Lost Highway de Lynch David
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Fiche produite par le Centre de Documentation du Cinéma[s] Le France.
Site : abc-lefrance.com

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Langue Français

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Lost Highway
de David Lynch FICHE FILM Fiche technique
U.S.A - 1996 - 2h15 Couleur
RÈalisateur : David Lynch
ScÈnario : David Lynch,Barry Gifford
Musique : Angelo Badalamenti
InterprËtes : Bill Pullman (Fred Madison) Patricia Arquette (Renee Madison / Alice Critique Wakefield) Balthazar Getty Comme il y eut jadis des cinÈastes du rÍve (Pete Dayton) amÈricain, il y a aujourdÕhui ceux qui explo-Robert Blake rent les cauchemars dÕun pays fort en ima-(lÕhomme mystÈrieux)ginaire. David Lynch, sous son allure austË-re, en est le plus singulier. Au fil dÕun par-Robert Loggia cours semÈ de courts mÈtrages obscurs, de (Mr. Eddy / Dick Laurent) superproductions foireuses (Dune) et de Richard PryorsÈries tÈlÈ (Twin Peaks), il nÕa cessÈ de balader les monstres issus de son cerveau (Arnie) tortueux dans une AmÈrique effrayante et Gary Busey tranquille, o˘ chaque ombre ouvre une (Bill Dayton)bÈance. Eraserheadfit naÓtre un culte under-ground ;Blue Velvetconsacra un style, ‡
Patricia Arquette (Renee Madisson)
dÈfaut dÕun auteur. Vingt ans aprËs le pre-mier, dix ans aprËs le second,Lost Highwaydonne lÕimpression de repartir de zÈro. Le gÈnÈrique nous lance ‡ fond sur un ruban de bitume noir dont on ne dis-tingue que la ligne jaune. Et puis le vide, ou presque. FaÁades muettes, blockhaus de luxe, quasi-dÈsert autour. Et puis des gens. Un couple, enfin, ‡ peine. Un homme et une femme qui sÕÈchangent de brËves banalitÈs. Une enveloppe sur le perron. Dedans, une cas-sette vidÈo. Des images de leur maison, fil-mÈes par un Ïil extÈrieurÉ La nuit, lÕhomme joue du saxo dans un club. Ou fait lÕamour avec sa femme. Il a de violents maux de tÍte, soulignÈs par de savants
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bruitages et des Èclairs blancs. Quelque chose ne tourne pas rond. Le jour res-semble ‡ la nuitÉ En quelques dizaines de minutes, Lynch a tissÈ une toile fasci-nante tirant vers lÕabstrait. Le mystËre est dans les murs autant que dans les visages ´neutralisÈsª de Bill Pullman et de Patricia Arquette. On est au bord du vide, on y est avec eux, retenus par cette vibration du ´bizarre dans le quoti-dienª que le cinÈaste maÓtrise comme jamais. Le film bascule avec les images sacca-dÈes dÕun cadavre ensanglantÈ, celui de la femme. La question ´Qui lÕa tuÈe ?ª nous plonge dans le polar. Cela se corse quand lÕhomme, en prison devient un autre homme. En libertÈ. Fred sÕest transformÈ en Pete, autre AmÈricain banal, non plus autiste mais dÈpendant des gens qui lÕentourent: un garagiste, un truand, une femme fatale... et cou-cou, revoil‡ Patricia Arquette, teinte en blond, comme Isabella Rossellini dans Sailor et Lula.Lost Highwayest (peut-Ítre) lÕhistoire dÕun assassin schi-zophrËne. CÕest surtout un film schizo-phrËne. Comme si Lynch, lassÈ de lÕeffet Twin Peaks, sÕÈtait dÕabord raidi dans une pose dÕartiste, avant de repiquer dans sa malle de tics et dÕaccessoires pour un faux remake deSailor et Lula, confus