Clean, Shaven de Kerrigan Lodge
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Fiche produite par le Centre de Documentation du Cinéma[s] Le France.
Site : abc-lefrance.com

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Nombre de lectures 48
Langue Français

Extrait

Clean, Shaven
F de Lodge Kerrigan
FICHE FILM
Fiche technique
USA - 1994 - 1h17
Couleur
Réalisation et scénario :
Lodge Kerrigan
Directeur de la photo :
Teodoro Maniaci
Musique :
Hahn Rowe
Peter Greene (Peter Winter)
Interprètes :
Peter Greene
(Peter Winter) Résumé Critique
Robert Albert
(Jack McNally)
En voix-off grésille un poste de radio, sur Nous voilà partis pour une des plus halluci-
Jennifer MacDonald
l’écran apparaît Peter Winter, schizophrène nantes randonnées sanglantes qu’il nous ait
(Nicole) en phase critique, à la recherche de sa fille été donné de suivre. Non pas que Clean,
dont il a été trop longtemps séparé. Un Shaven soit un avatar de plus du sujet leAlice Levitt
meurtre d’enfant, qu’on lui impute immédia- plus rebattu du cinéma américain, les aven-
(la fille à la balle)
tement, un policier consciencieux et opi- tures d’un serial-killer ordinaire. Bien au
Megan Owen niâtre attaché aux basques de notre anti- contraire. En réinvestissant ce genre surco-
héros affublé d’une mère faisant nécessai- dé, Lodge Kerrigan a su réaliser un film aty-(Mme Winter)
rement ressurgir le Norman Bates en lui… pique, étrange, troublant et dérangeant. Et
Molly Castelloe
ce à plus d’un titre. Tout d’abord parce que
(Melinda Frayne) le doute s’insinue sur la culpabilité de Peter
Winter. Jamais nous ne le voyons à l’œuvre.
Il est coupable par principe. Et comment ne
pas l’être quand on a un comportement
aussi étrange que le sien ? Persuadé d’avoir
un transistor dans la tête et un émetteur au
L E F R A N C E
1D O C U M E N T S
bout de l’index, ne se trimballe-t-il pas longue recherche, Peter a alors retrouvé diagnostic de son dérèglement mental
dans une vieille chignole cabossée dont il sa fille, placée dans une famille d’adop- deux fonctions, deux caractéristiques
a recouvert les vitres de journaux à sen- tion, sans doute suite à la maladie menta- majeures du cinéma : la communication -
sations ? Mais si violence il y a dans le de son père. Il explique à l’enfant qu’il soit la réception, puis la transmission
Clean, Shaven, elle est essentiellement est un poste de radio, sa tête étant un d’informations - et la fragmentation - le
tournée contre le héros lui-même, ce qui récepteur et son doigt un transmetteur cadre qui fragmente l’espace, le montage
donne lieu à des scènes insoutenables, d’ondes sonores : cet état lui est insuppor- qui fragmente le temps. Cette potentialité
non pas dans une exagération gore mais table. Se trouve ainsi éclairé son compor- permet à Lodge Kerrigan d’explorer en
par la crudité de la mise en scène qui tement jusqu’ici mystérieux d’automutila- même temps que d’interroger les capaci-
confine à l’épure. Tentative de trépana- tion (le scalp, I’ongle arraché), bien que le tés formelles du septième art. Son
tion pour extraire le fameux transistor spectateur en ait été largement averti, champ est audacieusement composé
dont les grésillements deviennent rapide- tout au long du film, par de lancinants tra- sous ses dehors hyperréalistes, et frag-
ment aussi obsédants pour le spectateur vellings le long des fils électriques, illus- mente délibérément certains espaces :
que pour Peter Winter, ou encore arracha- trés d’extraits d’émissions de radio. tel plan ne cadre que le demi-visage de
ge de l’ongle émetteur, à la limite de Clean, Shaven est donc le double récit la mère de Peter, alors qu’elle assiste,
l’irregardable (le syndrome de l’œil dans d’une obsession (Peter se prend pour une impuissante, à la désintégration mentale
Le chien andalou). Mais si l’œuvre de radio) et d’une poursuite (il veut revoir sa de son fils ; les nombreux plans d’inté-
Kerrigan ne se résumait qu’à ces images fille). Le réalisateur, qui connaît les impé- rieur de voiture découpent le monde
choc, elle ne vaudrait certainement pas ratifs de la narration cinématographique, extérieur en autant d’écrans que le véhi-
tripette. Or Clean, Shaven est certaine- a construit autour de cette description cli- cule a de vitres (certaines d’entre elles
