIAS). Cette date se confirme non-seulement par l’âge connu d’Agéladas, mais encore par d’autres rapprochements. Premièrement, nous vouons dans leProtagoras de Platon qu’à l’époque où dut avoir lieu le colloque de Protagoras et de Socrate, Polyclète avait deux fils, jeunes encore, mais déjà connus comme sculpteurs, et du même âge que Xanthippe et Paralus, fils de Périclès ; or, le colloque de Socrate avec Protagoras a e e été placé par les savants à la quatrième année de la 89olympiade ou à la première de la 90. Si Polyclète, comme on doit le croire, e était alors âgé de cinquante-cinq ans environ, il était né vers la première année de la 75olympiade. Deuxièmement, Pline nous dit qu’on attribuait à Polyclète une statue d’Ephestion, mais que c’était une erreur ; que cette statue était de Lysippe, et qu’entre ce maître et Polyclète, il y avait un intervalle de près de cent ans :Cum is centum prope annis ante fuerit; Lysippe exerçait son art dans e e la 102olympiade et vivait encore dans la 114; ce fait est prouvé par la statue même d’Ephestion, puisque cet officier mourut la e e quatrième année de la 113olympiade, et par d’autres témoignages. Si donc nous admettons que vers le commencement de la 102 olympiade, Lysippe fût âgé de vingt à vingt-quatre ans, ce qui parait hors de doute, il naquit environ soixante-deux ans après Polyclète, ainsi que le dit Pline :Centum prope annis, et cela prouve encore que Polyclète naquit vers l’an 480 avant J.-C. Il y a lieu e de croire qu’il vivait encore dans la première ou deuxième année de la 94olympiade, après le combat d’Ægos Potamos, qui eut lieu e la quatrième année de la 93; car Pausanias dit que Polyclète d’Argos exécuta un des trépieds de bronze que les Spartiates consacrèrent dans le temple d’Apollon de la ville d’Amyklos, en mémoire de leur victoire. Cet écrivain, il est vrai, désigne l’auteur par la seule dénomination de Polyclète d’Argos ; mais il est peu vraisemblable que dans cette occasion il s’agisse du second, car celui-ci ne pouvait alors être âgé que de seize à dix-huit ans. Du reste, on ne voit pas figurer Polyclète parmi les artistes qui exécutèrent les statues des généraux victorieux placées à Delphes après ce grand événement. Plusieurs de ceux qui en furent chargés étaient ses élèves ou les élèves de ses élèves. C’est dans la 84e olympiade, lorsque Polyclète était âgé de trente-six ans à quarante ans, que dut avoir lieu le fait qu’Elieu raconte au sujet d’Hipponicus. Ce riche Athénien voulant élever une statue à Callias, son père, on lui conseillait d’en confier l’exécution à Polyclète : « Non, certes, dit-il, car il obtiendrait plus de gloire que moi. » Il s’agit ici évidemment de Gallias II, qui s’était trouvé à la bataille de Marathon, de celui qui était archonte d’Athènes la première année de la 81e olympiade e et qui signa la paix avec Artaxerxès, la quatrième année de la 82. La statue, placée à cause de ce dernier fait dans leTholus e d’Athènes, doit dater de la 84olympiade ou environ. Le mot d’Hipponicus prouve qu’à cette époque Polyclète avait déjà obtenu une grande réputation. Le plus célèbre de ous les ouvrages de Polyclète a aussi une date à peu près certaine : c’est la Junon d’Argos. Il co(nsta)te, par le témoignage de Thucydide, que l’ancien temple de Junon fut incendié au milieu de la neuvième annéee de la guerre e du Péloponnèse, seconde année de la 89olympiade. Or, Junon étant l’une des divinités tutélaires d’Argos et les Argiens étant même dans l’usage de désigner les années par les noms de ses prêtresses, on ne peut douter qu’ils n’aient fait reconstruire la nouveau temple, ouvrage d’Eupolème, aussitôt après la destruction du précédent. La statue de Junon dut par conséquent y être e placée vers le commencement de la 91olympiade, 416 ans avant J.