et anÈmiÈ. De la peur suggÈrÈe au spectateur, on passe aux sensations martelÈes, dÕo˘ les images chocs aussi-tÙt effacÈes, lÕimpression de voir dÈfiler un clip sur la vallÈe de la Mort... Toujours Lynch nous a mis dans la posi-tion du voyeur. Toujours il a montrÈ des personnages quÕun seul fil relie encore ‡ leur humanitÈ. QuÕil coupe les fils, comme ici, et on ne voit plus que des pantins manipulÈs par lui et illustrant ses fantasmes. On le devine derriËre, en train de ricaner ou de se dÈbattre avec lui-mÍme. On se dit quÕon ferait mieux de laisser Lynch avec Lynch, et son his-toire de grand-route hallucinÈe finir dans le mur, avec ses femmes jumelles, son homme double et son gnome ‡ face de pl‚tre. Il est pourtant lÕun des seuls,
quand dÕautres sans talent bricolent avec les miettes du rÍve, ‡ donner forme et mÍme beautÈ au cauchemar amÈri-cain. FranÁois Gorin TÈlÈrama n∞2453 - 15 janvier 1997
Lost Highway, lÕisolation sensorielle selon Lynch
La lecture du scÈnario deLost Highway, qui vient de paraÓtre (Ed. Cahiers du cinÈma), est trËs instructive. Elle nous rÈvËle que la version finale du film de David Lynch est le rÈsultat dÕun travail de coupes en finesse. Toutes les sÈquences ‡ caractËre explicatif en ont ÈtÈ exclues. Toutes les jointures narra-tives ont ÈtÈ soigneusement ÈliminÈes. Le film y a bien entendu gagnÈ en puis-sance elliptique. Cet Èmondage narratif lui a surtout permis dÕatteindre ‡ une troublante opacitÈ qui procËde dÕune sÈrie de coups de force rythmiques tout ‡ fait saisissants. De ce point de vue, Lost Highwayest s˚rement un des films contemporains qui aura suscitÈ le plus dÕinterrogations de la part dÕun spectateur dÈboussolÈ mais qui cherche pourtant ‡ sÕy retrouver. On peut ainsi avancer que Lynch a projetÈ avec ce film profondÈment novateur de crÈer une relation tout ‡ fait inÈdite avec son spectateur. DÕun cÙtÈ, le film distribue une multitu-de de signes, dÕindices, dÕÈnigmes, de lapsus qui, par un jeu de pistes, font miroiter une doublure secrËte de la rÈa-litÈ; laquelle, tel un inconscient trËs actif, se manifesterait en permanence de maniËre discontinue et envelopperait la vie dÕun lÈger voile paranoÔaque. CÕest la fonction conspiratrice ou ÈsotÈrique du scÈnario. Tout dansLost Highway, comme dÕailleurs dansTwin Peaks, le film et la sÈrie, renvoie ‡ un complot inexprimable fait de prÈmonitions ou de
perceptions extra-sensorielles, ce qui lÕapparente aussi bien ‡ une certaine tendance du cinÈma moderne, celle du sens suspendu (voir la rÈcente program-mation de la CinÈmathËque franÁaise autour de la conspiration), quÕ‡ la logique du roman-feuilleton dont la sÈrie X Files(diffusÈe sur M6) est un avatar tout ‡ fait passionnant dont lÕesthÈtique doit beaucoup ‡ la sÈrieTwin Peaks. Les signes flottent et ne se raccordent plus les uns aux autres. Le rÈcit nÕest plus au premier plan mais a essentiellement une fonction rythmique ou climatique. Notons que cette forme dÕabstraction Iyrique nÕest absolument pas lÕapanage dÕun cinÈma dÕauteur, voire dÕartiste, mais trouve des rÈsonances insoupÁon-nÈes dans le cinÈma dÕaction. DeThe Last Action Hero(John McTiernan) au rÈcent et curieuxAu revoir ‡ jamais (Renny Harlin) en passant parDie Hard 3(McTiernan