road trip
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Description

Lorsque j’écris, je saisis, au vol, des bribes de réel. Amusantes. Etranges. Belles à voir ou à entendre. J’écris cela. Ces petites choses. Aussi, au fil du temps, ai-je développé une obsession pour l’écriture en voiture. En mouvement. La translation me permet d’accélérer ma démarche d’écriture. De trouver plus vite ces micro-événements. Ces structures qui accrochent ma sensibilité. De les trouver pour aussitôt les perdre. Et c’est précisément cette rapidité liée à cette fugacité qui déclenche l’envie d’écrire. De fixer. Ce qui se passe au moment même où je le perds. Ce double mouvement. De trouvaille. Et de perte. Me travaille. Insidieusement. Et me fait toujours revenir. A ma voiture. Et à ces textes fusées.
Ma série est illustrée de photographies prises un soir d’août 2014 sur l’autoroute, entre Lons-le-Saunier et Saint-Etienne. Vous les découvrirez au fil du temps. Au fur et à mesure que ma série s’étoffera, vous avancerez plus loin dans la nuit. Ma nuit. Où les lumières se font abstraites. Taches de couleur irisées. Où le monde se dissout. Disparaît. Où nous serions monades. Intellects perdus dans un océan primordial. Sans plus d’autre présence que ces taches de couleur. Belles. Mystérieuses. Effrayantes comme une fin possible du monde.

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Publié par
Publié le 13 octobre 2014
Nombre de lectures 11
Licence : En savoir +
Paternité, pas d'utilisation commerciale
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

