Immutabilité du droit musulman et réformes législatives en Egypte - article ; n°1 ; vol.7, pg 5-34
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1955 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 5-34
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1955
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Y. Linant de Bellefonds
Immutabilité du droit musulman et réformes législatives en
Egypte
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 7 N°1, Janvier-mars 1955. pp. 5-34.
Citer ce document / Cite this document :
Linant de Bellefonds Y. Immutabilité du droit musulman et réformes législatives en Egypte. In: Revue internationale de droit
comparé. Vol. 7 N°1, Janvier-mars 1955. pp. 5-34.
doi : 10.3406/ridc.1955.9158
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1955_num_7_1_9158IMMUTABILITÉ DU DROIT MUSULMAN
ET RÉFORMES LÉGISLATIVES EN EGYPTE
à Y. l'Institut LrNvVNT Professeur des hautes de études droit BELLBFONDS musulman françaises du Caire
Dans cette œuvre gigantesque que constitue la littérature juri
dique musulmane en langue arabe, on ne trouve rien d'analogue à
nos traités d'histoire du droit, si l'on excepte quelques manuels,
parus ces dernières années et destinés aux étudiants des Facultés de
droit (1).
La plupart de ces manuels, sinon tous, adoptent la même mé
thode : l'histoire du droit musulman s'étale sur quatre périodes (2).
La première période est celle de la Révélation coranique, la dernière
celle du taqlid. « Période qui se continue jusqu'à nos jours », ajout
ent, invariablement, les auteurs.
Le taqlid, c'est le « conformisme » (3) juridique, l'obligation de
suivre les enseignements des prédécesseurs, obligation qui pèse sur
tous ceux qui sont appelés à formuler la règle juridique. A dessein
nous employons une expression aussi vague, car elle doit s'appli
quer aussi bien au souverain qu'au plus modeste juge. Il en résulte
que la Loi, telle qu'elle s'est fixée à une époque que nous allons
préciser, ne peut plus être modifiée de nos jours.
Comment expliquer cette situation ? A quel moment s'est-elle
établie ? Quels sont le sens et la portée du taqlid ? , autant de ques-
(1) Le manuel classique est l'Histoire du droit musulman, de Mohamed El
Khoudari, 3e éd., Le Caire, 1930 (en arabe). Ï/Histoire du Fiqh, de El
Hajawi, Kabat puis Tunis, 1927 (en arabe), dépasse par son volume (4 tomes),
la moyenne habituelle des œuvres de ce genre. Le précis du Df Mohamed Youssef
Moussa : Les biens et la théorie du contrat (en arabe), Le Caire, 1953, comprend
un historique du droit musulman, précieux par les références très complètes qui
figurent en notes et qu'on ne trouve qu'exceptionnellement dans les œuvres écrites
par des cheikhs.
(2) Mohamed El Khoudari est, seul, à distinguer six périodes.
(3) Pour plus de détails consulter 1 Introduction à l'étude du droit musulman,
du professeur Milliot, Paris, 1953. IMMUTABILITE DU DROIT MUSULMAN 6
tions que les auteurs ont à peine abordées, mais dont l'examen appro
fondi dépasserait le cadre de cette étude. Il est, cependant, néces
saire d'avoir de ce phénomène une idée assez précise, si l'on veut
comprendre toutes les difficultés que le législateur égyptien a dû
surmonter et tous les moyens détournés, tous les expédients qu'il a
dû utiliser depuis un demi-siècle, dans son effort pour modifier la
loi musalmane en principe intangible, car c'est l'examen de ces
moyens et de la technique législative très curieuse qui les met en
œuvre qui fait l'objet de notre étude.
On sait que le droit musulman s'est construit sur quelques rares
dispositions coraniques et sur quelques données puisées dans la. vie
du Prophète. Sur ces minces fondations s'est élevé l'imposant monu
ment du fiqh, œuvre des savants moudjtahidines des deuxième et
troisième siècles de l'Islam. Ce n'est ni une œuvre officielle ni un
ensemble de dispositions émanant d'une autorité quelconque, car
l'Islam n'a jamais connu d'autorité investie du pouvoir de faire la
loi et même en tant que corps religieux ne possède aucun des organes
d'interprétation que l'on retrouve dans la plupart des grande«
religions.