ment l’une des plus originales descrip- nique une intrigue prétexte de film crimi- sont volontairement oblitérées par des
tions de la schizophrénie. Le tout filmé nel classique : un policier enquête sur des pages de journaux décrivant, comme par
sur un mode avant-gardiste, et servi à meurtres d’enfants. Le scénario lui-même hasard, des faits divers). Le montage est
merveille par l’interprétation toute en rup- arbore donc une dichotomie qui répond à admirablement agencé, la progression
ture de Peter Greene (Laws of gravity). Il la schizophrénie de son personnage prin- des deux personnages donnant lieu à un
confère à Peter Winter et à son parcours cipal. Ce second personnage, qui n’a double road movie où le suspense monte
mortifère une vérité prégnante. qu’une seule séquence avec Peter (celle à mesure que les pistes se brouillent, au
Jean-Michel Beer de la confrontation), et aura une liaison sens radiophonique du terme.
Mensuel du Cinéma n°18 - Juin 1994 avec la jeune femme qui a adopté la fille La rumeur qui précédait le film insistait
de celui-ci, se partage le récit avec lui sur la crudité de deux séquences de
tout en conjuguant dans son parcours mutilation, alors que la violence de
l’obsession et la poursuite : le flic est per- Clean, Shaven est avant tout intérieu-
suadé que Peter est coupable de ces re. La saisissante interprétation de Peter
Clean, Shaven lance le défi suivant : voir meurtres en série, et, jusqu’à la dernière Greene, alliée à la rigueur diabolique de
un film du point de vue d’un schizophrène séquence du film, le spectateur ne saura la mise en scène, permet au film d’accé-
nommé Peter Winter. Bien entendu, cette pas si cette conviction est fondée. der à une issue poignante, après une
«subjectivité» est tricherie puisque nous L’important, d’ailleurs, n’est pas de savoir heure d’observation clinique : la mort de
voyons ce personnage à l’écran, et il ne si Peter est coupable ou victime (d’une Peter, qui vient pour lui comme un soula-
peut donc s’agir de son regard que la erreur judiciaire) : ce qui compte, c’est la gement à ses souffrances et la phrase
caméra emprunte. Mais le choix de Lodge mise en parallèle de ces deux itinéraires, rassurante qu’il lance à sa petite fille
Kerrigan résout ce problème de vision : en I’un dicté par la convention du récit de («Je n’ai pas mal...»). Un double épi-
effet, la plupart des symptômes dont genre (I’enquête) et l’autre par la spécifi- logue, bien que sobrement filmé, conti-
souffre Peter sont de nature auditive. cité du langage filmique (épouser un point nue de faire monter l’émotion : le poli-
C’est donc essentiellement la bande-son de vue). C’est cette double évolution qui cier pris de doute dans le bar, puis
qui sera chargée de notre identification fait échapper Clean, Shaven aussi bien l’enfant appelant son père à la radio. Ces
au point de vue du protagoniste, et l’acui- au film policier traditionnel qu’à la deux séquences montrent à quel point la
té de la piste sonore tranche avec le grain reconstitution documentaire naturaliste, folie de Peter lui a survécu, comme ce
de l’image 16 mm (on entend le beurre de et imprime au produit fini sa profonde et film dont les images et les sons nous
cacahuètes s’étaler sur le pain de mie). troublante originalité. hantent.
La clé de sa psychose nous est donnée Peter est un personnage hautement ciné- Yann Tobin
peu de temps avant la fin. Au terme d’une matographique, car possédant dans le Positif n°413-414 - Juillet/Août 1995
L E F R A N C E
SALLE D'ART ET D'ESSAI
CLASSÉE RECHERCHE
8, RUE DE LA VALSE
42100 SAINT-ETIENNE
77.32.76.96 2
RÉPONDEUR : 77.32.71.71
Fax : 77.25.11.83D O C U M E N T S
pour le spectateur de la reconstruire mette d’arriver à l’une ou l’autre conclu-Entretien avec le réalisateur
ensuite. sion. L’interprétation du spectateur
dépend en fait de ses conceptions. J’ai
Quel type de recherche avez-vous entre- donc structuré le film de telle façon que
(…) Quelle a été la genèse de Clean,
pris ? la possibilité qu’il soit l’assassin soit pré-
Shaven ?
Mon ami a été une des sources d’inspira- sente à l’esprit, mais que, à la fin, cela
Il y a une raison émotionnelle liée à un
tion principales. J’ai aussi passé beau- soit remis en question sans qu’une
de mes amis qui est schizophrène et qui
coup de temps dans l

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