Les pauvres gens
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Description

De nouveau dans ma piaule, seul et reclus. Je me laisse enivrer par mon ami Chablis. Il me fait tourner la tête, m’aide à tout oublier. J’avais ce choix à faire, mais je ne me souviens plus lequel. Il me semble juste que c’était important, comme souvent. Je suis prêt de la fenêtre. J’observe le jardin du voisin. Des vêtements flottent tout doucement, balancés à droite puis à gauche, dansant au gré du vent humide et impétueux. Comme ça doit être simple d’être un objet. De n’avoir aucune décision à prendre, de seulement se laisser guider, plier, repasser. Je ressens comme une envie de fermer les yeux et de retourner à un moment tranquille de ma vie, où je n’avais pas à agir, où j’éprouvais ce sentiment de liberté absolue, ravie et excessive… Le vent souffle fort et s’engouffre sous la porte close. Je suis allongé sur un lit qui n’est pas le mien, dans une chambre qui m’est étrangère, jonchée au dernier étage d’une grande bâtisse. Je sens la chaleur sur mes tempes. Respirer, voilà le défi, coincé au milieu d’une véritable fournaise. Je me lève et jette un œil par la fenêtre. Un homme est assis sur une petite chaise en plein soleil. Il ne bronche pas, son visage souriant est marqué par le poids du temps. Il porte une djellaba blanche et un fez noir sur la tête. Au loin, les collines arides m’éblouissent, je reste interloqué devant ces maisons jonchées les unes sur les autres, incroyable Tétris.

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Publié le 02 octobre 2013
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Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