-C., 15 ou 18 ans après la consécration du Jupiter d’Olympie et 20 ou 24 ans après celle de la Minerve du Parthénon d’Athènes. Polyclète devait alors être âgé de soixante-quatre ans environ. Ces dates confirment ce mot de Columelle : « Polyclète apprécia toute la beauté de la Minerve du Parthénon et du Jupiter d’Olympie et n’en fut point épouvanté. » La statue de Junon d’Argos était colossale, suivant le témoignage de Strabon ; elle était seulement un peu moins grande que le colosse de Phidias. Or le Jupiter d’Olympie avait cinquante-six de nos pieds de hauteur, y compris sa base, et la Minerve trente-six. On peut supposer d’après cela que la Junon d’Argos avait trente-deux ou trente-quatre pieds de proportion. Elle était assise sur un trône d’or, dans une attitude majestueuse ; la tête, la poitrine, les bras et les pieds étaient en ivoire, les draperies en or ; elle était coiffée d’une couronne, sur laquelle l’artiste avait représenté les Heures et les Grâces. D’une main elle tenait son sceptre, de l’autre elle portait une grenade, au sommet du sceptre était posé un coucou ; le manteau étaie orné de guirlandes
formées de branches de vigne, ses pieds reposaient sur une peau de lion. Ce ne serait pas rendre pleinement hommage au génie de Polyclète que de ne pas chercher à pénétrer le sens de ces allégories, d’autant que personne jusqu’ici n’en a donné l’explication. Pour que tout s’explique sans difficulté, il suffit de se rappeler que, dans la mythologie d’Homère et suivant l’opinion la plus généralement répandue chez les Grecs, Junon était la représentation de l’air atmosphérique, sœur et épouse de Jupiter ou le feu céleste. Voulant séduire sa sœur, encore vierge, Jupiter prit la forme d’un coucou ; de là vient, dit-on, que cet oiseau est consacré à Junon. L’assertion est juste : mais cette allégorie, comme la plupart des inventions de ce genre, a une signification première, à laquelle il faut remonter. Jupiter, pour s’unir à sa sœur, prit la forme d’un oiseau que l’hiver engourdit et qui ne se ranime qu’au retour du soleil, s’il n’a pas changé de climat, d’un oiseau qui ne fait entendre sa voix qu’au printemps et au commencement de l’été, d’un oiseau enfin qui ne chante jamais avec tant de continuité que lorsque l’air est imprégné d’une chaleur humide, par la raison que cet oiseau est l’emblême de l’humidité ignée, qui détermine la germination ; c’est ainsi que l’ont considéré les anciens dans le langage de l’allégorie. Le coucou élevé sur le sceptre faisait allusion à la combinaison du feu et du principe humide, par laquelle la déesse exerçait sa puissance. La grenade représentait à peu pris la même idée : formée du sang d’Atys, comme Vénus du sang de Saturne, cette espèce de pomme est un des signes que les anciens ont le plus fréquemment employés pour représenter la fécondité de la nature. Les Heures, au nombre de trois, sont les mêmes divinités que les saisons qui renaissent et se succèdent par un effet de la différente température de l’air. Les Grâces sont l’image des bienfaits que chaque saison répand à son tour sur le globe. Les pampres de vigne offrent l’emblème le plus frappant d’une riche végétation. Le Lion enfin, à qui les anciens ont donné plusieurs significations, a toujours été regardé comme un symbole des vents et des ouragans qui agitent la terre et précipitent sur son sein les germes répandus dans les airs : voilà pourquoi Cybèle était représentée dans un char traîné par des lions. C’est donc avec raison que Junon posait ses pieds sur la dépuille d’un de ces animaux soumis à son empire. Les autres ouvrages de Polyclète cités par les auteurs sont les suivants :deux Enfants qui jouaient aux osselets, deux Jeunes Filles qui portaient sur la tête des corbeilles sacrées, à l’imitation de celles qui remplissaient cet emploi dans les pompes religieuses et qu’on appelait par cette raison lesCanéphores, un Jeune Homme ceignant sa tête d’une bandelette, apparemment