La fonction cognitive des interjections - article ; n°6 ; vol.3, pg 111-120
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Faits de langues - Année 1995 - Volume 3 - Numéro 6 - Pages 111-120
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 73
Langue Français

Extrait

Josiane Caron-Pargue
Jean Caron
La fonction cognitive des interjections
In: Faits de langues n°6, Septembre 1995 pp. 111-120.
Citer ce document / Cite this document :
Caron-Pargue Josiane, Caron Jean. La fonction cognitive des interjections. In: Faits de langues n°6, Septembre 1995 pp. 111-
120.
doi : 10.3406/flang.1995.1012
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/flang_1244-5460_1995_num_3_6_1012La fonction cognitive des interjections
JOSIANE CARON-PARGUE*
JEAN CARON*
Les travaux d'inspiration cognitiviste (qui abordent le fonctionnement du
sujet humain en termes de traitement de l'information) n'ont jusqu'ici guère
abordé le problème de l'exclamation. En psycholinguistique, l'intérêt s'est en
effet porté à peu près exclusivement, soit sur les aspects syntaxiques du lan
gage, soit sur la représentation lexicale et la sémantique des mots « pleins ».
Quant aux travaux qui utilisent les verbalisations du sujet pour en inférer son
comportement cognitif, ils se bornent généralement à une analyse des contenus
sémantiques. L'exclamation — et en particulier l'interjection — est considérée
comme véhiculant des réactions personnelles de type affectif, qu'une approche
cognitive ne sait pas traiter, et qui ne la concernent donc pas.
L'importance des interjections dans le langage spontané est pourtant ais
ément observable. Y voir une simple intrusion de l'« affectif» ou de l'« expres
sif» dans le langage apparaît comme une approche simpliste. Leur fonction
a été déjà bien remarquée dans la régulation des échanges conversationnels
— notamment par l'équipe de Roulet (cf. p. ex. Roulet & al., 1985), à qui
l'on doit quelques-unes des rares études détaillées qui leur soient consacrées.
Quelques travaux en suggèrent une interprétation cognitive. C'est le cas, par
exemple, de H. Clark qui souligne (Clark, 1992, p. xiv) que : « Spontaneous
speech is littered with interjections and self-repairs », et qu'il convient de les
considérer comme « part of the authentic, spontaneous life of everyday lan
guage » ; il interprète ainsi à plusieurs reprises des interjections {« hm mh »,
* Laboratoire « Langage et Communication » (URA-CNRS 1607) Université de Poitiers.
Faits de langues, 6/1995 112 Josiane Caron-Pargue, Jean Caron
«yeah») comme jouant le rôle de signaux pour l'interlocuteur dans la
construction d'une référence commune. Mais ces observations restent ponct
uelles, et interprétées de façon intuitive. De même, dans l'interprétation de
protocoles verbaux obtenus au cours d'une résolution de problème, Van Lehn
(1991) mentionne un oh (p. 25) à un moment qu'il présente comme étant la
résolution d'une impasse du problème. Plus généralement, ce ne sont pas spé
cifiquement des interjections que l'auteur considère, mais des « complaints »
englobant souvent des interjections et une évaluation (par exemple « oh this
won't do... », « yes yes now it gets difficult »). Cependant il ne prête pas atten
tion à des interjections, situées dans un contexte positif (par exemple « oh
yeah 3 goes from B to A »), qui correspondent à une réorganisation de la
stratégie, sans qu'il y ait impasse.
Pour notre part, nous avons abordé plus systématiquement cette fonction
des interjections qui semblent correspondre à des « insights », dans le cadre
des travaux que nous menons depuis quelques années pour développer une
analyse psycholinguistique des verbalisations simultanées à une résolution de
problème. L'objectif de cette recherche est de modéliser et de simuler l'acti
vité de résolution de problème au cours de son déroulement, telle qu'elle peut
être détectée à partir de l'organisation des marques linguistiques dans le dis
cours du sujet. Notre hypothèse générale (dont le cadre théorique — cf. Caron-
Pargue et Caron, 1989 — est celui des opérations énonciatives de Culioli) est