De nouveau dans ma piaule, seul et reclus. Je me laisse enivrer par mon ami Chablis. Il me fait tourner la tête, m’aide à
tout oublier. J’avais ce choix à faire, mais je ne me souviens plus lequel. Il me semble juste que c’était important, comme
souvent. Je suis prêt de la fenêtre. J’observe le jardin du voisin. Des vêtements flottent tout doucement, balancés à
droite puis à gauche, dansant au gré du vent humide et impétueux. Comme ça doit être simple d’être un objet. De n’avoir
aucune décision à prendre, de seulement se laisser guider, plier, repasser. Je ressens comme une envie de fermer les
yeux et de retourner à un moment tranquille de ma vie, où je n’avais pas à agir, où j’éprouvais ce sentiment de liberté
absolue, ravie et excessive…
Le vent souffle fort et s’engouffre sous la porte close. Je suis allongé sur un lit qui n’est pas le mien, dans une chambre
qui m’est étrangère, jonchée au dernier étage d’une grande bâtisse. Je sens la chaleur sur mes tempes. Respirer. Voilà
le défi. Coincé au milieu d’une véritable fournaise. Je me lève et jette un œil par la fenêtre. Un homme est assis sur une
petite chaise en plein soleil. Il ne bronche pas, son visage souriant est marqué par le poids du temps. Il porte une
djellaba blanche et un fez noir sur la tête. Au loin, les collines arides m’éblouissent, je reste interloqué devant ces
maisons jonchées les unes sur les autres, incroyable Tétris. Un peu partout, j’aperçois ces drapeaux rouges qui flottent,
ces étoiles vertes qui s’agitent dans tous les sens, caressés par cette terrible lueur à l’horizon. À ma droite, je peux
entrevoir la médina, le cœur de cette formidable ville, Fès. Je m’y sens si bien, comme si j’avais vécu à cet endroit toute
ma vie. Il y’est des villes dans ce monde qui t’accueilles et t’enlaces pour ne plus jamais te laisser partir. Ça faisait des
années que je n’étais pas revenu en Afrique. Ma première fois dans un pays du Maghreb. J’avais oublié à quel point la
vie pouvait être simple, généreuse, souriante. Ce continent est pauvre, comme beaucoup d’autres et cela me permet de
me déconnecter des choses superficielles qui sont devenues l’essence de mes jours.
Je suis chez Sou, un ami. Comme la majorité des personnes en cette période, il fait le ramadan. Toute sa famille
également. Je décide de le faire par respect, je ne supporterais pas de le laisser me regarder manger et puis cette
chaleur vous coupe la faim. Je descends à présent dans la rue. Quelques hommes se tiennent dans l’obscurité et
attentent patiemment leur moment. Difficile de sortir à jeun sous un soleil de plomb. De temps à autre, une mobylette
passe avec fracas. Je souris flegmatiquement et continue d’avancer. Quelques anciens discutent calmement. Je me
demande de quoi ils peuvent bien parler. Je finis par retourner vers la maison, écrasé par cette canicule. J’ouvre un
portail de fer, puis traverse une étroite cour ombragée. Le père de Sou fait sa sieste sereinement. Je marche sur la
pointe des pieds et parviens à l’entrée principale. Je tombe dans l’obscurité, les volets sont fermés, la cuisine est sur la
droite et sur la gauche, j’aperçois les faisceaux lumineux de la télévision. Les plus petits se tiennent tranquillement, se
chamaillant de temps à autre pour un oui ou pour non. J’arrive dans la pièce de vie. Tout est agréablement décoré, les
mosaïques sur les murs, les nombreux canapés, le tout dans un style traditionnel marocain. Tout est parfaitement
harmonieux. Sou fait la sieste sur des couvertures qu’il a posée par terre. Je revois son sourire quand hier soir il
m’avoua qu’il adorait dormir comme ça. Cela faisait partie de l’aventure. Je m’allonge sur les quelques fauteuils, la télé
résonne dans l’autre pièce, quelques flashs lumineux sur le plafond, je n’aperçois plus qu’un nuage informe, je ferme les
yeux.
Le soleil disparut, la ville se réveille. J’entends les enfants crier dans la cuisine. Ils viennent de finir de manger. Lorsque
je les rejoins, je vois toute la famille réunie autour de la table. On s'assoie sur des petits tabourets, très près du sol. Une
faible lampe éclaire plusieurs assiettes bien remplies. Sou casse son ramadan avec une date. Je goûte aux olives, elles
sont ambrosiaques. On me sert une citronnade, je me délecte. Sur la table, beaucoup de spécialités marocaine comme
la pastilla, une sorte de feuilletée sucré-salée qui me rends accro en l'espace de 5 secondes. Au bout de 10 minutes, je
ne peux plus rien avaler. Sou me regarde et affirme que je ne mangerais plus rien après. Je reste interloqué sur le «
après ». On finit par m’expliquer que la tradition et de manger deux fois dans la soirée. Le premier repas serait en
quelque sorte le petit déjeuner. Tout le monde se moque gentiment de ma naïveté, quant à moi j’annonce d’ores et déjà
que je suis bon pour aller me coucher et ferais mieux le lendemain.
Sou tient à me montrer la ville de nuit. Assis dans sa petite Ford Ka, je regarde les routes partiellement éclairées. La
circulation est incroyablement dense, les motos doublent de tous les côtés ; tout comme les voitures d’ailleurs. Sou
s’énerve plusieurs fois et lorsqu’un type klaxonne derrière lui et fait signe qu’il n’avance pas assez vite, il freine et sort de la voiture pour s’expliquer. Son impulsivité me fait sourire. On finit par arriver dans le centre. Sou se gare tant bien que
mal et nous descendons. Toute la ville est ici. De nombreuses personnes ont posé des affaires sur des nattes et font le
marché à une heure insensé. Des néons et des lampes torches éclairent toutes sortes d’objets, vêtements, téléphone
portable, chargeur en tout genre. J’observe toute cette nourriture à profusion. Sou s’arrête pour manger une spécialité,
une soupe avec des escargots. Je refuse de goûter trouvant cela un peu trop exotique pour moi. Il a l’air de se délecter
et ne peut s’empêcher de me dire que je rate quelque chose. De retour dans mon lit, je m’endors quasiment
instantanément, des images plein la tête, gentiment bercé par le vent et les doux sourires de la vie Marocaine.
Le lendemain, nous allons vers la Médina Jonché sur une colline, la médina s’étend de tout son long, vaste et
imposante. Des habitations délabrées donnent de la grâce à cet endroit. Les murs sont sales, défraîchis, la lueur du
soleil fait ressortir tous ces charmants défauts. Lorsque l’on passe les portes de la ville, on se retrouve mêlé à un
brouhaha général où tout le monde semble trouver sa place. Les enfants jouent entre eux sous le regard affectueux des
plus anciens. Les marchands ameutent la foule et les quelques touristes, à venir découvrir leurs trésors. Je marche et
j’observe tout autour de moi. Je fais vacancier avec mon appareil photo, mais ce serait un drame de ne pas immortaliser
cette lueur qui caresse le minaret de la mosquée située en face de moi. Sur de nombreuses étales, on voir
une abondance de nourriture traditionnelle. De nouveau, je veux tout essayer. En continuant d’avancer, on retrouve
plusieurs boutiques de vêtements affichant des prix dérisoires. J’observe toutes ces personnes qui vivent le plus
simplement possible et je ne peux m’empêcher de me demander comment j’agirais à leur place.
Je suis désormais à l’aéroport, j’ai mon billet dans la main, prêt à rentrer en France. Je me pose sur une banquette et
tombe dans mes pensées. Ces jours à Fès ont été délicieux. Je n’ai pas vraiment envie de partir. Un petit garçon vient
s’asseoir en face de moi. Il me lance quelques sourires que je lui retourne avec plaisir. Sa mère est avec lui à présent.
Je savoure les villes qui me poussent à la réflexion. Pour cela, Fès a déstructuré mon esprit. C’est surtout cette cohésion
religieuse qui m’a le plus frappée. Je ne pense pas qu’on puisse le comprendre sans y être allé. C’est si différent de nos
pays laïques.
Je me dis que dans certains cas, la religion peut tellement rapprocher les hommes. L’homme se comportant si souvent
comme une bête féroce, prête à tuer pour un rien, à vendre père et mère pour quelques sous. L’idée de croire en un être
spirituel, capable de nous sauver de tous c

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