un athlète victorieux appelé le Diadumène, un Jeune Homme armé d’une lance, appeléle Doryphore, un homme représenté se frottant le corps avec un strigile, dit l’Apoxyomène, un Guerrier saisissant ses armes, appelé l’Alexétère, ou celui qui va au secours, une figure nommée l’Artémon oulePéripharète, une Amazone placée dans le temple de Delphes, une statue d’Hécate, à un seul corps et en bronze, placée dans le temple de cette déesse à Argos, une statue de Polyxène, un Mercure, qui fut transporté dans la ville de Nicomachie, unHercule étouffant Antée, qui se voyait à Rome au temps de Pline, enfin unHercule tuant l’hydre de Lerne. Il n’est aucune de.ces figures qui n’ait obtenu dans l’antiquité une grande renommée. LesCanéphoresse voyaient à Messine au temps de Verrès. « Tous les étrangers, dit Cicéron, s’empressaient de les visiter ; la maison où elles étaient conservées était moins la parure du propriétaire que l’ornement de la ville entière. » LeDiadumène fut vendu cent talents (cinq cent quarante mille francs de notre monnaie), centus talentis nobilitatum. L’Artémonou lePériphorèteétait sans doute cette statue qui portait sur un seul pied et qu’on tournait à volonté sans qu’elle perdit l’équilibre. Mais de tous les ouvrages de Polyclète, aucun peut-être ne contribua autant à sa réputation que celui qui fut appelé leCanonou la règle de l’art. Instruit, par de nombreuses comparaisons, des qualités qui constituent l’agilité, la force et par conséquent la grâce et la beauté du corps de l’homme, cet artiste entreprit de démontrer par plusieurs moyens, et d’abord par une statue dont toutes les parties seraient entre elles dans un proportion parfaite, quels sont les rapports de grandeur où la nature a établi la perfection des formes humaines. Quelques critiques out demandé si leCanonde Polyclète se composait d’une seule statue ou de plusieurs, s’il représentait un homme jeune ou dans toute la force de rage, et enfin comment une seule figure pouvait servir de règle pour des statues d’âge et de caractère différents ? Les auteurs anciens nous donnent là-desssus des éclaircissements qui ne laissent rien à désirer. Un danseur, dit Lucien dans son traité de la danse, pour exceller dans son art, ne doit être ni trop grand ni trop petit, ni trop gras ni trop maigre, il doit ressembler au Canon de Polyclète, preuve évidente que le Canon ne se composait que d’une seule figure, et qu’il représentait un homme jeune. « Le Canon de Polyclète, dit encore Lucien dans son dialogue intitulé Peregrinus, représente le chef-d’œuvre de la nature, et semble être son propre ouvrage,Naturae figmentum atque opificium; » preuve non moins certaine que la statue appelée la Canon ne renfermait rien de systématique, rien de faux. ; que tout y était le produit d’un choix épuré et d’une savante analyse. Mais Polyclète ne pouvait pas se borner à ce premier travail : sa statue, si elle n’eût été accompagnée d’explications, n’aurait offert qu’un beau modèle plus achevé peut-être, mais du reste entièrement semblable à toutes les belles figures, soit de Polyclète lui-même, soit de ses illustres émules ; ce chef-d’œuvre isolé n’eût pas été plus utile que tous les autres à l’instruction des jeunes artiste. Polyclète, dit Galien, compléta son ouvrage en composant un traité des proportions qui constituent l’harmonie, et par conséquent la beauté du corps humain. Il développa dans cet écrit les lois de la nature, auxquelles il s’était conformé dans la statue offerte pour modèle aux artistes ; de telle manière que l’ouvrage écrit démontrait le mérite de la statue, et que celle-ci reproduisait la théorie de l’auteur mise en exécution. C’est la réunion de ces deux ouvrages, ajoute Galien, que Polyclète a lui-même appelée leCanon. Ce qui n’est pas moins à remarquer, c’est que le public confirma cette dénomination : Les artistes, dit Pline, étudient