que les marques linguistiques et leur agencement constituent les traces des
opérations mises en œuvre au cours de la tâche cognitive considérée.
Les verbalisations étudiées ont été recueillies à l'occasion de résolutions
de problèmes, au cours desquelles les sujets sont invités à « penser tout haut ».
Il s'agit de tâches classiques, mettant en jeu des séquences de manipulations
(Tour de Hanoï, baguenaudier), ou l'identification de referents complexes (jeu
de Tangram). Les sujets sont, soit des enfants, soit des adultes.
1 / LA RÉPARTITION DES INTERJECTIONS
Dans les protocoles étudiés, les interjections apparaissent fréquemment.
Notre attention a été attirée notamment par leur distribution, qui n'est nulle
ment aléatoire, et qui accompagne souvent celle des verbes ou des adverbes
modaux.
— On constate, d'abord, que ces marques se concentrent souvent sur cer
taines étapes du protocole verbal, et précèdent une réorganisation dans la La fonction cognitive des interjections 113
structure lexicale et/ou syntaxique des énoncés — changement dans le mode
de thématisation, dans les connecteurs utilisés, dans les verbes et les prépos
itions, etc., comme le montre l'exemple (1) pour le problème de la Tour de
Hanoï1.
(1) « and this time too I'll place 1 from В to С I'll place 3 from A to С and so
I'll place 1 from B... to С oh yeah I have to place it on С disk 2... no not
2 but I placed 1 from В to C... right ? oh I'll place 1 from В to A... because...
I want 4 on В and if I had placed 1 on С from В it wouldn't have been able
to move 2 will go from В to С 1 will go from A to С and so В will be open
and 4 will go from A to В so then this time... it's coming out pretty well...
1 will... 1 will go from C... to В so then 2 from С will go to... A and then
1 will go from В to A and then 3 will go from С to В 1 will go from A to
С » (Extrait du protocole publié par H. Simon (Anzai & Simon, 1979)).
On peut constater que la manipulation du disque 1, consécutive à celle
du disque 3, est accompagnée d'un ensemble d'interjections, exclamations et
interrogations (« oh yeah », « no », « not 2 », « right ? », « oh ») et de verbes
modaux («want», «wouldn't», «have been able to») qui disparaissent
complètement ensuite, pour céder la place à un changement dans le choix et
l'utilisation des connecteurs (so then, and then), dans celui des thèmes (dis
parition de « I », au profit d'un disque ou d'un piton), et dans les verbes
(disparition de « place » et apparition de « will go » qui sera très utilisé
jusqu'à la fin du protocole).
— Si l'on se réfère au « graphe de comportement » du sujet, (c'est-à-dire
à l'« itinéraire » qu'il suit à travers l'ensemble des états possibles du pro
blème), on constate un regroupement des interjections (ainsi que des expres
sions modales) sur certaines zones de ce graphe qui correspondent à la
résolution d'« impasses » classiquement observées en résolution de problème.
C'est ce qui se passe dans l'exemple (1) : après le déplacement du dis
que 3, le sujet doit découvrir qu'il peut mettre les disques 1 et 2 sur le dis
que 3 afin de pouvoir bouger le disque 4 ; généralement, pour sortir d'une
telle impasse, les sujets doivent repérer leurs manipulations à partir du dis
que 2 au lieu de les repérer à partir du disque 1. On peut constater qu'un
marquage linguistique particulier caractérise le déplacement du disque 2 « so
then 2 from С will go to A », lorsque ayant bougé le disque 4, le sujet entame
avec succès le déplacement du disque 5.
1. La Tour de Hanoï comporte 3 pitons (appelés ici A, В, С). Sur le premier piton (A) sont
enfilés 5 disques de taille décroissante, formant une pyramide. Le but du problème est de trans
férer la pyramide sur le piton C, en respectant deux règles : a) déplacer un seul disque à la
fois ; b) ne jamais placer un disque sur un disque plus petit.
Le protocole anglais cité ici est celui ď Anzai et Simon, particulièrement remarquable, et sur
lequel nous avons commencé notre recherche. 114 Josiane Caron-Pargue, Jean Caron
D'une façon générale, les points du graphe où apparaissent ces interjec

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