Etude n°13 - Le capital, c est fini
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Études & Économie N°13 – août 2007 Le capital, c’est fini ? Le travail a été la vedette des dernières conflits, la situation était toute différente, il manquait de campagnes électorales. De « travailler plus salariés au point que les gouvernements étaient obligés pour gagner plus » à la TVA sociale en passant de favoriser l’immigration. Le retournement de tendance par la remise en cause des golden parachutes, dans les années soixante-dix s’explique tout à la fois par il a été au cœur des débats. La baisse du l’épuisement du modèle économique développé après chômage et le vieillissement de la population 1945, modèle qui reposait sur la production et la semblent redonner du lustre à une valeur qui consommation de masse au sein d’un nombre réduit de était, depuis des années, en perte de vitesse. pays. Il s’explique aussi par l’arrivée des classes d’âge La thèse de Jeremy Rifkin, « la fin du travail » nombreuses du baby-boom sur le marché du travail et apparaît de plus en plus datée. Sommes-nous à par la mobilité accrue du facteur travail. La croissance la veille d’un retournement ou du moins d’un de la population active constatée depuis trente ans, à rééquilibrage ? l’échelle mondiale n’a pas de précédent dans l’histoire contemporaine. Philippe Crevel Si durant « les Trente Glorieuses », les actionnaires et les épargnants étaient les parents pauvres de la Après « les Trente Glorieuses » des salariés, ...

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Langue Français

Extrait

Le travail a été la vedette des dernières
campagnes électorales. De « travailler plus
pour gagner plus » à la TVA sociale en passant
par la remise en cause des golden parachutes,
il a été au coeur des débats. La baisse du
chômage et le vieillissement de la population
semblent redonner du lustre à une valeur qui
était, depuis des années, en perte de vitesse.
La thèse de Jeremy Rifkin, « la fin du travail »
apparaît de plus en plus datée. Sommes-nous à
la veille d’un retournement ou du moins d’un
rééquilibrage ?
Philippe Crevel
Après « les Trente Glorieuses » des salariés,
« les Trente Glorieuses » des épargnants
Si « les Trente Glorieuses » ont été à l’avantage
des salariés, depuis un quart de siècle, le capital a
pris sa revanche. Plusieurs indicateurs en
témoignent : le partage de la valeur ajoutée des
entreprises, l’augmentation des cours de bourse,
le montant des bénéfices des entreprises…
Dans une économie mondialisée, le capital est et a
été, avec la maîtrise des techniques modernes
d’information et de communication, la clef de voûte
du succès. Il en avait été de même à la fin du
XIX
ème
siècle
lors
du
premier
processus
d’internationalisation de l’économie qui s’était
achevé avec la Première Guerre mondiale.
L’abondance du facteur travail, tant en Occident
que dans les pays en voie de développement, a
joué en sa défaveur de 1970 à nos jours. Juste
après la Seconde Guerre Mondiale, dans une
économie en pleine reconstruction avec des
générations de taille modeste et amputées par les
conflits, la situation était toute différente, il manquait de
salariés au point que les gouvernements étaient obligés
de favoriser l’immigration. Le retournement de tendance
dans les années soixante-dix s’explique tout à la fois par
l’épuisement du modèle économique développé après
1945, modèle qui reposait sur la production et la
consommation de masse au sein d’un nombre réduit de
pays. Il s’explique aussi par l’arrivée des classes d’âge
nombreuses du baby-boom sur le marché du travail et
par la mobilité accrue du facteur travail. La croissance
de la population active constatée depuis trente ans, à
l’échelle mondiale n’a pas de précédent dans l’histoire
contemporaine.