encore) ouLÕEffaceur (Charles Russel), la distribution des signes Ènigmatiques et lÕabsence de lien apparent entre eux sont devenues une vÈritable figure de style. LÕabsence de raccord au niveau spatial trouve enfin sa correspondance au niveau mental. Dans Lost Highway, le complot est sans fin, sans fond, IÕennemi est ‡ lÕintÈrieur du pays ou du cerveau, et les significations dÈlirent. Car tout lÕart de Lynch, qui est ‡ son sommet dansLost Highway, est bien de dÈlirer lÕAmÈrique - son purita-nisme, ses soap-opÈras, ses perversions cachÈes, ses complots - cÕest-‡-dire de la faire sortir de ses gonds. DÕun autre cÙtÈ, Lynch cherche un contact hyper-sensoriel avec son specta-teur, il travaille ‡ le mettre dans un cer-tain Ètat de rÈceptivitÈ, lui faisant simul-tanÈment perdre pied et trouver une nouvelle relation avec des flux de per-ception excessivement subtils, qui sÕapparentent bien s˚r ‡ ceux quÕil est possible dÕatteindre par lÕintermÈdiaire dÕune drogue. CÕest la fonction musicale ou cÈrÈmoniale de la mise en scËne. Il y a de ce point de vue une parentÈ Èviden-te entre le cinÈma de Kenneth Anger et
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celui de David Lynch. Ici comme l‡, lecomprendreLost Highway, la plus Entretien metteur en scËne est une sorte de cha-mauvaise place serait celle du specta-mane, de mÈdium qui cherche la transeteur-dÈtective (dont les flics, toujours du spectateur afin de mettre en ÈveilÈberluÈs, sont, dans le film, les substi-Est-ce un de vos rÍves qui est ‡ l Ôorigi-des rÈgions anesthÈsiÈes de son cer-tuts idÈaux) qui voudrait ‡ tout prix le ne deLost Highway? veau. CÕest particuliËrement vrai desdÈchiffrer ou lÕinterprÈter ‡ travers un CÕest plus compliquÈ que Áa ! Il y a plu-scËnes dÕamour dansLost Highway, discours,un savoir, une grille univoque, sieurs Èpisodes, ‡ commencer par une qui sont de vÈritables cÈrÈmoniesquÕelle soit analytique, policiËre, cinÈ-histoire qui mÕest arrivÈe. Un inconnu inquiÈtantes et qui font lever des fluxphilique, mystique ou simplement philo-frappa ‡ ma porte, appuya sur la sonnet-non seulement Èrotiques mais cos-sophique, mais toujours extÈrieure ‡ ce t ed el Õ i n t e r p h o n ee td e m a n d a: miques. La musique, chez Lynch commefilm-boÓte. Non que ce film-machine ne ´David ?ª Je rÈpondis oui ! Il me dit Anger, joue aussi un rÙle fondamental.puisse pas accueillir toutes sortes de alors : ´Dick Laurent est mort.ª Anger a dÕailleurs usÈ de la chansonsignifications, mais pour les mettre ‡ Exactement comme dans le film. JÕallai Blue Velvet bien des annÈes avantfeu et les faire tournoyer, il est absolu-‡ la fenÍtre, mais ne vis personne Lynch. DansLost Highwayment nÈcessaire dÕentrer dans le film, chaque dehors. Cela mÕa troublÈ pendant un morceau musical, du gÈniallÔmcomme ‡ lÕintÈrieur dÕun organisme bout de temps. Puis, lors de la derniËre Derangedde Bowie ‡This Magicvivant, de sÕy lover, de lÕhabiter et dÕÍtre nuit de tournage surTwin Peaks: Fire MomenthabitÈ par lui, de le hanter et dÕÍtrede Lou Reed, en passant par le Walk with Me, jÕeus une brËve vision sublimeInsensatezde Antonio CarloshantÈ par lui. La figure de lÕanneau de en rapport avec le premier tiers du film. Jobim, sans oublier toutes les interven-Moebius avec