Séance Hénné
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Description

Séance حhenna « Et aussitôt après la pause thé, songe Badai, les voilà Lralia et Lwad حa croiser les jambes par terre, ou sur l’h ححédour حa, (la fourrure œuvrée du mouton) et ouvrir leur queue-de-cheval si grosse, si soigneusement et artistiquement tressée ! Swalef kanou حaned’حhom, (les belles tresses qu’elles avaient), continue Mama à dévoiler avec admiration et dévotion. Puis les voilà déballer une chevelure si abondante, sentant l’h حenna we حoud’nouar (le henné et les clous de girofle). Les voix et les sens de Mama et Badi حa se mêlent. « Mes narines s’enivraient, retrousse Mama ses narines comme chatouillées vivement par le baume enchanteur. « Les voilà prendre de l’huile tirée de grains de sésame mélangée au ri حhane (myrte) et aux boutons de rose. Les voilà commencer lentement à enduire leurs mèches acajou et parler, raconter, rire. Nos verres de thé bouilli avec chri حa حàmr حa, (une figue sèche mise à fermentation), ne dévidaient pas, ajoute Mama avec un air de malice. Leur chevelure entièrement trempée d’huile ondoyante me subjuguait. Lwad’h حa commençait à préparer la mixture d’l’حenna (henné), poudre obtenue sur le champ à partir des feuilles de henné séchées, écrasées dans le mortier.

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Publié le 02 janvier 2013
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Langue Français

Extrait

Séance حhenna
« Et aussitôt après la pause thé, songe Badai, les voilà Lralia et
Lwad حa croiser les jambes par terre, ou sur l’h ححédour حa, (la
fourrure œuvrée du mouton) et ouvrir leur queue-de-cheval si
grosse, si soigneusement et artistiquement tressée ! Swalef kanou
حaned’حhom, (les belles tresses qu’elles avaient), continue Mama à
dévoiler avec admiration et dévotion. Puis les voilà déballer une
chevelure si abondante, sentant l’h حenna we حoud’nouar (le henné
et les clous de girofle). Les voix et les sens de Mama et Badi حa se
mêlent. « Mes narines s’enivraient, retrousse Mama ses narines
comme chatouillées vivement par le baume enchanteur. « Les voilà
prendre de l’huile tirée de grains de sésame mélangée au ri حhane
(myrte) et aux boutons de rose. Les voilà commencer lentement à
enduire leurs mèches acajou et parler, raconter, rire. Nos verres de
thé bouilli avec chri حa حàmr حa, (une figue sèche mise à
fermentation), ne dévidaient pas, ajoute Mama avec un air de
malice. Leur chevelure entièrement trempée d’huile ondoyante me
subjuguait.
Lwad’h حa commençait à préparer la mixture d’l’حenna
(henné), poudre obtenue sur le champ à partir des feuilles de henné
séchées, écrasées dans le mortier. Poudre qu’on veille à tamiser au
fond d’un morceau de tissu blanc à fils tissés très fins appelé
حAyati(ma vie) qui raffine le produit, lui donne son aspect soyeux et
satiné quand il sera mélangé à une infusion de plantes
aromatiques à base de clous de girofle et babounj (camomille). La
mixture prête, les deux sœurs appelaient leurs fillettes et tout
ensemble assises parterre jambes croisées, fusionnées en cercle, au
milieu de la chambre comblée de senteurs fraiches ; leurs bras
entrelacés, leurs doigts fuseaux déployés, elles se malaxaient la tête
avec cette bouillie visqueuse bien odoriférante. Un baume exhalant
toute leur personne, leurs habits, leurs paroles et leur haleine. Leur
atmosphère en était fleurée et chatoyante, enivrante. Les rayons de
soleil traversaient frauduleusement les petites fenêtres tamisées
avec des semblants de rideaux de fortune, juste des carrés de tissus
de toile rude qui vous balayaient la clarté d’une douce journée
d’automne, où les rayons d’un soleil lacérant à la fin du printemps.
Des sensations chaudes et suaves se dégageaient de leurs
attouchements partagés. De leurs doigts glutineux dégoulinait cette
matière verdâtre, combien vénérée. En hiver et en été, c’étaient elles qui s’amenaient souvent chez-moi. C’était mieux, précise Mama
sans donner d’explication.
Pour ces femmes, l’حenna est plus qu’une matière d’entretien de
leur chevelure, c’est une matière de culte, de rituels en famille, au h
حammam (bain maure), au cours de la fête du baptême, pendant les
mariages quand les nouvelles mariées et les jeunes filles veillent
scrupuleusement à orner de couleur rouge brique leurs mains et
leurs pieds. C’est une mixture présente aussi à la célébration des
circoncis, ou en cours de l’égorgement du mouton de l’حide (la fête).
« L’h حenna, ya bniyeti (le henné, ma fille) te couvre de tendresse
divine et lénifie toutes les mauvaises tendances, certes en nous les
femmes, elle les freine ! Tiens !?se dit Badi حa sachant que sa mère
a toujours été récalcitrante au henné. Elle doit quelquefois penser
que le henné adoucit le tempérament houleux de toutes ces femmes
qui rentrent dans des crises d’hystérie surprenantes, ne sachant
comment gérer leur dépression ni leur rage. Et Dieu seul sait
combien de fois Mama est rentrée dans des rages noires.
« Ces femmes fournissaient un beau spectacle à mes yeux de jeune
citadine, vite sortie d’un milieu si différent, reprend Mama. Toutes
mes visites étaient marquées par ce couscous exotique et ces
séances حenna. Je m’habituais à sentir ces femmes mélangées à
cette pâte visqueuse, placée généreusement entre les sillons et tout
au long des méandres de leur massive chevelure verdoyée au début
du massage mèche par mèche de crins si longs, puis empourprée à
fur et à mesure que l‘opération avançait. Ensuite, mamans et
fillettes, enroulaient leurs tresses autour de leurs tempes au dessus
de leur front, à la hauteur de leurs sourcils aussi enduis par la
matière verdâtre qui, soulignant les joues et traçant l’arrondi de
leur visage presque tatoué du haut front au bas du menton, suintait
des tempes. Une fois amassée, leur coiffe formait pour moi un
couvre-chef étonnant, un poids franchement lourd à
envelopper dans plusieurs foulards, puis à supporter. Deux ou trois
jours après, je les surprenais entrain de déballer encore leur
chevelure non lavée et s’offrir une autre séance d’embourbement
avec le même rituel, mettant à l’œuvre leurs doigts, leurs deux
mains et leurs bras levés en vue d’enrouler leurs foulards
multiples, de plusieurs dimensions et couleurs autour de leur crâne
chargé de leurs tresses enserrées . Ainsi la coiffe agencée avec
style et beauté, au cours de chaque séance, prenait plus de forme,
de couleur et de parfum. Elles gardaient ainsi sur leur chef cette
mixture à peu prés toute la semaine et se comportaient comme si
elles n’avaient rien sur la tête. Leur chevelure ainsi assaisonnée, empesée, ne pesait pas lourd pour elles. C’est ça qui m’étonnait. De
temps en temps, l’حhenna déshydratée sur leur tête, elles
re-déballaient leur chevelure, se peignaient lentement avec le
peigne de corne, l’enduisaient d’huile et l’emballaient tel un serpent
enroulé, dans leur sebniyate bdladèle w l’ouize. Ce sont des
foulards aux bordures en macramé agrémentées en francs d’argent
ou de cuivre, avec lesquels elles dissimulaient leur chevelure
enduise mijotant jusqu’au jour du grand bain. Elles avaient de ces
crinières à faire mourir d’envie les citadines

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