et suivent le Canon de Polyclète comme une sorte de loi : Lineamenta artis ex eo petentes velut a lege quadam. Winckelmann présume que la figure appelée le Canon était le Doryphore. Il se fonde sur ce que Lysippe, qui n’eut point de maître, interrogé comment il avait appris son art, répondit que c’était en étudiant le Doryphore de Polyclète. Cette opinion ne manque pas de vraisemblance. On pourrait attribuer à Polycléte plusieurs statues d’athlètes, vainqueurs au ceste, au pugilat, au pentathle ; mais elles n’ont point de dates reconnues, et rien ne garantit qu’elles soient son ouvrage plutôt que celui du second Polyclète, dit Polyclète d’Argos. Il modela aussi un candélabre dont, au rapport d’Athénée, on louait beaucoup la noblesse et l’élégance. Grand statuaire, judicieux écrivain. peintre peut-être, car plusieurs auteurs veulent qu’il ait aussi professé la peinture, Polyclète fut encore un très-habile architecte. Les anciens ne citent que deux édifices construits sur ses-dessins ; mais c’est avec des éloges qui le placent au premier rang parmi les maîtres de l’art. Un des deux était un bâtimeut circulaire en marbre blanc appelé le Tholus, élevé à Epidaure près du temple d’Esculape, et que quatre-vingts ou cent ans plus tard Pausias orna de ses peintures. L’autre était un théâtre situé dans l’enceinte même de ce temple. Ce dernier monument fut constamment regardé comme un modèle de goût. Les Romains, dit Pausanias, ont construit des théâtres qui surpassent de beaucoup celui-là par la magnificence des décorations ; celui de Mégalopolis est d’une plus grande étendue ; mais pour l’accord et l’élégance des proportions, quel architecte peut se comparer à Polyclète ? Tant de talents de divers genres durent exciter une admiration universelle ; aussi les anciens diffèrent-ils peu les uns des autres dans leur jugement sur le mérite de ce maître. On remarque cependant, à côté des nombreux éloges qui ont retenti de toutes parts, quelques critiques qu’il est convenable d’éclaircir, moins pour la gloire de cet illustre chef d’école que pour la connaissance des progrès de l’art. Deux auteurs semblent l’avoir jugé plus sévèrement que les autres ce sont Varron et Quintilien. Varron disait, au rap- port de Pline, que les statues de Polyclète étaient carrées et qu’elles se ressemblaient presque toutes :Quadrata tamen ea esse tradidit Varro, et pene ad unum exemplum. Quintilien, en reconnaissant que beaucoup de personnes lui assignaient la première place entre les sculpteurs les plus habilesleris uecui atribuitur almau’il ne s’étaita outeendant élevé à toute la ma esté des dieuxoint ceson ciseauet ue
timide n’avait osé rendre que les formes gracieuses de la jeunesse :Nihil ausus ultra leves genas. Si le mot de statues carrées ne doit pas être pris en bonne part dans le sens où l’entendait Simonide, lorsqu’il disait qu’un homme était carré du corps et de l’esprit, pour faire entendre que c’était un homme en tous points accompli, il ne peut signifier autre chose, sinon que dans les figures de Polyclète les dessous étaient rendus avec une fermeté qui laissait encore désirer quelque chose quant à la délicatesse des formes. Tel est, en effet, le caractère de la sculpture de cette époque, où l’art posa les fondements du grand, sans parvenir au dernier degré du fini et du mœlleux. C’est ce que nous voyons dans les ouvrages de Phidias, de Myron, de Naucydès, dont nous possédons soit les originaux, soit des copies. Le mot de Varron, pris dans ce sens, n’est au fond qu’un éloge, et il ne saurait être pris autrement. D’ailleurs Polyclète, dont toute l’antiquité vante particulièrement l’élégance, ne pouvait être inférieur à cet égard à aucun de ses prédécesseurs ou de ses émules. Cicéron, en comparant entre eux Calamis, Myron et Polyclète, qui vécurent ensemble sans être parfaitement du même âge, nous dit bien expressément