Si durant « les Trente Glorieuses », les actionnaires et
les épargnants étaient les parents pauvres de la
croissance, qui s’accompagnait de faibles dividendes,
depuis un quart de siècle, ils sont les rois. L’indice du
CAC 40 a été multiplié par six depuis 1987. Selon la
dernière étude de l’économiste Camille Landais, sur la
période 1998-2005, les salaires ont crû en moyenne de
0,7 % par an, les revenus fonciers de 2,2 %, et les
revenus de capitaux mobiliers de 3,9 %. Les prix de
l’immobilier ont doublé en dix ans. Mais ne sommes-
nous pas à l’apogée de ce processus, voire en fin de
cycle ?
Cette évolution a eu pour conséquence une montée
relative des inégalités ou si l’on préfère un rééquilibrage
par rapport à la période précédente. Le patrimoine, sous
forme d'immobilier ou d'actions, est, en effet, plus
souvent détenu par les ménages aisés : la part des
revenus du capital atteint 23 % parmi le 1 % de foyers
fiscaux les plus riches, contre 3 % en moyenne dans les
90 % de foyers les moins riches.
Le capital, c’est fini ?
Études & Économie
N°13 – août 2007
Le capital, c’est fini ?
Si la victoire du capital est totale, des fissures
apparaissent
La chute du communisme en Europe ainsi que le
développement de la Chine et de l’Inde marquent
le triomphe du capitalisme. L’islam est, aujourd’hui,
la seule grande force d’opposition. Il n’en demeure
pas moins que le consensus n’est pas exempt de
critiques. Ainsi, les opposants traditionnels au
capitalisme se rassemblent désormais sous la
bannière du développement durable et de
l’altermondialisme. Il n’est pas surprenant que les
trotskistes ou les anciens communistes se
retrouvent dans les mouvements écologistes et
continuent de prôner la décroissance et une
refonte complète du système économique.
La remise en cause des stocks-options, des
golden parachutes, des superprofits traduit-elle la
recherche d’un nouvel équilibre ? Par ailleurs,
l’évolution de la démographie, les contraintes
environnementales,
la
multiplication
des
déséquilibres financiers traduisent-ils l’épuisement
du paradigme en vigueur ? L’ère du patrimoine-roi
serait-t-il en train de se terminer ?
Vers un rééquilibrage ?
D’ici 2050, l’humanité aura atteint son apogée en
ce qui concerne le nombre d’humains vivant en
même temps sur la planète. Toutes choses étant
égales par ailleurs, la Terre devrait alors compter
de 9 à 10 milliards d’habitants. Les prochaines
décennies seront marquées par la décélération de
la natalité et par la croissance forte des seniors et
cela sur tous les continents. D’ici 2050, la planète
comptera 25 % de retraités, soit plus de 2 milliards
de seniors dont 62 % vivront en Asie. L’âge
médian des habitants s’établira à 38,1 ans contre
28 ans en 2005. L’âge médian en Europe atteindra
47 ans contre 39 ans en 2005. Le taux de dépendance
doublera d’ici 2050. Cette évolution prévisible qui ne
s’inversera pas à moyen terme, même si le taux de
fécondité remontait fortement, aura de nombreuses
conséquences sur le capital et son accumulation. Tous
les pays sont concernés par cette révolution
démographique. La Chine est la nouvelle grande
puissance économique, mais une économie peuplée de
seniors.
Selon la thèse défendue notamment par l’économiste
Patrick Arthus, la valeur des actifs à l’échelle planétaire
aura tendance à se déprécier, du fait que les fonds de
pension devront désinvestir pour financer les rentes à
verser aux papys-boomers. Par ailleurs, la part allouée
aux dépenses de santé, de retraite et de dépendance
devra s’accroître au détriment de l’investissement. Un
« monde de vieux » est un monde en quête de tranquillité
et qui fuit, par tous les moyens, le risque ; or, sans risque,
pas de capitalisme, sans prise de risque, pas
d’opportunité de gains. Le risque est également au coeur
de la thématique du développement durable. Les activités
humaines, le climat et la terre sont des sources de risques
qu’il convient d’endiguer. Le développement durable est, à
ce titre, en phase avec une vision vieillissante de la
société.
