Eléments réunis par Marc Guidoni
Chargé d’enseignement Université du SUD
Composer une copie de droit public
La dissertation juridique fait appel à de nombreuses qualités
qu'il faut cultiver : capacité d'analyser le sujet, esprit de synthèse,
capacité de communication des connaissances, habileté de
présentation et d'exposition de celles-ci.
Jean-Pierre Maury
Une démarche d’analyse et de synthèse
La dissertation juridique est un exercice difficile, régi par des règles strictes qui sont
autant de repères pour les correcteurs dans la lecture d’une démarche personnelle du
candidat, seul face au sujet. Toutefois, le principe en est simple : comprendre,
interroger, conclure.
Comprendre
Le risque, face au sujet, est de le traiter comme une question de cours. C’est-à-dire
mobiliser des connaissances sans prendre le temps de les classer, de les hiérarchiser, et
surtout de les trier et les sélectionner. Ceci revient simplement à prendre le temps de
réfléchir !
Ce travail commence dès que le sujet est connu. En voici les étapes principales :
1. Lire très attentivement le sujet :
Une seule question : de quoi s'agit-il ? On va précisément déterminer le
contenu du sujet en définissant les termes, en situant l’auteur ou le thème. Ici
il faut se garder de se laisser envahir par des questions de culture générale,
car les idées politiques et le droit public ont souvent des frontières communes.
Donc, on doit veiller à regarder la question à travers un prisme juridique.
2. Déterminer une problématique :
Il s’agit de contextualiser le sujet (actualité, histoire, cours, …) pour en
trouver l’intérêt. On formule alors une question, qui appelle une réponse
construite à partir des connaissances dont on dispose…
3. Mobiliser les connaissances :
Faire au brouillon une liste des questions à traiter, éliminer tous les points qui
vous paraissent, après réflexion, en dehors du sujet ou accessoires. Car il est
indispensable de ne traiter que le sujet posé, mais tout le sujet. Ce travail
permet en partie de valider la problématique.
4. Rechercher le plan :
On construit son plan en poursuivant 2 objectifs : répondre à la question
posée choisie comme problématique, et utiliser efficacement les connaissances
mobilisées sur le brouillon. Chaque titre doit résumer l'idée de chaque partie
ou de chaque paragraphe. Le plan ainsi construit doit être logique et
rigoureux. Le plan en deux parties est généralement conseillé.
5. Rédiger soigneusement l'introduction, puis directement sur la copie le corps du
devoir. Règles de composition
Aussi dérisoire que cela puisse paraître, l’essentiel tient dans l’affirmation
suivante : la dissertation juridique comprend nécessairement une introduction
substantielle, suivie de deux parties et éventuellement d'une conclusion.
1. L'introduction permet de montrer que le candidat a compris le sujet, qu'il a
saisi les questions essentielles et compris comment y répondre.
Elle comprend :
• L'entame ou première phrase de l'introduction ;
• La définition du sujet ;
• Les considérations d'ordre général ou historique qui doivent permettre de
situer le sujet dans son contexte ;
• La position du problème : la problématique ;
• L'annonce du plan.
2. Les parties mobilisent les connaissances du candidat au service d'une
argumentation, d'une démonstration logique et bien charpentée
Chaque partie comprend :
• L'intitulé de la partie ;
• L'introduction de la partie ou " chapeau" ;
• Les sous-parties ;
• Les différents points contenus dans chaque sous-partie.
La première partie comprend la transition avec la deuxième partie. La seconde
partie comprend la transition avec la conclusion.
Les intitulés ne contiennent pas de verbes conjugués, et on évitera aussi les
phrases à tiroir.
3. La conclusion n’est pas systématique S’il y a lieu, elle doit être le point
d'aboutissement de votre travail. Elle ne doit pas être un résumé ou une redite de
l'argumentation développée précédemment. Elle se termine par une ouverture
vers d'autres questions ou vers une réflexion plus générale. Rédiger au mieux son introduction
d’après « L'art de l'entrée en matière » de David Melison
Partie essentielle de la composition, votre introduction doit permettre au correcteur de
mesurer votre capacité à situer et exploiter le sujet proposé.
Longue d’une à deux pages, pas moins, elle contient un élément déterminant, la
problématique, destiné à convaincre le lecteur que la question posée a un réel intérêt, et
que vous allez l’aider à en être persuadé. On le dit, la note est quasi jouée à la fin de la
lecture de l’introduction.