que dans la souplesse du style, Myron surpassa Calmis, et que Polyclète surpassa Myron :Calamidis dura illa quidem:nondum Myronis satis ad veritatem adducta, jam tamen quae non dubites pulchra dicere Pulchriora etiam Polycleti et jam plane perfecta. Quant au reproche de Quintilien que Polyclète n’avait point atteint à toute la majesté des dieux, et, qu’il ne s’était point élevé au-dessus des formes de la jeunesse, nous voyons, en effet, que ce maitre n’a jamais représenté ni Jupiter ni Minerve. sujets que Quintilien avait sans doute en vue dans son observation. Est-ce la faute des circonstances ? Est-ce l’effet d’une disposition particulière de son esprit ? Est-ce la crainte de ne pas surpasser Phidias dans cette sculpture sublime ? C’est ce qu’il est impossible de décider ; mais il n’était pas nécessaire que Polyclète exécutât un second Jupiter Olympien pour que l’art fit sous sa main de nouveaux progrès, et c’est ce qui eut lieu en effet. Sans renoncer aux formes de la jeunesse, il varia les attitudes, les caractères, les expressions et l’âge même de ces figures, comme s’il eût voulu offrir aux artistes des modèles de tous les genres. Ses joueurs aux osselets étaient des enfants ; sonDiadumèneétait un athlète souple et vigoureux, molliter juvenem; son Doryphore, un guerrier rebute, viriliter puerum ; son Alexandre, un héros dans une attitude énergique, arma summentem ; son Mercure, le plus agile de tous les coureurs. Cicéron enfin, lorsqu’il veut enseigner à un jeune orateur à traiter les détails accessoires d’une grande cause avec noblesse et avec simplicité, simpliciter et splendide, l’invite à prendre pour modèle Polyclète modelant la figure d’Hercule qui terrasse l’hydre de Lerne. Ce maître, dit-il, s’occupait d’abord d’établir les grandes masses, et s’inquiétait peu de la peau de l’hydre et de celle du lion, assuré que ces accessoires se formeraient comme d’eux-mêmes Sous son ciseau quand les parties principales seraient rendues harmonieusement et largement. Ce mot n’a pas besoin de commentaire ; c’est d’une figure d’Hercule qu’il s’agit, et c’est Cicéron qui parle. Il est évident que le mot de leves genas ne peut se rapporter qu’à l’âge du héros : Hercule jeune, mais terrassant l’hydre, dut toujours être Hercule. Les anciens ont souvent comparé Polyclète à Phidias ; et ils ont placé ces deux grands maîtres au même rang lorsqu’ils n’ont pas donné la préférence à Polyclète. Soixante-dix ans environ après la mort de ce dernier, et lorsque la restauration du temple d’Ephèse incendié fut terminée, comme il s’agissait d’y placer cinq statues d’amazones, dont une était de Phidias, une de Polyclète, une troisième de Cydon, une autre de Ctésilas, etc., des statuaires furent invités à ranger ces figures suivant leur mérite ; et d’une commune voix, celle de Polyclète fut placée la première, celle de Phidias la deuxième, celle de Ctésilas la troisième, celle de Cydon la quatrième. Socrate demandait au philosophe Aristodème : « Quels sont les hommes que vous tenez pour les premiers dans tous les arts qui dépendent du génie ? » Aristodème répondit : « Ce sont, dans la poésie épique, Homère ; dans le dithyrambe, Mélanippide ; dans la tragédie, Sophocle ; dans la sculpture, Polyclète ; dans la peinture, Zeuxis. » Ni Socrate, ni Xénophon, présents à ce colloque, n’ont désavoué le jugement d’Aristodème. Denys d’Halicarnasse assimile Polyclète à Phidias pour la gravité, pour l’ampleur, pour la magnificence du style. Les Latins eussent exprimé les qualités que désigne l’auteur grec par les mots de gravitas, granditas, amplitudo. Strabon s’exprime en ces termes (1. 