ses deux faces qui se Cela me fit un choc, mais rien nÕen tions de Trent Raznor (dÈj‡ concepteurretournent sur elles-mÍmes, ÈvoquÈe dÈcoula pendant quatre ans. CÕest alors de la bande-son deNatural Bornpar Michel Chion dans son excellente que je lus le livre de Barry Gifford,Night Killersmonographie sur Lynch (Ed. Cahiers dudÕOliver Stone), fonctionne ‡ la People. A la fin du premier chapitre, il y fois comme un commentaire de lacinÈma), nÕa jamais aussi bien convenu a deux femmes qui parlent dÕune route sÈquence correspondante et comme unequÕ‡Lost Highway. Le jeu de dualitÈs, perdue (lost highway). Comme je intensification de lÕaction qui sÕy dÈrou-de rÈsonances, dÕÈchos qui constituent connais bien Barryl, je lÕappelai pour lui le. Lynch, avec la complicitÈ dele fond mÍme du film ne dit pas autre dire que jÕaimais vraiment ces deux Badalamenti, crÈe ainsi un vÈritablechose. Tout est double dansLost mots, ´lost highwayª. Il suggÈra quÕon rÈcit musical parallËle, avec ses cutsHighway- les personnages, les situa-Ècrive quelque chose ensemble. brutaux et ses envolÈes Iyriques. Detions, les objets - et chaque ÈlÈment ne JÕacquiesÁais, mais un an sÕÈcoula avant mÍme que la musique est absolumentpeut Ítre perÁu quÕen fonction dÕun que nous nous reparlions. JÕallai le visuelle, la mise en scËne devient elle-rÈseau de correspondances propre au retrouver ‡ Berkeley. Nous Èchan-mÍme musicaIe. DepuisBlue Velvet, film.Le spectateur est pris dans un cir-ge‚mes nos idÈes respectives. Elles Lynch a tendance ‡ faire durer de pluscuit intÈgrÈ, une boucle involutive ‡ nous dÈplurent ‡ lÕun comme ‡ lÕautre. en plus les sÈquences, ‡ les Ètirer, ‡ leslÕintÈrieur de laquelle il doit crÈer ses Au bout dÕun moment, jÕai fini par lui mÈtastaser et ‡ les considÈrer commepropres repËres. Plus encore queLevel parler de cette vision nocturne au temps des entitÈs autonomes qui sont traitÈes5,Lost Highwayest peut-Ítre ce puzz-deFire Walk with Me. Cela nous musicalement. DansLost HighwayinvoquÈ par Chris Marker, dont le, le, donna une nouvelle impulsion. Nous cette pente hypnotique et musicale de ladessin ne renvoie plus ‡ un modËle mais redÈmarr‚mes ‡ toute allure. Parfois il mise en scËne est tellement interne auseulement ‡ lui-mÍme. fallut rebrousser chemin, mais en un film quÕon dira que lÕart de Lynch estThierry Jousse mois nous avions Ècrit le scÈnario. parfois plus proche de certains concep-Cahier du cinÈma n∞511 - mars 1997 teurs musicaux - comme Brian Eno, Pouvez-vous nous dÈcrire votre vision de Tricky ou Bjˆrk, qui crÈe une rÈalitÈ cette nuit-l‡ ? musicale fascinante par son dÈpasse-Elle mÕest venue un soir, mais je nÕÈtais ment des contradictions entre technolo-pas endormi. Il sÕagissait de vidÈocas-gie et instrumentation traditionnelle -settes et dÕun couple dÈsuni. Celui-ci que du cinÈma. recevait une vidÈo reprÈsentant lÕextÈ-Au point de rencontre de toutes ces rieur de leur maison, puis une seconde fonctions, il y a le film, rÈalitÈ en soi qui o˘ lÕon pÈnÈtrait ‡ lÕintÈrieur alors quÕils nÕa dÕautre rÈfÈrent quÕelle-mÍme. Pour dormaient. A quelques scËnes prËs, cela
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correspondait ‡ ce qui est devenu lÕhis-toire de Fred jusquÕau coup de poing.
