L Esparsa  LXXXVI : une cobla carrée ? - article ; n°1 ; vol.14, pg 169-181
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L'Esparsa LXXXVI : une cobla carrée ? - article ; n°1 ; vol.14, pg 169-181

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Annexes des Cahiers de linguistique hispanique médiévale - Année 2000 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 169-181
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 34
Langue Français
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Extrait

Eric Beaumatin
L'Esparsa LXXXVI : une cobla carrée ?
In: Annexes des Cahiers de linguistique hispanique médiévale, volume 14, 2000. Ausias March (1400-1459).
Premier poète en langue catalane. pp. 169-181.
Citer ce document / Cite this document :
Beaumatin Eric. L'Esparsa LXXXVI : une cobla carrée ?. In: Annexes des Cahiers de linguistique hispanique médiévale,
volume 14, 2000. Ausias March (1400-1459). Premier poète en langue catalane. pp. 169-181.
doi : 10.3406/cehm.2000.2209
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cehm_0180-9997_2000_sup_14_1_2209VESPARSA LXXXVI :
UNE COBLA CARRÉE ?
« Donar-te jo volguera esparces d'Ausiàs March »
(Llórente, Versos, I, 86)
0. Formalisme, lyrisme et intérêts critiques : la place
de V espar sa LXXXVI.
Les questions de métrique et de strophique passent aujourd'hui
pour désespérément arides auprès de chercheurs et amateurs, qui y
redouteraient une réduction de l'objet poétique à quelque
construction « stérilement » formelle, au détriment d'une
« substance » lyrique postulée première, voire primordiale. D ne fait
pas de doute que, dans le cas d'Ausiàs March et de la rupture
poétique qu'il instaure à plusieurs titres avec le préalable trouba-
douresque, il serait mal venu de mésinterpréter une entreprise qui
signe l'émergence en sa langue d'un signifiant nouveau pour la
première personne en quête de se dire.
Mais, outre que semblable réduction corollaire du travail des
troubadours à une manière de jeu de « conventions » fait peu de
cas de ce qui s'exprime chez eux de lyrisme ultra-sublimé dans
l'émulation dialectique entre imitation et recherche de l'irréitérable,
la trop fréquente dénégation critique de toute inquiétude architec
turale sérieuse chez Ausiàs March a ceci de regrettable qu'elle
s'interdit mêmement de creuser dans le sens d'une réponse à
l'inévitable énigme du choix — et du sens de ce choix — de vers
et de strophes non quelconques parmi la panoplie notablement
ouverte des mesures versificatoires s'offrant alors à lui. Or, cette
dénégation tend couramment à se justifier au motif d'une poétique
qu'on voudrait superficiellement peu variée, peu innovante au plan
formel : encore convient-il de remarquer que pareille doxa se
contente généralement de prononcer par défaut le non-lieu de la 170 Eric Beaumatin
question — au détriment de la moindre analyse serrée des textes — ,
et qu'elle ne vise pas un seul instant à rendre compte de ce que
pourraient signifier ces prétendues résignations, pourtant
partiellement contradictoires au regard des figurations de rupture
et de fondation dont on glose unanimement son œuvre. Elle laisse
supposer, fort lamentablement enfin, qu'un modèle décasyllabique
identiquement accentué en quatrième position — entre tant d'autres
exemples possibles saisis en leur apparence première — , pourrait
traverser, inentamé, l'épreuve du passage par trois siècles, plusieurs
langues et n auteurs, au point de ne mériter que ressassement
descriptif, inattentivement à l'histoire, aux systèmes et aux projets.
Le même reproche vaudrait bien entendu pour tout raiso
nnement de ce type qui serait — ou ne serait pas — mené au niveau
de la strophe. Aussi, a contrario, dans le souci complémentaire d'une
tentative d'élucidation des intérêts critiques que dissimule vraisem
blablement par ailleurs ce désintérêt tout aprioristique, s'intéressera-
t-on ici, avec toute l'attention résolument formelle qu'il mérite, à
un petit problème de strophique de portée apparemment assez
limitée, puisqu'il ne concerne en première instance que la brève
esparsa canoniquement numérotée LXXXVI. La voici reproduite
selon ses unités syntaxiques (phrastiques)1, sans autre préjudice
d'interprétation structurelle au plan strophique dans un premier