Pour d’autres économistes, les pays neufs placent une
grande partie de leurs excédents dans les pays
développés et notamment aux Etats-Unis qui bénéficient
de la sécurité et d’un fort potentiel de croissance. Le krach
de 1997 des places asiatiques a incité ces pays à
dégager des excédents commerciaux et à sécuriser leurs
placements tout en s’appuyant sur des monnaies faibles.
Au fur et à mesure de son développement et afin de le
financer, l’Asie, à travers ses entreprises, pourrait
rapatrier une partie des capitaux investis à l’étranger,
d’autant plus si la croissance des pays industrialisés
s’étiole. Néanmoins, dans le cadre d’une politique
optimale d’allocation des actifs, le retrait massif des
capitaux investis aux Etats-Unis ou en Europe est
improbable ; en outre les vieux pays industrialisés
constitueront pour plusieurs décennies des marchés
attractifs. La Chine n’accélère-t-elle pas sa politique
d’acquisition d’actifs en Europe comme aux Etats-
Unis ? Elle dispose déjà de plus de 1200 milliards
de dollars de réserve.
En matière immobilière, le départ à la retraite des
baby-boomers devrait entraîner une chute des
prix. En effet, pour certains, les nouveaux retraités
cèderaient leur appartement urbain au profit de
résidence au bord de la mer ou au profit de
logement moins grand. Au nom de cette théorie,
les prix baisseraient en centre ville pour les
logements de grande taille alors que les zones
rurales à la mode connaîtraient une envolée des
prix. L’impact du papy-boom est difficile à évaluer
surtout pour une ville comme Paris où les biens
immobiliers disponibles sont rares et subissent une
internationalisation du marché, même si elle reste
modeste et limitée à quelques quartiers (bureaux
dans le triangle d’or et logements dans le VI
ème
,
VIII
ème
et une partie du XVI
ème
arrondissement).
Cette thèse peut être contredite par l’auto-
alimentation de la croissance. La croissance se
nourrit du développement. La création de
richesses est plus forte au sein d’un espace
concurrentiel et équilibré qu’au sein d’un espace
composé de pays ayant des niveaux de
développement très éloignés. De ce fait, le
décollage économique des pays d’Asie et
d’Amérique, puis peut-être demain de l’Afrique,
multipliera les possibilités d’investissement. Les
fonds de pension tout comme les systèmes par
répartition pourront augmenter leurs dépenses,
non pas à travers un processus de destruction du
capital ou de redistribution d’un volant stable de
revenus, mais grâce aux fruits de la croissance. Le
vieillissement de la population, tout comme la
contrainte écologique, seront des sources de
croissance en obligeant le système économique à
évoluer.
Autres temps, autres moeurs…
Le cycle de faible appréciation du capital durant les
« Trente Glorieuses » est atypique. Le système reposait
sur la domination des Etats-Unis qui contrôlait la
monnaie et les politiques de change. La convertibilité
des monnaies européennes n’a été réalisée que
progressivement. Par ailleurs, le libre échange ne
concernait et encore imparfaitement que les Etats-Unis,
le Canada, l’Europe occidentale, l’Australie et le Japon.
La chute de l’Empire soviétique et le développement
accéléré de la Chine, de l’Inde et de nombreux autres
pays qui autrefois appartenaient au Tiers Monde a
modifié la donne. Sous l’égide du GATT puis de l’OMC,
la libre circulation des capitaux s’amplifie et se
généralise comme celle des biens et des services. Il
faudrait un retour du protectionnisme pour casser cette
dynamique. Le vieillissement de la population et le refus
de la concurrence pourraient inciter les « vieux pays » à
fermer
leurs
frontières.
Compte
tenu
de
l’interdépendance et de la mobilité des facteurs, cette
solution est de plus en plus difficilement envisageable
d’autant plus que les frontières ont cessé d’être
physiques pour devenir numériques et virtuelles.