Comment lÕhistoire de Pete sÕest-elle greffÈe sur cette vision ? Nous avons su trËs tÙt quÕune transfor-mation aurait lieu et quÕune autre histoi-re se dÈvelopperait, qui aurait bien des rapports avec la premiËre, mais serait aussi fort diffÈrente. (É)
Pete est-il le double en plus jeune, plus ´blue collarª, de Fred ? L‡, il faut que je mÕarrÍte de parler ! Le film, selon lÕexpression consacrÈe, est ce quÕil est. On peut lÕinterprÈter de dif-fÈrentes faÁons. Il nÕessaie pas de vous Ègarer dÈlibÈrÈment. Il y a des situa-tions, dÕordre mental, qui sont sans doute abstraites, mais dans lesquelles nous pouvons tous nous reconnaÓtre. CÕest de cela quÕil sÕagit.(É)
Fred et Pete ont Patricia Arquette en commun, mais ils rencontrent aussi le mÍme homme mystËre, affrontent les mÍmes antagonistes, sont lÔun et lÔautre filÈs par un couple dÕinspecteurs, etc. Non seulement les deux histoires se rÈflÈchissent, mais elles finissent par se superposer ou mÍme fusionner. Le rÈcit remonte avant le dÈbut pour arriver ‡ la fin. PlutÙt quÕun cercle, cÕest une spirale ou un ruban de Moebius qui se retourne sur lui-mÍme.
On a lÕimpression, dans la cellule, que Fred renaÓt ou se rÈincarne en Pete. Vous lui donnez une seconde chance, mais Pete va rÈpÈter les mÍmes erreurs Il les rÈpËte, mais de faÁon diffÈrente.
On le ressent comme une naissance, trËs douloureuse. Les maux de tÍte sug-gËrent un enfantement d ÔordreÉ Oui, mental. Exactement. Ce pourrait Ítre un accouchement, en effet.(É)
A quel stade avez-vous dÈterminÈ lÕapproche visuelle ? DËs lÕÈcriture ? Il y a moins dÕÈlÈments ‡ dÈterminer
quand cÕest un scÈnario que vous allez rÈaliser vous-mÍme. Il nÕy avait donc pas beaucoup de descriptions. Seulement ce qui Ètait essentiel pour lÕhistoire. Mais je suis s˚r que Barry avait certaines images en tÍte. Pour ma part, jÕai tou-jours eu ‡ lÕesprit la topographie de ma maison.
Le design du film, comment a-t-il ÈvoluÈ ? Tout Èvolue toujours. Certains ÈlÈments se sont imposÈs, comme le couloir menant ‡ la chambre ‡ coucher. Nous filmions dans cette rue, dans la maison dÕ‡ cÙtÈ, et nous avons d˚ y construire le couloir pour les besoins du film. Puis il fallut installer dans le sÈjour des fenÍtres plus Ètroites afin que le champ de vision de Fred soit restreint. Nous avons donc fait certains amÈnagements, mais il y a des ÈlÈments que nous nÕavons pas touchÈs. Il faut parfois se laisser inspirer par ce que le lieu peut vous offrir
LÕappartement de Fred est d Ôautant plus inquiÈtant quÕil est pratiquement vide. Et la topographie en reste mystÈrieuse. Tout cela repose sur des Èmotions. Et comme je ne cesse de le rÈpÈter, il faut toujours revenir aux idÈes initiales. VÈrifier que vous tenez le cap. A tout moment. Si vous en avez dÈviÈ, vous vous en apercevez tout de suite.
