La Chatte métamorphosée en femmeUn Homme chérissait éperdument sa Chatte ;Il la trouvait mignonne, et belle, et délicate, Qui miaulait d’un ton fort doux ...
U n Homme chérissait éperdument sa Chatte ; Il la trouvait mignonne, et belle, et délicate, Quimiaulait d’un ton fort doux. Ilétait plus fou que les fous. Cet Homme donc, par prières, par larmes, Parsortilèges et par charmes, Faittant qu’il obtient du destin Quesa Chatte en un beau matin Devientfemme, et le matin même, Maîtresot en fait sa moitié. Levoilà fou d’amour extrême, Defou qu’il était d’amitié. Jamaisla Dame la plus belle Necharma tant son Favori Quefait cette épouse nouvelle Sonhypocondre de mari. Ill’amadoue, elle le flatte ; Iln’y trouve plus rien de Chatte, Etpoussant l’erreur jusqu’au bout, Lacroit femme en tout et partout, Lorsque quelques Souris qui rongeaient de la natte Troublèrent le plaisir des nouveaux mariés. Aussitôtla femme est sur pieds : Ellemanqua son aventure. Souris de revenir, femme d’être en posture. Pour cette fois elle accourut à point : Carayant changé de figure, Lessouris ne la craignaient point. Celui fut toujours une amorce, Tantle naturel a de force. Il se moque de tout, certain âge accompli : Le vase est imbibé, l’étoffe a pris son pli. Envain de son train ordinaire Onle veut désaccoutumer. Quelquechose qu’on puisse faire, Onne saurait le réformer. Coupsde fourche ni d’étrivières Nelui font changer de manières ; Et,fussiez-vous embâtonnés, Jamaisvous n’en serez les maîtres. Qu’onlui ferme la porte au nez, Ilreviendra par les fenêtres.
Fables de La Fontaine : Barbin & Thierry |Georges Couton