Le fiqh est donc un système doctrinal, fruit de la collaboration
de professeurs, de juges et même d'administrateurs, ces deux der
nières catégories tirant leur pouvoir, non pas de leur fonction,
mais, au même titre que les professeurs, de leur aptitude à Vldj-
tihad.
li'Idjtihad est l'effort intellectuel créateur du droit ; sous tou
tes les réserves qu'imposent toujours les comparaisons, VIdjtihad
correspondrait à l'élaboration jurisprudentielle et doctrinale du
droit. Or cette élaboration du droit, et, pour tout dire, la création
de la règle juridique, est l'apanage de certains fouquaha, savants
légistes, auxquels la, communauté a reconnu cette aptitude à raison
de leur science, de leur vertu et du fait, surtout, qu'ils ont vécu aux
deuxième et troisième siècles de l'Hégire. Ce fut l'époque du plein
« épanouissement » de la « perfection » du droit. Les écoles juridi
ques se constituent. Les disciples immédiats donnent à l'œuvre des
quatre grands fondateurs sa structure définitive.
Entre la fin du deuxième siècle et le début du quatrième, sont
rédigés les monuments du droit qui fixent la loi de l'Islam sans que
les dix siècles de gloses et commentaires, qui ont suivi, aient apporté
grand chose de nouveau à l'œuvre primitive.
Au début du quatrième siècle (vers le milieu du dixième siècle
de l'ère chrétienne) commence la période du taqlid, du « confo
rmisme ». Désormais il n'est plus question de créer, d'innover et sur
tout de modifier la structure générale du fiqh telle qu'elle vient
d'être établie. Le devoir de tout fidèle, et nul n'échappe à cette obli
gation, pas même le commandeur des croyants, est de s'en rapporter
aux solutions des grands Maîtres et de leurs disciples immédiats.
Il va de soi qu'il n'y a pas eu de cassure entre cette période et
la précédente et que « l'abdication par la science juridique de la ET RÉFORMES LEGISLATIVES EN EGYPTE 7
plus haute de ses fonctions : l'effort créateur » (4) ne s'est pas éta
blie du jour au lendemain. La discipline du taqlid ne imposée
que lentement et progressivement laissant encore, pendant deux ou
trois siècles, à des formes û} Idjtihad de plus en plus mineures, un
domaine où s'exercer qui n'a plus compris que des questions secon
daires, non résolues, ou insuffisamment résolues par les grands
maîtres.
Mais il est arrivé un moment où même cet Idjtihad modeste a
également disparu. Le taqlid est alors devenu une discipline abso
lue ne souffrant aucun tempérament. Les auteurs font correspondre
ce moment avec la prise de Bagdad par les Mongols en 656 de l'Hé
gire (1258 de l'ère chrétienne) qui marque la ruine du khalifat Abas-
side (5). Depuis ce moment, il n'a plus été possible d'apporter la
moindre modification aux systèmes juridiques tels qu'ils venaient
d'être élaborés par les fondateurs d'Ecoles et leurs disciples imméd
iats. Le fiqh, le droit musulman, se fige et depuis sept siècles il est
demeuré dans cet état.
Comment se traduit dans la pratique cette fixation et sa contre
partie l'obligation de se « conformer » aux règles précédemment
établies ?
Elle signifie, d'abord, qu'il ne saurait y avoir de jurisprudence
novatrice : le juge à n'importe quel degré de la hiérarchie judiciaire
doit, actuellement, appliquer la loi comme elle a été appliquée par les
premiers successeurs des fondateurs d'écoles. Ceux-ci, comme nous
le rappelions, ont joui pendant la période du déclin progressif de
VIdjtihad qui va du quatrième siècle à la chute de Bagdad (septième
siècle de l'Hégire) d'un pouvoir restreint d'interprétation qui s'est
exercé sur des questions secondaires dans le cadre des grandes lignes
fixées par les maîtres et, du même coup, ils ont épuisé toutes les
possibilités d'interprétations qui pouvaient se présenter.
La discipline du taqlid signifie, ensuite, que le souverain (khal
ife, sultan, gouvernement) chargé de l'administration de la jus
tice ne peut modifier les dispositions du fiqh et à plus forte raison
les abroger. Ainsi, dans l'Islam le pouvoir de gouverner n'entraîn

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