temps :
Si.m demaneu lo greu torment que pas,
es pas tan fort que.m lleva.l dir que passe,
y es d'admirar, passant, com no.m trespasse
ingratitut, portant-me.l contrapàs.
May retrauré de vostr.amor un pas,
puix en seguir a vos, honesta, medre;
y si rahó me fa contrast, desmedre,
y és-me lo mon, sens vos, present escás.
Passe, penant, un riu de mort lo dia,
y en ser per vos, me dol fer curta via.
l)Je suis ici, à titre conservatoire, le texte de Père Bohigas : Ausiàs March, Poesies, III
(Barcelone, 1954, p. 135-136). Outre les références invoquées ci-dessous, on peut
également consulter les études de Père Ramirez i Molas, la Poesía d'Ausiàs March (Bale,
1970) ; Costanzo di Girolamo, « Ausiàs March and the troubadour poetic code » (in
J. Gulsoy & J.M. Solà-Solé [éds], Catalan Studies in memory of Josephine de Boer. Barcelone,
1977 : 223-237) ; Rafael Ferreres, « La métrica d'Ausiàs March » (Revista Valenciana de
Filología, VII, 4, 1979, p. 313-349) ; Rafael Alemany Ferrer (éd.), Ausiàs March: Textos
i contextos (Barcelone-Alicante, 1997). Vesparsa lxxxvi : une cobia carrée ? 171
1. 8+2 * 10 ?
Ce poème figure évidemment, sous divers statuts et formes,
dans la plupart des éditions censément complètes de l'œuvre
d'Ausiàs March. D est parfois aussi retenu en de plus restreintes
anthologies. Mais ce qui frappe, à la lecture comparative des
diverses reproductions, analyses ou classifications dont il est l'objet,
est le doute manifeste chez les glossateurs en matière de lecture
strophique de ce texticule : les positions paraissent osciller de fait
entre deux extrêmes explicitables : les uns en font une octava suivie
d'une tornada de deux vers (M.-C. Zimmermann^ et Martin de
Riquer*, très explicitement, ou Robert Archer, moins clairement :
« Esparsa de 8 w. croats amb rims derivatius i un dístic apariat al
final »4) ; d'autres, radicalement à l'opposé, y voient une décima
(Parramon^).
Entre les deux, certains descriptifs moins tranchés paraissent
hésiter quant au statut strophique de ce distique dans les termes
taxonomiques ordinairement en vigueur. Mais, laconiques, sybillins
ou incomplets, ils tendent par leur imprécision même à privilégier
une lecture de cette forme en 8+2, quand leurs choix typogra
phiques de disposition pagínale (retraits, blancs) n'y suppléent pas
d'autorité et sans commentaire^. Ainsi Amédée Pages, décelant
pourtant volontiers ce qu'il appelle par ailleurs des desertes (et non
décimes) dans l'œuvre d'Ausiàs March, s'avoue-t-il peu décidé au
bout du compte lorsqu'il inclut le poème LXXXVI dans un
ensemble de « coblas esparsas o estrofes disperses, isolades, amb
tornada o sense >¿, après ne l'avoir pas inclus dans le recensement
exhaustif des textes réputés illustrer cette même forme de desena,
qu'il décrit néanmoins comme « una cobla croada a la quai han sigut
afegits dos versos de rimes planes »®.
2) Marie-Claire Zimmcrmann, « L'esparsa a l'obra d'Ausiàs March : un esquema basic de
la poetització », m L. Badia et J. Massot i Muntaner (éds.), Esttutis de literatura catalana
en honor dejosep Bornea i Figiuras, Barcelone, 1985, II, p. 397-417.
3) Dans son Historia de la literatura catalana (Barcelone, 1964, II, p. 520), il signale, comme
à regret, cette « cobla amb tornada LXXXVI [...] on, malgrat tot, se salva un vers ».
4) Ausiàs March, 58 poèmes, Edició i estudi de Robert Archer, Barcelone, 1989.
5)Jordi Parramon i Blasco, Repertori metric de la poesía catalana medieval, Barcelone, 1992.
6) Bohigas (op. cit., Ill, p. 136), par exemple, sépare en effet les huit premiers vers des deux
derniers par un blanc ; les deux parties ainsi obtenues sont, de surcroît, respectivement
numérotées chez lui « I » et « II », comme si le distique final constituait d'évidence une
sorte de strophicule.
7) Amédée Pages, Les obres d'Auzias March, Barcelone 1912-1914, 1, « Introducció » : passim
et « Capitol sise. L'ortografia i la versificado », p. 156.
Z)Ibid.: 154. Eric Beaumatin 172
Ainsi encore Bargallo, dans une louable tentative de
clarification, se croit-il tenu de reformuler, au sujet de notre esparsa,
la position insuffisamment nette de Bohigas en ces termes : « cobla
esparsa creuada de rims derivatius i dos versos apariats »^. Dans
cette p

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