Le pavillon de Pete et de ses parents ÈvoqueBlue Velvetavec son imagerie faussement rassurante. On est soudain du cÙtÈ de Norman Rockwell. Du reste, les tribulations de Pete rappellent celles du jeune ´innocentª deBlue Velvet. Pete est un garÁon qui quitte de son plein grÈ un monde sÈcurisant pour un univers plein de pÈrils. Nous pensions que sa maison serait la plus facile ‡ trouver. Ce fut lÕinverse. Il nous fallait une topographie bien particuliËre. Nous ne lÕavons trouvÈe quÕ‡ la fin des repÈ-rages. Un couple formidable nous lÕa louÈe. Ils se sont installÈs en face, chez des voisins, et pendant tout le tournage,
ils venaient nous apporter des g‚teaux et sÕassurer que nous Ètions heureux. Je parie que les gens vont penser que jÕai plantÈ cette barriËre de bois blanc exprËs, mais elle existait dÈj‡ ! (É)
Cette vision de la route perdue a un fort pouvoir hypnotique. Comme le ruban des rÍves ou le dÈfilement dÕune pellicule. Cette image fascine parce quÕon a lÕimpression de chuter, dÕÍtre aspirÈ par les tÈnËbres. Il fallait que ce soit la nuit, que ce soit sauvage. CÕest ce dont Peter Demming et moi avons convenu dËs le dÈpart. Nous avons d˚ tourner nombre dÕessais pour dÈterminer la vitesse de la voiture, puis la vitesse de la camÈra, IÕÈclairage de la route, etc. Tout reposait une fois de plus sur une sensation. Quand jÕai entendu le morceau de David Bowie,IÕm Derange,d ÁamÕa beaucoup aidÈ ‡ visualiser la sÈquence. (É)
Est-ce consciemment que vous rÈorches-trez certains thËmes dÕun film ‡ lÕautre ? Non, je crois que chaque histoire est dif-fÈrente et jÕessaie avant tout dÕÍtre fidË-le ‡ lÕidÈe. Je crois aussi quÕun film exis-te dans sa forme dÈfinitive avant que vous lÕayez entrepris. Il faut donc la lais-ser se dÈvelopper et ne surtout pas lÕentraver. Il faut Ítre ‡ lÕÈcoute, sur le qui-vive. Parfois Áa ne marche pas, mais, si vous avez fait de votre mieux, Ítes restÈ passionnÈ et fidËle ‡ vos idÈes, peu importe ce que disent les autres. SurDune, je me suis reniÈ; je suis passÈ ‡ lÕennemi trËs tÙt dans le proces-sus. Ce fut ainsi un double dÈsastre : un Èchec commercial et un Èchec person-nel.
Les histoires qui vous sont les plus per-sonnelles, dÕEraserheadBlue Velvet deFire Walk with MeLost Highway, sont toutes des voyages dans lÕespace du dedans. Ce sont en effet des visions intÈrieures. Disons un processus mental. Je ne pense pas par thËmes. En fait, cÕest lÕinverse. Je ne sais pas trop comment
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cela se passe, mais il me vient une idÈe,Ce nÕest pas tant la chute qui mÕintÈres-moi et bricoler dans mon atelier. Ils ont et, tiens, je mÕ aperÁois quÕelle a desse que le combat. Je suis toujours fasci-mis au point des formules. Elles mar-similitudes avec des idÈes que jÕainÈ par le pÈtrin dans lequel les genschent. Elles produisent des films specta-aimÈes auparavant, tout en Ètant diffÈ-vont se fourrer. Ce sont des situationsculaires et divertissants, mais, si votre rente. Car le processus qui vous faitauxquelles je pense souvent.film ne rentre pas dans ce moule, vous tomber amoureux ne change pas du jourÍtes en porte-‡-faux. Je demande au au lendemain. Maintes fois vous retom-Dans vos films, la sexualitÈ est unspectateur dÕuser de toutes ses facultÈs, berez amoureux du mÍme type deabÓme.pas seulement intellectuelles, mais femme. Il vous faudra un bon bout deVraiment ? Je dis toujours quÕelle par-intuitives aussi. Pour moi, la beautÈ du temps pour Èvoluer et rencontrer unecourt toute la gamme. Le sexe peut ÍtrecinÈma, cÕest de pouvoir suggÈrer des blonde plutÙt quÕune