Des festivals pour animer les territoires - article ; n°635 ; vol.113, pg 29-50

Arnaud Brennetot

Description

Annales de Géographie - Année 2004 - Volume 113 - Numéro 635 - Pages 29-50
Art festivals have emerged as a new form of entertainment in contemporary societies. They have taken part in the far-reaching expansion of the leisure industry and the mass culture practices. Despite their variety, they are governed by powerful localizing practices and are being used as a mean to cultural decentralization. That is why they contribute in France to the shaping of new living places that provides a sense of belonging, while participating to development and extroversion
Les festivals constituent une forme nouvelle de distraction des sociétés contemporaines. Ils s’inscrivent dans les puissants processus d’affirmation des loisirs et de massification des pratiques culturelles. Malgré leur diversité, ils sont soumis à de fortes logiques de localisation. Ils sont un moyen d’action en faveur de la décentralisation culturelle. C’est la raison pour laquelle ils contribuent aussi à la formation des nouveaux espaces de vie des Français en tant que supports identitaires, vecteurs de développement et d’extraversion.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: ANNALES_DE_GEOGRAPHIE
• Publié le: 01 janvier 2004
• Nombre de lectures: 37
• Langue: Français

Extrait

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Des festivals pour animer les territoires When French art festivals bring life to living places

Arnaud Brennetot Université de Rouen – Laboratoire MTG Résumé Les festivals constituent une forme nouvelle de distraction des sociétés contem- poraines. Ils s’inscrivent dans les puissants processus d’affirmation des loisirs et de massification des pratiques culturelles. Malgré leur diversité, ils sont soumis à de fortes logiques de localisation. Ils sont un moyen d’action en faveur de la décentralisation culturelle. C’est la raison pour laquelle ils contribuent aussi à la formation des nouveaux espaces de vie des Français en tant que supports iden- titaires, vecteurs de développement et d’extraversion. Abstract Art festivals have emerged as a new form of entertainment in contemporary so- cieties. They have taken part in the far-reaching expansion of the leisure industry and the mass culture practices. Despite their variety, they are governed by powerful localizing practices and are being used as a mean to cultural decentra- lization. That is why they contribute in France to the shaping of new living pla- ces that provides a sense of belonging, while participating to development and extroversion Mots-clés Culture et loisirs, développement, espace français, festival, identité, territoire, ville. Key-words Culture and leisure, development, French territory, art festivals, identity, places, towns.

Introduction Cannes, Avignon, Deauville, Marciac, Aix-en-Provence, Lorient, Angoulême ou Saint-Dié-des-Vosges… Tous ces toponymes ont en commun d’être associés à un festival prestigieux. Ainsi se dessinent les contours d’une géographie singulière apparue au cours des cinquante dernières années. En même temps que les pratiques culturelles et les loisirs se sont diffusés et diversifiés, le besoin de faire la fête, de se distraire en groupe, s’est affirmé avec force. Aujourd’hui, les formes d’individuation qui affectent la société française ne peuvent s’épanouir que si, en retour, des opportunités pour conserver des expériences collectives sont maintenues. Ces évolutions pla- cent les festivals au cœur d’un faisceau de facteurs stimulant leur essor. Or, ces fêtes culturelles et artistiques s’inscrivent aussi dans un cadre spatial qui n’est pas anodin et qui interagit avec les logiques contemporaines d’orga- nisation de l’espace français. Certains géographes orientent désormais leur

Ann. Géo., n o 635, 2004, pages 29-50, © Armand Colin

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recherche autour de ces thèmes, comme l’indiquent les travaux de Guy Di Méo (2001) sur les fêtes ou ceux de Françoise Lucchini (2002) sur les acti- vités culturelles. L’objectif visé ici n’est pas de procéder à une synthèse des réflexions menées dans le cadre de ces nouveaux champs de recherche mais de tenter une expérimentation concrète autour du cas français. Il s’agit en fait d’évaluer l’impact des festivals sur l’organisation de l’espace et d’ouvrir des pistes nouvelles pour analyser la mise en place de nouveaux territoires. Les recensements successifs ont fait apparaître des mutations dans la manière d’habiter le territoire national. Désormais, neuf Français sur dix vivent dans la mouvance directe d’une grande ville. Trois ou quatre cents pôles urbains, métropoles et villes moyennes, suffisent presque à assurer l’essentiel des besoins de la population. La mise en territoire de ces nou- veaux espaces de vie permet de les accepter, de se les approprier, de leur donner un sens qui les légitime. La réinvention des territoires est donc inhérente à tout acte géographique. À côté du volontarisme politique, nombreuses sont les initiatives spon- tanées qui participent de ce mouvement. Cela passe avant tout par la repré- sentation du territoire qu’on cherche à promouvoir, par sa restitution sen- sible et plus largement par sa mise en scène. Le territoire devient donc le héros d’un spectacle collectif au cours duquel son existence même se trouve confirmée par l’imagination. Les géographes ont mis en évidence les efforts des groupes sociaux pour parvenir à l’expression d’une conscience territo- riale commune. Les festivals, en tant que manifestations festives récurrentes dans le temps et dans l’espace, s’inscrivent dans cette perspective aussi bien parce que leur distribution spatiale présente une alternative aux hiérarchies habituelles de l’espace français que parce qu’ils constituent un réel potentiel en matière de développement des territoires à toutes les échelles. 1 Présentation générale du phénomène et de sa géographie 1.1 Questions liminaires à propos des festivals Les festivals représentent une forme nouvelle d’événement culturel qui a pris son plein essor durant la seconde moitié du XX e siècle. Dans une société devenue post-moderne, ils constituent une forme de réminiscence de la fête et du vivre-ensemble particulièrement recherchée. Il n’est qu’à constater leur formidable éclosion. Les informations fournies par les Ministères du Tourisme et de la Culture permettent d’évaluer à environ 1 200 le nombre de festivals qui animent la France chaque année. Certains auteurs avancent le chiffre de 2 000 manifestations (Dechartre, 1998). Si le mouvement de création de festivals semble ralentir et arriver à maturité, aucune informa- tion ne vient sérieusement étayer l’hypothèse d’un déclin du phénomène, voire d’une crise. Les premiers festivals sont antérieurs à la Seconde Guerre mondiale comme les Chorégies  d’Orange inaugurées en 1889 ou le Festival de Vaison-la-Romaine créé en 1921. Pourtant, ce n’est qu’à partir des années cinquante que le phénomène s’accélère pour atteindre un maximum