De fait, vous allez rédiger votre introduction de manière très “pédagogique”, afin
d’expliquer simplement la signification du sujet, puis d’en préciser les éléments de fond.
Ce premier exposé terminé, vous justifierez votre axe de réflexion (problématique) et
indiquerez comment vous le poursuivrez.
Deux méthodes concurrentes permettent d’introduire un sujet. Il y a l’entonnoir, plus
classique, et l’approche en sablier, qui n’est qu’un développement de la première mais
qui convient mieux aux sujets de droit public. Il permet en effet de situer précisément le
sujet sur un plan juridique, tout en abordant ses enjeux plus théoriques ou historiques.
Quelques conseils et mises en garde :
- On trouve toujours une problématique (c’est un exercice quotidien que de se
demander ce qui se cache vraiment derrière une question simple). L’enjeu, c’est
savoir si celle que l’on trouve est bonne, c’est-à-dire qu’elle est suffisamment
structurante pour nous permettre d’utiliser nos connaissances pour trouver une
solution.
- Votre introduction ne doit pas être un catalogue de connaissances plus ou moins
en rapport avec le sujet (tentation de montrer que l’on en sait plus que nécessaire
à la résolution du sujet) même s’il est opportun de l’utiliser pour écarter des
éléments secondaires (le correcteur va apprécier votre capacité à sélectionner les
éléments clefs alors que vous montrez maîtriser le sujet dans sa globalité) ;
- Votre entrée en matière ne doit pas être vague, donnant l’impression d’être
interchangeable. Entraînez-vous à composer, mais ne standardisez pas vos
approches.
- Si, face à un sujet plutôt « droit constitutionnel », un recours à l’histoire peut
faciliter l’approche du sujet, généralement le contexte ne se limite pas à un rappel
historique, ni à une actualité immédiate.
- L’introduction doit montrer votre capacité à prendre de la distance par rapport à
vos connaissances. L’une des manières les plus efficaces peut être le recours à
une petite phrase d’accroche humoristique, ou une opinion personnelle. Si ce type
de lancement a l’avantage de susciter l’intérêt d’emblée, surtout par sa rareté, il
faut ensuite se montrer à la hauteur de son impertinence. Les différents types de plan
Le juriste fait souvent de son plan une obsession. Oui, la construction d'un plan est très
utile, elle rend lisible le travail et doit permettre d’en mesure la cohérence. Toutefois, il
n'a qu'une valeur relative : il n’est que l’une des multiples possibilités de traiter le sujet,
et seule la pertinence de la problématique permettra de valider la dissertation.
Aussi, nous ferons le choix de le dédramatiser. Ce d’autant plus qu’il n’y a pas, face à un
sujet de droit public, autant de manière de faire que de candidats. D’où l’importance de
se distinguer dans le choix de la problématique. Pour le reste, les enseignants distinguent
plusieurs familles de plans, et on listera avec eux les plans descriptifs, faciles à adapter à
la plupart des sujets et les plans synthétiques, plus originaux mais plus difficiles à mettre
en œuvre.
Les plans descriptifs
PLAN ANALYTIQUE PLAN CHRONOLOGIQUE
permet de mettre en relief deux aspects
utilisable lorsqu'il existe une véritable date
complémentaires d'une même question
charnière ou lorsqu'il est possible de
(mais si on oublie quelque chose, ça se voit
détecter une époque spécifique
très bien …)
I. Principe I. L’Etat centralisé
II. Limites II. L’Etat décentralisé
III. Les causes I. La prééminence de la loi
IV. Les remèdes II. La prééminence du droit
III. Les conditions
IV. Les effets ou conséquences
I. Statut / Composition
II. Rôle
I. Notion
II. Régime
Les plans synthétiques
Si la synthèse est évidemment l'objectif de tout travail intellectuel, il ne faut pas
oublier que l’office du juriste est d’aider à la prise d’une décision, sinon d’en
prendre une lui-même. Aussi, le plan type « Thèse... antithèse... synthèse... »
cher aux littéraires n’est pas à privilégier pour une composition de droit public. En
effet, s’il permet de faire le tour d’une question, il ne permet pas toujours de
trouver une solution à un problème.
Plus juridique, la technique qui revient à proposer l’analyse d’un thème du simple
vers le complexe permet au candidat de défendre sa vision du sujet, en exploitant
deux ou trois idées qui vont faire l’objet des parties de la composition. On appelle
parfois cette technique le plan « En apparence... En profondeur... En réalité... ».