Les petits moutons blancs
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Les petits moutons blancs

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Publié le 07 avril 2012
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Langue Français

Extrait

Je dérive, dans un espace qui m'est inconnu. Dans un lieu inexistant, niché aux confins de
l'univers. Au firmament des étoiles. Là où rêve et réalité se mélangent. Où leur frontière se mêlent.
Étroitement. Je divague. Lentement. Paisiblement.
Le noir ambiant est une partie de moi. Comme je suis une partie de cet endroit. Je tombe. Et la
chute est infinie. C'est l'impression que j'ai, là, tout de suite. Bizarre n'est-ce pas. Je suis vide.
Complètement vide. Et les ténèbres m'habitent, s'écoulant en moi, froidement, pareilles à une goutte
d'encre diluée dans de l'eau. Elles se répandent, sans cesse, entraînées par l'écoulement infini, en
mon être, d'un même segment de matière métaphorique, brumeuse. Un souvenir. Voilà à présent ce
que je suis. Un souvenir qui n'arrête pas de se rembobiner. Un peu comme on le ferait pour une
scène d'un film sur une de ces vieilles cassettes vidéos. Une scène, que l'on regarderait un grand
nombre de fois. Sans jamais s'arrêter.
Un souvenir. Un minable souvenir. Secrètement niché dans les entrailles infectes du Néant, et
totalement seul. À jamais.
Mon existence présente est un cycle, rythmé par les différentes étapes du souvenir que je suis. Je
nais, j'existe, je meurs. Puis, tout reprend. Je nais, j'existe, je meurs. L'enchaînement est continuel.
Pareil au flot d'une rivière.
Dans le brouillard ténébreux, ici-même, je suis condamné à errer, dans une solitude profonde,
dont le sens véritable m'échappe. Je suis prisonnier. Pour toujours.
Je nais.
Au loin, le vent hurle. Et d'entre les stridentes rafales, le miaulement d'un chat se fait difficilement
entendre. Presque inaudible. Le Monde s'effondre autour de moi. Mon Monde. Une houle de cris
commence à monter, à s’émousser et prendre en volume. Comme la mer lorsqu'elle s'agite.
Je regarde en bas. Cette houle prend forme, là, en même temps que mes yeux la découvrent. C'est
un amas difforme, un agrégat de personnes gigotant en tout sens, clamant des propos
incompréhensibles. Et de cette foule découle une funeste chanson. Une horrible mélopée, fusion
d'accords mêlant entre eux plusieurs hurlements perçants. La moribonde symphonie dont les échos
me transpercent furieusement, résonne, là, accompagnant l'éboulement de mon microcosme... Des
cris, des cris, et encore des cris.
Je vis.
Le froid me fait trembler
.
Mon souffle chaud se matérialise, là, devant moi, transformé par la
fraîcheur ambiante en brume épaisse. L'air paraît pur avec ce froid. Je me demande s'il l'est
vraiment. Je lève les yeux au ciel et admire le paysage. Le soleil, matinal, éclaire tout ce qu'il peut.
Et les nuages, eux, flottent tranquillement, pareils à de petits moutons, au calme, dans une prairie.
Des moutons dont la laine serait d'un blanc éclatant, presque irréel. Et baignant dans une mer de
cristal, doucement teintée de bleu. Un tableau parfait. Raffiné. Parfait. Et c'est ici que je vais mourir.
Ça n'est pas pour rien que j'ai choisi la tour la plus haute de la ville.
The Watchtower.
C'est décidé,
je vais mourir. Maintenant. Il me semble que ma vie vient d'atteindre son point zéro. Celui de non-
retour. Le Monde ne m'a pas accepté. Et je ne l'ai pas accepté. S'en suit un déroulement naturel des
choses. Tel que le schéma « cause-conséquences » peut le présenter. Je me suis retrouvé piégé dans
un processus de transformation. Happé. Transformé petit à petit en ectoplasme, morne, livide, errant
sur le continent de l'Existence, fade, où rien ne se passe. Le Beau peut bien exister, seulement, moi,
fantôme piégé que je suis, je ne peux plus le déceler. C'est étrange.
Cette chose s'avère être comme un poulpe. Un poulpe visqueux. Secrètement caché dans une
partie de mon être. Et fougueusement enlacé à mon cœur. De ses tentacules vicieuses. En quasi-
fusion avec moi.
La brise, me caresse. Langoureusement. Et ces gens en bas continuent de hurler. Je ne veux que
mourir. C'est tout.
Je meurs.
Le processus arrive à sa fin. Le poulpe n'aura bientôt plus rien à absorber de mon âme. Je le sens.
Je m'éteins. Je vais plonger dans le gouffre, qui depuis longtemps se creuse en moi. Et je vais y
mourir. C'est une bonne chose. Du moins, je pense.
Je m'approche du bord, baisse la tête et observe la foule, en bas. Je respire, et une bouffée d'air
froide s'engouffre violemment dans ma gorge. Que c'est bon.
Tout est glacé autour. Il fait froid. Malgré les rayons du soleil.
Je tombe.
J'espère de tout mon être que le Néant, tout puissant, m'accordera une dernière faveur. Ma
dernière volonté. Je veux qu'il m'absorbe. Je veux qu'il m'annihile, pour toujours. Je veux ne jamais
avoir existé, ne pas exister, et ne plus jamais exister. Je veux qu'il efface l'empreinte que j'ai posée
sur ce Monde qui ne voulait pas de moi. Que le souvenir que l'on ait de moi se détruise. Plus rien.
Et je serai mort pour de bon. Pour de vrai. Je tombe. Toujours plus vite.
Les petits moutons bêlent tranquillement dans leur mer de cristal. Je crois les entendre. Au loin.
Un bruit sourd retentit. Je m'écrase au sol.
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