brune. De mÍme,‡ la fois proche dÕune rÈvÈlation spiri-choses que vous ne connaissez quÕau quand vous tombez amoureux dÕunetuelle et une plongÈe dans les abÓmesplus profond de vous-mÍme. Des choses idÈe, vous nÕy pouvez rien. LÕidÈe vousde lÕenfer. Quel que soit votre angleque les mots sont impuissants ‡ dÈcrire, parle. Elle vous dicte la marche ‡ suivre.dÕapproche, vous pouvez passer par‡ moins dÕÍtre un poËte. Le cinÈma a ce Il faut la laisser parler. Ne pas se mettretoute la gamme. Au demeurant, il nepouvoir extraordinaire qui est encore ‡ en travers.sÕagit pas seulement de sexe. PlutÙtpeine explorÈ. dÕune forme dÕamour ou dÕobsession qui Comme lÕidÈe des rideaux rouges ?peuvent vous entraÓner sur dÕÈtrangesEn voyantLost Highway, on a juste-JÕadore les rideaux rouges. Et les bleussentiers.ment lÕimpression trËs forte d Ôaborder aussi.ce qui est peut-Ítre la derniËre frontiËre Il nÕy a pas de lumiËre au bout du tunnel.du cinÈma. DÕo˘ vient lÕhomme mystËre ? …tait-ilPas de contrepoids. Le cauchemar est-ilVous me donnez la chair de poule ! prÈsent dËs le dÈpart ?sans issue?Merci ! Oui, la derniËre frontiËre est Non. Il est nÈ de... La scËne qui estPersonnellement, je pense quÕil y a unepsychique. Trouver lÕhistoire qui vous venue en premier, cÕest lÕapparition deissue. Mais le film ne peut pas en avoir.permette de lÕaborder nÕest pas Èvident. lÕhomme mystËre ‡ la rÈception. Et cÕestCar cÕest le monde de Fred et il est prisEt tout dÈpend du dosage des ÈlÈments : arrivÈ... Je ne vous en dirai pas plus.dans ce ruban de Moebius. Il y a desIÕexposition, ce que vous donnez ‡ voir, milliers de gens qui se dÈbattent dansce que vous donnez ‡ entendre, la tris-Pourquoi avoir choisi Robert Blake ?tesse, la peur, IÕhumourÉ Quelles sontde tels tourments. Ce cauchemar est le Nous nÕavons jamais songÈ ‡ quelquÕunpropos du film. (É)les proportions ? Y a-t-il une formule ? dÕautre. JÕai toujours voulu travaillerHeureusement, je ne la connais pas. avec lui. CÕest un acteur unique, solide,On ressent, tout au long deLostMichael Henry qui fait cavalier seul et reste fidËle ‡ lui-HighwayPositif n∞431 - janvier 1997, un intense plaisir de crÈer. mÍme. Il ne joue pas le jeu hollywoo-Je suis heureux que vous lÕayez ressenti. dien et je lÕai toujours admirÈ pour cela.DepuisBlue Velvet, jÕai un Ènorme plaisir ‡ travailler. Au temps dÕElephant ArmÈ dÕune camÈra et dÕun tÈlÈphone, ilMan, je nÕavais rÈalisÈ quEÕraserhead manipule des images et du son. Peut-onet il fallait chaque jour que je fasse mes voir en lui une effigie du cinÈaste .preuves. Du jour au lendemain, je pou-Du cinÈaste ? Pas exactement ! CÕestvais tout perdre. Je nÕai plus ce genre de difficile dÕen parler car je ne peux passtress. La notoriÈtÈ a au moins cet avan-vous livrer le fond de ma pensÈe. Maistage-l‡. lÕalliance de la camÈra et du tÈlÈphone, cÕest intÈressant, je nÕy avais pas pensÈ.Cette libertÈ que vous avez acquise (É)paraÓt incompatible avec la productionDocuments disponibles au France telle que la conÁoivent les studios. Comme la Laura Palmer deTwin PeaksSi les studios mÕaccordaient cette liber-Cahiers du cinÈma n∞511 - janvier 1997 etFire Walk with Me, IÕAlice deLostPositif n∞431 - janvier 1997tÈ, je travaillerais avec eux. Mais il est Highwayest un ange dÈchu, plongÈLe Monde - 16 janvier 1997absolument, totalement exclu que dans la pornographie. LÕinnocence per-jÕabandonne ‡ leursexecutivesle droitLes Inrockuptibles n∞87 - 15 janvier 1997 due fascine et hante vos hÈros.au montage final. Je prÈfËre rester chez
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