8) en parlant des sculptures renfermées dans ce temple de Junon à Argos : « Là, dit-il, sont des statues de Polyclète, supérieures à toutes les autres quant au mérite de l’art, inférieures à celles de Phidias pour les dimensions et pour la richesse. » Ce passage a été entendu autrement ; mais on reconnaîtra la justesse de notre, interprétation si l’on considère que Strabon oppose le mérite du style aux proportions du monument et à la valeur de la matière. Polyclète est un des maîtres de l’antiquité qui ont exercé le plus d’influence sur les progrès de l’art. Il compte parmi ses élèves : Argius, Asopodore, Alexis, Aristide, Phrynon, Dinon, Athénodore, Daméas, le second Canacchus, et notamment Périclète, frère de Naucydés. Périclète devint le chef d’une école qui se perpétua d’un maître à l’autre jusqu’à la quatrième génération. C’est à l’école de Polyclète qu’appartenait Naucidès, soit qu’il fut élève de Périclète, soit qu’il eut appris son art de Polyclète lui-même. C’est de la même source que sortirent, à des degrés différents, Antiphane, le second Polyclète, Alype, Cléon de Sicyone et plusieurs autres maîtres. Lysippe doit aussi étre considéré comme appartenant à l’école de Polyclète, puisqu’il se forma par l’étude du Doryphore. Plutarque nous a transmis un mot de Polyclète qui renfermait pour ses élèves une importante leçon. « C’est, disait-il, lorsque l’argile « achève de s’étendre sous l’ongle que la tâche du sculpteur devient le plus difficile. » Nous voyons dans cet axiome qu’avant de sculpter ses figures, Polyclète formait un modèle par l’art de la plastique ; qu’il établissait d’abord un noyau allant du dessous au-dessus, des os à la peau des parties principales aux détails. Nous y voyons en outre que les fondements du style résident suivant Polyclète, dans les divisions des plans intérieurs. La plus grande difficulté se fait ressentir, suivant lui, dans les derniers travaux, attendu qu’il faut encore, en terminant les détails, maintenir l’ampleur des formes, qui constitue le premier élément du beau : associer la noblesse à la chaleur, le sentiment du grand à l’imitation du vrai. Les détails s’achèvent facilement si les masses ont été posées avec précision et avec fermeté. C’est le contraire si l’ouvrage pèche dans les formes intérieures. Pour bien finir une statue, il faut l’avoir bien commencée. Voilà pourquoi Cicéron disait : « Afin de rendre les détails simplement et avec noblesse, simpliciter et splendide, imitez Polyclète dès le commencement de votre travail. » De toutes les statues antiques découvertes jusqu’aujourd’hui, il n’en reste qu’une où l’on ait cru retrouver une copie d’un des ouvrages de Polyclète. Elle représente un jeune athlète attachant sur son front la bandelette qui est le signe de sa victoire. L’original aurait été par conséquent le Diadumène. Cette statue se voyait autrefois à Rome dans le jardin Farnèse ; elle a été transportée à Naples depuis. L’authenticité parait en être prouvée par sa conformité avec divers bas-reliefs antiques où le Diadumène est représenté, et accompagné d’inscriptions qui ne permettent pas de le méconnaître. Un de ces bas-reliefs existe à Rome dans le musée du Vatican (vestibule en rotonde). Visconti pensait que l’Apoxyomène, ou le personnage qui se frottait le corps avec un strigile, représentait Tydée se purifiant du meurtre de son frère. En admettant cette idée, on pourrait reconnaître des imitations de cette figure sur un grand nombre de pierres gravées. Mais si nous ne possédons aucune production originale de Polyclète, nous connaissons pleinement, per l’exemple des sculptures du Parthénon et par les deux Discoboles, le style de l’époque que ce grand maître a contribué à illustrer. E-c D-D.
1. ↑(1) L’auteur du présent article, dans son essai sur le classement chronologique des sculpteurs grecs, a cru devoir distinguer trois Polyclète. Son principal motif était le mot de Varron, qui disait que Polyclète faisait encore des statues carrées, et qui se ressemblaient toutes. Mais il n’a pas tardé à reconnaître son erreur.
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