Si la bulle Internet a fait croire que la croissance pouvait
se passer de capitaux, celle des années 2000 démontre
que la société de la connaissance repose sur
l’innovation et exige de plus en plus d’investissements.
De même, le retour sur le devant de la scène des
industries traditionnelles prouve le bien-fondé des
moteurs classiques de la croissance. L’urgence
écologique et la généralisation du principe de rareté aux
biens autrefois gratuits ou collectifs ne peuvent que
favoriser l’intensification capitalistique de l’économie. La
thèse de séparation des sphères économiques et
financières semble avoir vécu. La mobilité des capitaux
contribue à accroître les sources de gains, à
faciliter la réalisation des investissements ainsi
qu’à réduire les risques.
Les règles séculaires de la division internationale
du travail continuent à s’appliquer. Les pays les
plus avancés se spécialisent désormais sur la
recherche, la conception, la gestion et la
commercialisation
laissant
aux
pays
en
développement la production. La multiplication des
zones de consommation incite les producteurs à
délocaliser tant pour des raisons de coûts que
pour des raisons de marché, tout ou partie de leur
production. En Occident, le capitalisme est de plus
en plus offshore.
L’avenir appartient-il aux fonds de pension et
aux compagnies d’assurances ?
Le
vieillissement
de
la
population
et
la
sophistication de l’économie concourent au
développement de la sphère financière et
assurantielle. Jacques Attali, dans son ouvrage
« Une brève histoire de l’avenir », prévoit que les
prochaines
décennies
appartiennent
aux
compagnies d’assurances et aux fonds de
pension. En vertu d’une autre thèse chère aux
« déclinologues », un monde de seniors est peu
propice
à
la
croissance.
Les
courbes
démographiques et de progression du PIB
évolueraient
de
manière
parallèle.
Or,
l’allongement de la vie en obligeant à revoir nos
modes de production et de consommation est une
source potentielle de croissance. En outre, la
raréfaction du facteur travail imposera la recherche
et l’obtention de gains de productivité.
La croissance est-elle menacée à terme du fait
qu’une population vieillissante épargne plus qu’elle
ne consomme ? La question de la répartition du
patrimoine sera au coeur des débats dans les
prochaines années. Avec l’allongement de la vie, les
enfants héritent de leurs parents quand ils sont à la
retraite. La rotation du patrimoine en est ralentie. Avec
le renchérissement de l’immobilier et la faible hausse
des prix, il est difficile pour des moins de 40 ans
d’acquérir sans apport familial une résidence principale
dans les grands centres urbains ou en zone touristique.
Le débat en France sur les droits de succession doit
être replacé dans cette perspective. Auparavant, le
montant élevé des droits était d’autant plus accepté que
l’acquisition d’un patrimoine s’effectuait facilement par
emprunt. Le phénomène de ciseau, dépréciation des
sommes empruntées par l’inflation et l’augmentation des
salaires réduisait le coût des investissements. La
disparition de cet effet de ciseau rend les droits de
succession
plus
difficilement
supportables.
L’amélioration du régime des donations constitue une
réponse, même s’il est difficile pour des personnes en
bonne santé de se dessaisir d’une partie du capital
accumulé. Le développement des emprunts sur trente
ans, voire sur plusieurs générations, comme au Japon
démontre toute l’acuité du problème.
Rien ne semble aller à l’encontre de la poursuite du
processus d’intensification capitalistique même si un
rééquilibrage à court terme peut intervenir. L’économie
est plus rapide, plus mobile mais aussi à la recherche
d’une plus grande sécurité. La fin du tout pétrole et la
prise de conscience de la fragilité de l’Humanité ne
rendent pas caduque le paradigme économique.
Jusqu’à maintenant, il était admis que l’Homme pouvait
détruire par folie guerrière la planète ; désormais il est
admis que ce pouvoir de destruction existe également
en période de paix. Mais, il est aussi admis que le
capitalisme, par sa capacité à se régénérer et à
assimiler ses contradictions, peut surmonter le défi
écologique.
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