road trip[work in progress, 13 octobre 2014]
Angèle Casanova
sitegadins et bouts de ficelleshttp://www.gadinsetboutsdeficelles.net
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Lorsque j’écris, je saisis, au vol, des bribes de réel. Amusantes. Etranges. Belles à voir ou à entendre. J’écris cela. Ces petites choses. Aussi, au fil du temps, ai-je développé une obsession pour l’écriture en voiture. En mouvement. La translation me permet d’accélérer ma démarche d’écriture. De trouver plus vite ces micro-événements. Ces structures qui accrochent ma sensibilité. De les trouver pour aussitôt les perdre. Et c’est précisément cette rapidité liée à cette fugacité qui déclenche l’envie d’écrire. De fixer. Ce qui se passe au moment même où je le perds. Ce double mouvement. De trouvaille. Et de perte. Me travaille. Insidieusement. Et me fait toujours revenir. A ma voiture. Et à ces textes fusées.
Ma série est illustrée de photographies prises un soir d’août 2014 sur l’autoroute, entre Lons-le-Saunier et Saint-Etienne. Vous les découvrirez au fil du temps. Au fur et à mesure que ma série s’étoffera, vous avancerez plus loin dans la nuit. Ma nuit. Où les lumières se font abstraites. Taches de couleur irisées. Où le monde se dissout. Disparaît. Où nous serions monades. Intellects perdus dans un océan primordial. Sans plus d’autre présence que ces taches de couleur. Belles. Mystérieuses. Effrayantes comme une fin possible du monde.
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un corps en mouvement
Tendu. A l’extrême. Mon corps souffre. Se terre en lui-même. Je sors. Respire un bon coup. L’air froid de la nuit me brûle les poumons. Par grandes rasades, j’inspire. Je souffle. J’inspire. Je souffle. Mes seins montent. Descendent. Je marche de plus en plus vite. Hanches en avant. Le regard bas. Le sac massé sur l’épaule. Je respire. Je marche. Je sais que mon visage est dur comme un marteau. L’œil sec. Froid.
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Sauvage. Je marche. Toujours plus vite. Le sac rebondit sur mon flanc. Mon corps se déploie. Prends sa juste mesure. J’arrive à la voiture. Je lance mes affaires dans le coffre. En vrac. Je m’assois au volant. Béret vissé sur le crâne. Les phares s’allument. Je plonge dans le noir. La musique m’abasourdit. Et me libère. Run run run run shithead run. J’appuie mon dos sur le siège. Tourne la clé. Démarre. Je regarde par-dessus mon épaule et je déboîte. La musique me vrille les oreilles. Run run run run shithead run. Alors je cours. Le regard cruel. Prête à engloutir le monde. Je cours. Les bras souples sur le volant. Du bout des doigts, je le tourne. Femme. Homme. Un peu les deux. A la fois. Je joue. A l’assurance. A aller le plus vite possible. Dans les limites autorisées. Je prends plaisir à cela. Mon corps en mouvement. Qui se déploie. Prend sa juste mesure. Celle où je ne suis plus. Ni femme. Ni homme. Juste moi. Au volant. Dans la nuit. Roulant vite. Un peu. Juste ce qu’il faut. Pour que je me sente. Vivante.
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économique
Rien en elle n’est économique. Le corps. L’âme. Les sentiments. Elle donne tout. Sans compter. Généreusement. Les autres comptent pour elle. Elle donne tout pour oublier qu’elle n’a rien au cœur. Au fond. Au milieu. Elle est vide. Alors elle donne. Elle parle. Elle vit. Live fast, die hard. Cette devise lui convient. Le soir, elle confie sa vie à la
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route. Elle freine fort. Au dernier moment. Ou pas du tout. Elle ouvre grand les yeux. Dans ces instants. Entre deux. Quand elle pourrait basculer. Mais au dernier moment, elle fait la pirouette. Nécessaire. Pour rester en vie. C’est si simple. Live fast. Die hard. Et pourtant. Elle sent en elle mugir le désir. L’envie. La soif. Pour quoi. Ces torrents s’agitent dans le silence. Dans une nuit infinie. Rouge. Noire. Où elle met en scène la mort de sa mère. La sienne. Possible. A travers elle. Dans le sang. Dans la nuit. Elle roule vite. Elle rit. Elle chante. Elle attend. Elle espère pourtant. Vivre. Un jour. Vraiment. Juste vivre. Pour elle. Pour quelqu’un. Alors elle fait des folies. Elle se donne sans compter. Sans attendre. Rien. En retour. Elle se donne, elle fonce. Toujours dans le mur. Certains ne peuvent jamais être aimés. Follement. Elle en fait partie. La folie est pour les autres. A elle la raison. Les choix imparables. A elle la solitude. Le soir. Quand elle attend. Les yeux ouverts. Que la nuit passe.
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voyage au bout de ma nuit
Je prends l’autoroute. Direction. Tout droit. J’appuie sur l’accélérateur. La vitesse me décolle le cerveau. L’aère. Le fait respirer. Mon champ d’action s’élargit. La nuit me tombe dessus comme une chappe de plomb. Ici. Elle est noire. Sans tache. Profonde. Aucune lueur rose à l’horizon. Mes seuls repères. Les phares des voitures. Les silhouettes grises des carrosseries. Droit devant. La lune. Un quartier bas. Comme un hamac. Une balancelle. Enorme. Jaune. Morcelée pourtant. Droit
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devant. Au-dessus de la route. Je la regarde en conduisant. La nuit. La lune. Mes mains sur le volant. Détendues. Calmes. Apaisées. Alors, je la suis. A toute berzingue. Je la suis. Sur cent kilomètres. Je ne sais pas où je vais. Je m’en fiche. Seul le chemin compte. Quand la fatigue se fera sentir, je m’arrêterai sur une aire. Et je ferai demi-tour à la première bretelle venue. En attendant, je me laisse griser. Par cette sensation. La musique. La lune. Je ne suis plus vraiment là. Je me fonds dans le décor. Seuls mes yeux continuent. Ils continuent. Et ils me guident. Vers elle. La lune. De guingois. Que je suis. Jusqu’au bout de ma nuit.
***
Je suis rentrée chez moi. Fourbue. Mais satisfaite. Pleine de ce voyage. J’ai dormi comme une masse. Et le lendemain matin. Lorsque j’ai regardé par la fenêtre de ma cuisine. Et que j’ai vu cette lumière. Spéciale. J’ai eu l’envie furieuse. D’y retourner. Sur la route. A la poursuite. De quoi. De moi peut-être. Alors. Je suis partie. Tout simplement.
***
Je tourne au coin de ma rue. Le soleil me fait plisser les yeux. J’ai envie de les fermer. De me laisser glisser le long de cette rue. A l’aveuglette. Le soleil me réchauffe la peau. En réponse, mon corps se met. A irradier. La chaleur. La vie. J’ai l’impression, peu à peu, de renvoyer la lumière que j’accueille. Comme une lampe solaire. Mon corps devient phosphorescent. Mes vêtements disparaissent. Dans une nuée. Je suis nue. Irradiante. Au volant. De ma voiture. En plein midi. Et je souris. A la lune invisible. Au soleil qui me nourrit. A tout. A rien. A ma joie revenue.
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ligne de partage des eaux
L’autoroute défile Je grignote le terrain Je passe devant ce panneau Ligne de partage des eaux Zone frontière
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Entre sud et nord Comme si une tension existait en ce lieu Un équilibre Invisible Instable peut-être Une ligne où les mers si loin pourtant S’affrontent se combattent En leur propre absence Seul ce panneau Sur l’autoroute Entre Belfort et Mulhouse Signale Ça L’existence D’une ligne Qui matérialise Les forces invisibles en action Partout Forces qui tracent Un maillage Des directions Un sens peut-être
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bande blanche
le soleil droit devant plomb fondu la route dans l’axe
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